De retour dans l’élite quinze ans après son dernier passage, le Petit Poucet du Top 14 entend prolonger son exceptionnelle fin de saison dernière au moment de défier les cadors du championnat de France.

Au terme d’une folle fin de saison, l’Union Sportive Montalbanaise a renversé tous les cadors de Pro D2 pour décrocher le titre, en juin dernier, et retrouver l’élite quinze ans après son dernier passage. Une aventure humaine sur laquelle le club espère surfer encore cette saison, comme le raconte le capitaine, et troisième-ligne, montalbanais, Fred Quercy. Si le recrutement peut paraître léger au moment de défier certaines des plus grosses écuries du rugby européen, toute une ville et le bouillant public de Sapiac seront d’une aide précieuse pour tenter de déjouer tous les pronostics, qui promettent à Montauban (plus petit budget de l’élite avec 14 M€) un aller-retour en deuxième division. Premiers éléments de réponse, samedi, contre le Stade Français pour la reprise du Top 14.

Comment vous abordez cette saison où tout le monde vous promet l’enfer pour votre retour en Top 14 ? 
Fred Quercy : On ne voit que du positif. Nous, on a des paillettes dans les yeux. C’est une grande fierté d’amener le maillot de Montauban à Paris pour la reprise, et de le porter face aux plus grandes équipes et aux plus grands joueurs. Quoi qu’il arrive, on ne parle pas de descente, de montée, de titre, de quoi que ce soit.. On parle juste de maintien, de récupérer le maximum de points partout, de faire tout ce que l’on peut. On ne retiendra que le positif, on n’a que ça à faire.

On ne pourra pas courir plus, plus longtemps, plus vite. On fait déjà les choses au max depuis longtemps, donc ça ne va pas changer

Fred Quercy


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Votre remarquable fin de saison dernière, avec ce titre de champion de Pro D2, a-t-elle été facile à digérer ? 
Oui, cela a été beaucoup plus facile à digérer que les trois saisons que j’ai vécues à mon arrivée de Montauban (en 2021), ça c’est clair et net (sourire). On a eu l’impression que cette dernière saison a été beaucoup plus courte que les autres, puisqu’il n’y avait que du positif. On aimerait en faire dix des saisons comme ça ! C’est dur à réaliser parce qu’on se dit qu’il y a un an, on aurait pu jouer en Nationale (troisième division) et on se retrouve à jouer contre Bordeaux en amical dans un stade à guichets fermés. C’est génial, on ne serre la main qu’à des mecs qui jouent en équipe de France, qui sont sur les podiums du rugby mondial.

Comment s’est passée votre préparation ? C’était comme une présaison classique de ces dernières saisons en Pro D2 ? 
En fait, avec l’arrivée de tout ce qui est GPS et autres choses comme ça, la Pro D2 se calque sur le Top 14. Je sais que nous, Montauban, on se calque sur toutes les données de Toulouse, de Bordeaux, de ce qui se fait de mieux dans le monde. Je ne dis pas qu’on s’entraîne comme eux et qu’on est comme eux, mais, en tout cas, nos entraînements, notre intensité, nos volumes de course se rapprochent énormément de tout ce qui se fait de mieux. Et on ne pourra pas courir plus, plus longtemps, plus vite. On fait déjà les choses au max depuis longtemps, donc ça ne va pas changer. Le seul truc, c’est d’augmenter la vitesse, l’intensité de notre jeu, augmenter le nombre de temps de jeu.

Vous évoquez le gap entre la première et la deuxième division en termes de répétition des efforts et de vitesse. Y a-t-il également une différence de densité physique qui entre en compte ?
Il y a la qualité intrinsèque de chaque joueur qui est évidente en Top 14. S’ils sont en équipe de France, c’est qu’il y a une raison, c’est qu’ils sont bons, c’est qu’ils ont plus ou moins toutes les qualités. Ils n’ont pas forcément de défauts. Après, à nous de nous calquer sur eux, de prendre exemple sur eux. Nos jeunes vont jouer contre leurs modèles, c’est génialissime. Après, à nous de voir ce qu’on est capable de faire contre eux en mode championnat.

Votre manager Sébastien Tillous-Borde  a dit que vous allez essayer de ne pas faire comme Agen, qui avait perdu tous ses matchs lors de la saison 2020-2021. Est-ce que cela vous rajoute de la pression ? 
Je ne vois pas quel sportif serait capable de dire qu’il fait une course pour finir dernier. Moi je m’en fous. Là, on va au Stade Français sur la pointe des pieds. On ne sait pas du tout leur niveau de jeu, on ne sait pas du tout le nôtre. Lors des matchs amicaux – qui ne sont pas bidon -, il y a quand même trois équipes différentes, des joueurs qui rentrent sans arrêt, d’autres qui sortent sans arrêt, vous ne prenez pas les points quand il faut… Cela n’a rien à voir, c’est juste pour se remettre dans le rugby. Là, face aux Parisiens, on va voir, on va pouvoir se mesurer. On n’a pas d’objectif à part le maintien et essayer de grappiller le maximum de points à l’extérieur, à domicile, pour tenter un maintien le plus rapidement possible. Si on y arrive…

À 34 ans, vous retrouvez le Top 14 dix ans après vos débuts à Montpellier, ça vous fait quoi ? 
J’aurais aimé retrouver le Top 14 en étant un peu plus jeune, un peu plus dynamique. Après, ça me fait énormément plaisir parce que je vais pouvoir aussi me tester contre les meilleures équipes et les meilleures troisièmes lignes quasiment du monde qui sont dans notre championnat. Cela va être génial, je vais pouvoir voir ce qu’ils donnent, voir leur niveau, leur intensité. Me mesurer à tout ça, il y a toujours ce petit combat de coqs qui est sympa dans le rugby. On va voir ça…

