L’image du périphérique engorgé, symbole d’une ville asphyxiée, n’a pas disparu. Mais une chose a changé entre 2012 et 2022 : l’air que respirent les Parisiens s’est nettement amélioré. C’est le constat dressé par Airparif dans une étude parue le 27 août 2025. L’observatoire de la qualité de l’air en Île-de-France évalue précisément les actions ayant contribué à ce progrès. Le résultat est sans appel en une décennie : -40 % de dioxyde d’azote (NO₂), -28 % de particules fines (PM2.5) et -35 % d’émissions de dioxyde de carbone liées au trafic routier.

Derrière ces chiffres, une transformation profonde : Paris a engagé en dix ans un bras de fer contre la voiture individuelle et contre certaines pratiques polluantes héritées du passé. Si la qualité de l’air reste loin des normes recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les bénéfices sanitaires sont déjà visibles, avec une baisse des pathologies chroniques respiratoires et cardiovasculaires.

Trois leviers d’action déterminants pour améliorer la qualité de l’air

Comment expliquer concrètement une telle évolution ? Trois leviers principaux émergent. Le premier est la modernisation du parc roulant, grâce aux normes Euro et à la mise en place de la Zone à faibles émissions (ZFE) depuis 2017. Cette seule évolution explique plus de la moitié de la baisse du dioxyde d’azote, selon le rapport d’Airparif.

Le deuxième levier est la réduction du trafic routier : limitation des places de stationnement, multiplication des pistes cyclables, aménagements favorisant les bus et les mobilités douces. La baisse du volume de voitures à Paris explique un quart des progrès sur le NO₂, et contribue aussi fortement à la réduction du CO₂.

Enfin, troisième facteur, les autres sources de pollution : chauffage résidentiel et tertiaire, chantiers, industrie ou encore production d’énergie. Leur contribution est particulièrement marquée pour les particules fines, où près de la moitié des améliorations leur est attribuée.

Bénéfice accru le long des axes routiers, mais les particules restent un ennemi tenace

Ces chiffres cachent des disparités. Les 10 % de Parisiens les plus exposés – ceux qui vivent le long des grands axes routiers – ont vu leur exposition au NO₂ baisser de 45 % et celle aux PM2.5 de 31 %. Autrement dit, les habitants les plus vulnérables ont été les premiers bénéficiaires de ces politiques. Une justice environnementale qui conforte les choix réalisés, même si le chemin reste long.

Si les progrès sont indéniables, les particules fines et ultrafines demeurent encore aujourd’hui un vrai défi. En 2022, aucun Parisien n’était exposé à un dépassement des valeurs limites européennes en vigueur (40 µg/m³ pour les PM10, 20 µg/m³ pour les PM2.5). Mais tous dépassaient encore les seuils plus ambitieux de 2030, et surtout les recommandations de l’OMS (5 µg/m³ pour les PM2.5, 15 µg/m³ pour les PM10).

Parmi les sources de pollution les plus problématiques : le chauffage résidentiel, notamment au bois, qui reste un contributeur majeur. Malgré des progrès notables, il pèse encore lourd dans les émissions de particules. Les chantiers aussi : leurs émissions ont baissé de près de 40 % mais continuent d’impacter la qualité de l’air.

Le CO₂, l’autre visage de la pollution

Au-delà de la pollution locale, le rapport d’Airparif souligne l’effet des mesures sur le climat. Entre 2012 et 2022, les émissions de CO₂ liées au trafic routier ont chuté de 35 %. Une baisse due pour trois quarts à la réduction du trafic et seulement pour un quart à la modernisation des véhicules, selon l’étude. Car si les moteurs thermiques récents émettent moins de polluants atmosphériques, ils n’ont guère progressé sur les gaz à effet de serre.

Là encore, la conclusion est claire : c’est en réduisant la place de la voiture que Paris pourra conjuguer qualité de l’air et lutte contre le changement climatique. D’où une politique très dynamique de création de pistes cyclables, pour partie protégées, depuis de nombreuses années, et qui s’est accélérée depuis la pandémie de Covid.

Des gains sanitaires et économiques

Les bénéfices de ces politiques ne sont pas qu’environnementaux. Airparif cite une étude de l’Observatoire régional de santé d’Île-de-France : en 2019, la pollution de l’air a causé près de 1 800 décès prématurés dans la capitale, et représentait en 2024 un coût de 2,5 milliards d’euros pour les seules particules.

Chaque microgramme gagné en qualité de l’air se traduit par des années de vie en meilleure santé, une baisse des maladies chroniques et des dépenses de santé évitées. L’air plus respirable n’est donc pas seulement un atout écologique, mais aussi économique et social.

Des progrès réels, mais un horizon exigeant

La directive européenne de 2024 fixe un nouveau cap : des valeurs limites renforcées à atteindre d’ici 2030. Or, en 2022, 100 % des Parisiens respiraient un air qui passait encore ces seuils, et la totalité était au-dessus des recommandations de l’OMS.

En clair, Paris a fait d’immenses progrès, mais reste exposée à des niveaux de pollution nocifs pour la santé. L’ozone, par exemple, échappe toujours aux tendances baissières et continue de dépasser chaque année les recommandations sanitaires.

Et maintenant ?

La dynamique est lancée, mais doit être amplifiée. Poursuivre la baisse du trafic, investir dans la rénovation énergétique des bâtiments, encourager des véhicules plus légers et développer massivement les mobilités alternatives sont autant de leviers pour franchir un nouveau cap.

À l’heure où la qualité de l’air devient un facteur d’attractivité des métropoles et un marqueur de justice sociale, Paris n’a plus le droit de relâcher ses efforts. Les chiffres montrent que chaque mesure paie. Reste à franchir une nouvelle étape, pour passer du “mieux” au “vraiment sain”.