« Quand quelqu’un a de la fièvre, on ne va pas accuser le thermomètre. Je ne nie pas qu’il existe des médecins au comportement déviant, la Sécurité sociale a largement les moyens de les identifier et de les sanctionner. Mais ils sont minoritaires et ne justifient pas que l’on jette l’opprobre sur l’ensemble de la profession. »

Pour Hervé Caël, médecin et président du Conseil régional de l’Ordre des médecins, l’annonce du placement sous surveillance de 500 praticiens par la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) est « déplacée ».

« Nous le prenons forcément très mal, car on se trompe de sujet, regrette le médecin. Le poste des dépenses liées aux indemnités journalières augmente certes, mais il ne suffit pas de pointer du doigt des médecins pour l’expliquer. Cela ne prend pas en compte l’augmentation du taux d’emploi, ni même la hausse des salaires sur lesquels sont calculées les indemnités ou encore le nombre croissant de seniors qui prolongent leur activité professionnelle et peuvent rencontrer des problèmes de santé justifiant un arrêt de travail. »

« Le fait-on pour les entreprises? »

Si la Cnam indique avoir comparé les médecins ciblés à des confrères se trouvant dans une configuration similaire, pour Hervé Caël la comparaison n’est pas permise.

« Même si vous exercez sur un même territoire, dans le même immeuble, vous ne pouvez pas comparer l’activité. La Sécurité sociale ne fait pas la différence entre un médecin généraliste et un médecin de famille traditionnel, et ne prend pas en compte les spécificités dans lesquelles certains peuvent s’orienter: oméopathie, acupuncture, etc. Un médecin qui prescrit plus d’arrêts qu’un autre n’est donc pas systématiquement un fraudeur. »

Par ailleurs, « on établit des statistiques parmi les médecins, mais le fait-on pour les entreprises?, interroge Hervé Caël. Car il existe des sociétés où les problèmes sont réels et le nombre d’arrêts plus élevé ».

Et que dire de ces sites qui permettent d’obtenir en quelques clics un arrêt de travail? « On ne sait pas qui sont les médecins derrière, ni même s’il y en a vraiment, ça aussi c’est un vrai sujet! »

« Il y a un bien un problème sanitaire en France aujourd’hui »

Mais pour le médecin niçois, subsiste une question centrale: « Au lieu de dire que les médecins font n’importe quoi, le vrai sujet n’est-il pas de se pencher sur l’état de santé de la population? »

« Il y a un bien un problème sanitaire aujourd’hui, avec l’augmentation des cancers, des cas de diabète et des pathologies psychologiques. Sans compter les problèmes de dépression qui se multiplient notamment chez les jeunes et face auxquels l’arrêt de travail n’est pas la seule réponse à apporter. »

Hervé Caël persiste et signe: « Ce n’est pas en désignant des médecins comme boucs émissaires que la situation va s’arranger. Ce n’est pas en attaquant des praticiens qui participent à la prise en charge des patients au quotidien dans leur cabinet, dans des conditions particulièrement difficiles et alors que l’activité connaît des problèmes d’attractivité, que des solutions vont être trouvées. »

L’urgence est ailleurs: dans l’organisation d’un « débat national sur la santé publique », que le médecin appelle de ses voeux. « Pour enfin agir sur les causes réelles et garantir l’accès aux soins pour toutes et tous. »