Avec ses images primées, le photojournaliste Brent Stirton, d’origine sud-africaine, est aujourd’hui l’un des professionnels les plus reconnus au monde. Pour la 6e fois, son travail se retrouve exposé à Visa pour l’Image à Perpignan. Cette année, il présente l’intégralité de son reportage « Parc national des Virunga, République démocratique du Congo : 100 ans de résilience » pour le centenaire du parc. Un documentaire autour du plus ancien parc d’Afrique, situé aux portes d’une zone en guerre depuis trois décennies, en perpétuel état de siège, aux mains de ceux qui convoitent ses richesses naturelles (gorilles de montagne, plus grand troupeau d’éléphants…) : groupes terroristes, milices locales ou armée rebelle soutenue par le Rwanda voisin.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé au Parc national des Virunga ?
J’ai plus l’impression que ce sont les Virunga qui m’ont choisi. À une époque, je travaillais pour Newsweek, quand il y avait la différence entre Newsweek et Time. Et c’est dans ce cadre-là que j’ai été envoyé dans les Virunga en 2007. Et à l’époque, je travaillais beaucoup sur les conflits africains. Les photos que j’ai pu prendre c’était celles des gorilles des montagnes qui avaient été tués. Et je me suis rendu compte que ça avait suscité une émotion bien plus vive. Et donc, je me suis dit que c’était peut-être une autre manière de parler de ce qui se passe dans la région.
La peur de mourir dans le regard de Ndakasi, ici avec son soigneur André Bauma du centre Senkwekwe, le seul refuge au monde pour les gorilles de montagne. Ndakasi avait survécu à l’assassinat de sa famille en 2007. Elle a passé le reste de sa vie en compagnie d’humains et d’autres gorilles orphelins. (2021)
© Brent Stirton / Getty Images – © Brent Stirton / Getty Images
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué lors de votre dernier reportage auprès des « Rangers de Virunga » qui luttent pour la préservation du parc ?
Il est important de rappeler que les quartiers généraux, le siège administratif du parc, ont dû être déplacés trois fois en trois ans à cause des rebelles du M23 (groupe armé soutenu par le Rwanda qui exerce son emprise sur le parc. NDLR). Vous avez en fait ces groupes rebelles qui contrôlent différentes régions. Et ce que je trouve vraiment incroyable, c’est qu’ils continuent, ils progressent. C’est constant, c’est sans arrêt. Certains auraient abandonné, mais ils continuent, ils n’abandonnent pas.
J’aurai voulu y passer plus de temps
Alors que le parc célèbre son centenaire, vous dites que vous espérez qu’il existera toujours dans 100 ans. Qu’est-ce qui peut permettre cela selon vous ?
Ces espaces verts seront de plus en plus importants dans les années à venir. Donc, c’est vraiment juste une question de garder les choses vives pour un temps plus enlignant. Et c’est ce que ces gars font. Finalement, c’est l’optimisme de ces personnes-là, tous ceux qui y travaillent, qui permet d’avancer. Donc, finalement, ce que ces personnes font, c’est maintenir ce qu’ils peuvent en vie jusqu’à ce qu’il y ait des jours meilleurs.
Combien de temps avez-vous passé sur place depuis le début de votre reportage ?
Au total, je me suis rendu 13 fois dans les Virunga, depuis 2007. Parfois pour quelques jours, parfois pour trois semaines. Dans ces trois semaines-là, il n’était possible de travailler que quatre ou cinq jours pour des raisons de sécurité. Mais j’aurais voulu y passer plus de temps.
Georgette Ndovya Kavugho (32 ans) a été attaquée par des membres des ADF, un groupe islamiste ayant noué des liens avec l’État islamique. Selon une étude de la BBC, les ADF sont le groupe terroriste le plus meurtrier opérant dans l’est de la RDC. Ils seraient responsables de plus de la moitié des victimes civiles dans ce conflit.
© Brent Stirton / Getty Images – © Brent Stirton / Getty Images
Avez-vous pour projet d’y retourner pour poursuivre vos travaux ?
Mes projets dans l’immédiat sont de travailler sur cette alliance du fleuve Congo. La particularité de celui-là, c’est qu’après avoir travaillé aussi longtemps avec eux, je me suis fait de vrais amis. Donc, il y a une touche un peu plus personnelle.
Qu’est-ce que vous attendez que le public retienne de votre reportage en le voyant ici ?
Ce que j’attends du public c’est qu’il apporte son soutien au parc. Les besoins du parc sont d’environ 20 millions de dollars par an. Ils n’ont pas de financement du gouvernement. Et donc, ils survivent à peine en utilisant l’hydroélectricité qu’ils fournissent à d’autres régions. Mais de toute manière, ce n’est pas assez d’argent. Donc, peut-être qu’un jour, un milliardaire décidera de les aider.
Au couvent des Minimes