Montauban est en ébullition, la ville attendait ça depuis de longues années

Fred Quercy


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En termes de recrutement, vous n’avez pas fait des folies du fait du laps de temps très court après votre promotion…
Honnêtement, le niveau d’écart est tel que, même si on change 15 ou 20 joueurs avec des contrats incroyables, je ne suis pas sûr qu’on se maintienne en Top 14. Il n’y a rien de sûr. Il y a énormément de clubs qui ont fait des recrutements énormes et, pour autant, les joueurs ne s’entendent pas forcément. Ça ne prend pas tout de suite de toute façon et vous ne gagnerez pas. Il vaut mieux jouer avec l’effectif qu’on a là, ce n’est pas grave. Au moins on s’aime bien, au moins on apprécie d’être ensemble, au moins on rigole. C’est comme ça. Si on doit rester, on restera ; si on doit descendre, on descendra. En attendant, je pense qu’on mérite humblement notre place et on verra ce qu’on est capable de faire.

Fred Quercy au milieu des supporters montalbanais après la victoire à Colomiers, en barrage, le 23 mai 2025.
Icon Sport

Toute la ville de Montauban vibre pour ce retour en Top 14. Vous ressentez cette énorme attente au quotidien ? 
Depuis qu’on s’est qualifiés, c’est vrai que Montauban est en ébullition, la ville attendait ça depuis de longues années. Les gens sentaient que le groupe marchait bien, que le staff marchait bien, que tout se déroulait bien. Je sais que je choque peut-être, ou que j’ai choqué des potes à moi qui jouent dans d’autres équipes, mais on gagne le quart de finale à Colomiers après avoir été menés 17-0 et, dans la foulée, on est sortis tous ensemble jusqu’à 5h30 du matin. On était dans Montauban à 5h du matin, on croisait des gens et ils disaient : «Mais reposez-vous pour la semaine prochaine !» Je leur disais : «Mais vous avez complètement raison, c’est à l’opposé de ce qu’on fait d’habitude, mais on est tellement bien ensemble qu’on ne veut pas que ça s’arrête. Ce n’est pas grave, on rentre à 6h du matin, on allégera lundi et on va la préparer cette demi-finale.» On arrive en demi-finale, on aurait pu jouer le match 100 fois, je pense qu’on l’aurait gagné 100 fois. Après la demi-finale, on n’avait qu’une envie, c’était partir de Brive pour rentrer à Montauban, ressortir jusqu’à 6h du matin pour être ensemble encore, reparler du match et rester encore là. C’était génial, même les coachs étaient là. Tout a été respectueux, personne n’a débordé, personne ne s’est vomi sur les pieds, mais on était là et c’était génialissime. Après arrive la consécration à la finale. On avait été ultra-sérieux, ultra-carré, mais on est restés pareils. Il n’y a pas eu de pression, on s’est entraînés avec la musique. On est arrivés au stade, ils m’ont dit qu’ils voulaient tirer au sort le vestiaire. Je leur ai dit : «Non, donnez-leur le meilleur, franchement, on s’en fout. Faites ce que vous voulez, nous, on est là, on est contents. Laissez-nous nous changer dans le couloir, on est contents, on s’en fout. On va jouer la finale pour la gagner.» Je ne sais pas si c’est ce qui nous a fait gagner, mais c’est notre mentalité à Montauban : on s’en fout un peu de tout, on vit le vrai moment.

On ne sait pas où l’on va, on ne sait pas ce qu’on va faire, mais c’est génial. Pour nous, c’est que du positif

Fred Quercy

Là vous attaquez par un déplacement au Stade Français…
On est tous impatients, on veut avoir la compo, on veut voir comment on peut se mesurer à ces équipes. On ne sait pas où l’on va, on ne sait pas ce qu’on va faire, mais c’est génial. Pour nous, ce n’est que du positif.

À titre personnel, vous avez été international espagnol et l’équipe avait été disqualifiée deux fois pour la Coupe du monde. Et là, l’Espagne s’est qualifiée pour le Mondial 2027… 
Ça me met complètement les boules, j’ai été disqualifié de deux Coupes du Monde où ça avait été la misère pour aller chercher ces qualifs. Vraiment la misère, c’était très dur. Là, c’est beaucoup plus simple, tant mieux, les générations d’après vont en profiter. Tant pis pour moi, c’est que je n’étais pas fait pour ça. Visiblement, je n’avais pas eu le droit d’aller aux Coupes du monde, alors que j’espérais les faire, c’est sûr. Quand le manager de l’équipe d’Espagne est revenu et m’a dit «ça t’intéresse ?», j’ai dit oui mais. Le «mais» qui les a dérangés, c’est que je suis capitaine à Montauban et je ne peux pas me permettre de partir toutes les trois semaines pour faire une semaine à Malaga pour aller m’entraîner. Les managers de club voient ça comme des vacances. C’était compliqué, on a préféré arrêter l’aventure comme ça, en disant «écoute, tu es capitaine, tu es important dans ton club, donc tu ne peux pas venir quand on le décide. La priorité pour nous, c’est notre nation, ce n’est pas ton club.» Ce que j’ai compris aussi. Ils ont préféré prendre d’autres joueurs.