Les marchés obligataires européens connaissent une nouvelle poussée de tension. Mardi, les rendements d’État à long terme ont franchi en Europe des seuils inédits depuis plus d’une décennie, reflétant la nervosité des investisseurs face aux trajectoires budgétaires et aux incertitudes politiques.
France : des taux au plus haut depuis 2009
En France, le rendement des obligations d’État à 30 ans a grimpé jusqu’à 4,513%, un sommet depuis juin 2009, avant de retomber légèrement à 4,492%. Le taux à dix ans a lui aussi progressé, à 3,57%, portant l’écart avec le Bund allemand à près de 80 points de base.
Pour Aurélien Buffault, gérant obligataire chez Delubac AM, cette flambée constitue un « signe très négatif de défiance » des marchés. Les investisseurs surveillent de près l’échéance politique du 8 septembre, date du vote de confiance du gouvernement de François Bayrou. « Une paralysie institutionnelle rendrait plus difficile l’ajustement budgétaire, déjà compliqué par le niveau actuel du déficit », souligne Jim Reid, économiste chez Deutsche Bank.
Royaume-Uni : le spectre de 1998
De l’autre côté de la Manche, la situation n’est guère plus rassurante. Le taux britannique à 30 ans a atteint 5,693%, son plus haut niveau depuis 1998. Cette envolée fragilise la livre sterling, qui a cédé près de 0,9% face au dollar.
La trajectoire budgétaire britannique inquiète particulièrement les marchés. Après une série de revirements sur les coupes dans les dépenses publiques, le gouvernement travailliste fait face à des comptes sous tension, à la veille de la présentation du budget d’automne. « Cette évolution témoigne du manque de confiance des investisseurs dans la capacité du Trésor à respecter ses règles d’endettement », estime Neil Wilson, analyste chez Saxobank.
Allemagne : un baromètre de la zone euro
L’Allemagne n’échappe pas à la tendance. Les rendements des Bunds à 30 ans évoluent à leurs plus hauts niveaux depuis la crise de la zone euro en 2011 (3,40%), un mouvement qui renforce la perception d’une pression généralisée sur les dettes souveraines européennes. Depuis mars dernier, le « bazooka » budgétaire du chancelier Friedrich Merz a entraîné une révision du mécanisme de « frein à l’endettement » qui limitait jusqu’alors le déficit de l’Allemagne.
Même si Berlin conserve une meilleure réputation de discipline budgétaire que Paris ou Londres, la hausse des taux allemands souligne l’ampleur du mouvement global : les investisseurs exigent une rémunération plus élevée pour détenir de la dette publique à long terme, face à des déficits persistants et à des incertitudes politiques dans plusieurs capitales.
Un climat de défiance généralisée
Dans ce contexte, les capitaux se déploient vers les actifs jugés refuges. L’or a atteint un nouveau record à 3.508 dollars l’once. Les marchés d’actions, eux, demeurent pour l’heure relativement stables, mais les analystes préviennent qu’une hausse prolongée des coûts d’emprunt pourrait peser sur la croissance et l’investissement.
En toile de fond, c’est bien la crédibilité budgétaire des États européens qui est mise à l’épreuve. La France, déjà fragilisée, apparaît en première ligne, mais le Royaume-Uni et l’Allemagne témoignent aussi de la sensibilité accrue des marchés aux signaux politiques et financiers.