L’envie de partir ne relève plus d’une fantaisie passagère. En Allemagne, l’expatriation est devenue une véritable tendance, rappelle le Handelsblatt. “Pour des dizaines de milliers de citoyens allemands, le mécontentement est très profond. Ils luttent non seulement contre le mauvais temps, mais aussi contre la mauvaise humeur, les perspectives d’avenir limitées et parfois même contre la situation politique.” En d’autres termes, ce n’est plus seulement la grisaille hivernale qui pousse à lever l’ancre, mais un malaise plus fondamental.

Les chiffres confirment ce basculement. En 2010, environ 141 000 Allemands quittaient le pays. En 2024, ils étaient près de 270 000. Et 2025 pourrait marquer un nouveau record. Dans le même temps, les retours restent moins nombreux, signe que l’expatriation n’est pas un simple détour, mais souvent un choix durable.

Un phénomène qui touche toutes les générations

Cette quête d’ailleurs ne se limite pas à une génération précise. Qu’il s’agisse de familles à la recherche de perspectives plus sereines, de retraités attirés par le soleil ou de travailleurs qualifiés cherchant un meilleur équilibre entre coût de la vie et qualité de l’emploi, le spectre est large. Les destinations privilégiées reflètent cette diversité : Espagne et Italie pour la douceur de vivre, Scandinavie pour la stabilité, Afrique de l’Est pour une vie radicalement différente.

Certains, pourtant, finissent par revenir. Comme ce couple qui, après des années d’expatriation à Londres, a regagné le Bergisches Land. Mais ils constituent l’exception plus que la règle. Car à l’heure où les conseillers en mobilité vantent des fiscalités avantageuses et des permis de séjour simplifiés, l’idée de rester “coincé” en Allemagne semble à beaucoup moins séduisante.

La tentation est telle qu’elle traverse aussi les rédactions. L’auteur de l’article, le journaliste Christian Rickens, raconte comment un collègue, séduit par les allègements fiscaux italiens, a fini par déclarer : “Je m’en vais !” Était-ce vrai ? “Je crois qu’il plaisantait. Mais je n’en suis pas tout à fait sûr.”

L’expatriation allemande s’apparente donc de moins en moins à une fuite improvisée et de plus en plus à une recomposition assumée des trajectoires de vie.