« Renaturation », « oasis urbaines », « trame verte », « espaces de pleine terre ». Autant de termes qui émaillent depuis plusieurs années les programmes de planification urbaine des collectivités territoriales françaises. Villes et métropoles cherchent, notamment face au défi écologique, à provoquer le retour de la nature en ville. Un retour que la géographe bordelaise Carole Marin veut questionner sous tous ses aspects.
« Nous envisageons la nature en ville dans sa composante végétale et comme habitat de certains oiseaux et insectes. Mais le retour de la nature en ville, c’est également celui de la faune sauvage », analyse-t-elle.
Sangliers et chevreuils urbains
Derrière la carte reverdie des villes et le souhait de 71 % des Français de « laisser la nature se développer même si cela peut poser des problèmes pour les activités humaines » – d’après une étude menée en 2020 par le ministère de la Transition écologique –, trames vertes et corridors écologiques deviennent donc aussi le berceau de toute une population de grand gibier, chevreuils et sangliers notamment, qui, dans l’espace urbain, n’est pas sans causer des nuisances.
« Le sanglier est typiquement une espèce qui s’adapte à la présence humaine. Une fois installé, il va s’alimenter dans les espaces agricoles avoisinants. Il peut défoncer des clôtures, retourner des pelouses, provoquer des collisions automobiles », poursuit Carole Marin. Des nuisances dont la maîtrise passe, selon la chercheuse, avant tout par leur intégration dès la conception des grands projets urbains. Une démarche pour laquelle la Métropole de Bordeaux a commandé un rapport au laboratoire Passages de l’université Bordeaux Montaigne, auquel appartient Carole Marin et qui sera rendu d’ici l’automne.
Anticiper la gestion
« Il est important de prévoir, notamment financièrement. Un exemple ? Quand on implante de l’agriculture urbaine, il faut budgétiser des clôtures électriques pour protéger les parcelles. » Une question de bon sens à compléter, d’après la géographe, par un dispositif de régulation choisi alors qu’aujourd’hui le sujet n’est généralement traité dans les métropoles françaises que par un prélèvement d’urgence.
« Nous ne sommes plus face à des situations exceptionnelles mais face à une population sauvage dans la ville. Il faut donc une solution durable »
Dans l’agglomération bordelaise par exemple, 1 000 sangliers ont ainsi été abattus en un an afin de gérer les situations problématiques, pour deux tiers au terme de battues administratives gérées par la Louveterie et pour le tiers restant par des fédérations de chasse voisines.
« Nous ne sommes plus face à des situations exceptionnelles mais face à une population sauvage dans la ville. Il faut donc une solution durable. » Contrôle de la fertilité comme à Barcelone ? Politique de régulation ciblée par des gardes professionnels tel qu’à Genève ? Carole Marin ne se veut pas prescriptrice mais soulève la nécessité d’une structuration institutionnelle… comme celle d’un changement de nos représentations. « Nous avons une vision jardinée de la nature. Mais si on veut de la nature en ville, il faut prendre tout le package et en elle, il y a du sauvage et tout ce qu’il génère d’imprévu. Alors il faut essayer d’anticiper. »