Une pétition a été lancée par des habitants contre ce projet sur une partie de la parcelle maraîchère, à la Cité bergère, avenue Saint-Lazare. Un moindre mal selon certains.
« C’est hallucinant ! Sur le plan local d’urbanisme intercommunal, “ils” ont préservé la parcelle, sauf ce bout qui doit être construit. Cela représente environ 20 % du site », lâche, encore dépité, Julien, cet habitant de la résidence du Parc des Roses. Plusieurs jours après avoir découvert ce permis de construire, solidement arrimé au grillage du terrain bordant la rue Mousseron. Soit la clôture d’un terrain agricole qui se poursuit sur quelques dizaines de mètres, le long de l’avenue Saint-Lazare.
C’est donc ici, sur la séculaire cité Bergère que doivent pousser deux immeubles d’habitations. Et pour lesquels la Ville a signé en bonne et due forme le permis de construire, délivré à la date du 6 août dernier. Ce nouvel acte de bétonnisation a eu tôt fait de provoquer un émoi certain dans ce quartier. Jusqu’à voir apparaître “Des légumes ou du bitume ?”, une pétition en ligne pour contester cette décision. Ce 2 septembre, cet appel avait récolté un peu plus de trois mille paraphes.
« Elle a rencontré un certain succès, je ne m’attendais pas à ça », concède Julien, son initiateur. Puis d’embrayer : « Nous, nous y allons régulièrement depuis qu’ils font de la vente directe. D’ailleurs, il y a un monde… Les gens font la queue. C’est cela qui est décevant. Après, je crois les propriétaires quand ils disent être attachés à leur terre ».
« La Cité bergère doit être préservée dans son intégralité »
Alors et si la parcelle du 21, avenue Saint-Lazare est le dernier témoin d’une certaine agriculture urbaine montpelliéraine désormais révolue, l’édification de deux immeubles sur quatre étages explique également ce tollé. Car d’ici quelques années, les résidents de l’immeuble du Parc des Roses, parallèle à la rue Mousseron, auront troqué leur vue sur laitues, carottes et courgettes pour des appartements et leurs dépendances. Pas de quoi pavoiser donc. Même si ce genre de changement de point de vue est inhérent à toute vie urbaine. Plus encore lorsqu’un territoire (c’est le cas ici) subit une forte pression foncière.
Un moindre mal au dire des élus verts de la majorité municipale. Car dès l’automne 2023, dans un numéro de « Montpellier en Commun », le journal municipal d’informations Manu Reynaud, deuxième adjoint, y écrivait noir sur bleu : « La Cité bergère doit être préservée dans son intégralité ».
Sachant que des tractations en vue d’une vente avaient été initiées en amont. Et qu’il fut même question de céder la totalité de ces cinq mille mètres carrés de campagne à la ville dont l’existence remonte, au moins, à la fin du XIXe siècle.
Coralie Mantion : « On peut toujours stopper ce projet »
Si le promoteur n’est guère disert sur les particularités des deux immeubles à bâtir, « car nous en sommes aujourd’hui à un stade embryonnaire », justifie-t-il, on sait néanmoins que ceux-ci proposeront, dixit l’intéressé, « des logements sociaux et en accès libre, mais abordables ».
Cela étant, ces constructions posent aussi la question des équipements et services dans un quartier aux habitants sont déjà écartelés entre plusieurs secteurs, à l’instar de la scolarisation des plus jeunes.
« Il faut savoir que 80 % de la ville sont urbanisés »
De son côté, la désormais conseillère écologiste de l’opposition, Coralie Mantion bataillait depuis des années pour la préservation du site parcelle. « Lors de la délibération du Plu, plusieurs terrains avaient été ciblés pour les préserver en terres agricoles avec un zonage spécifique c’est-à-dire en zone U mais agricole pour justement préserver ces espaces, continuer cette agriculture de proximité pour cette vente directe auprès des habitants du quartier. Michaël Delafosse avec Maryse Faye adjointe à l’urbanisme à l’époque a souhaité urbaniser une partie de ce terrain donc j’ai bataillé pour diminuer l’impact urbain sur cette zone. Malheureusement je n’ai pas pu la préserver dans son intégralité […] ce que je déplore évidemment puisque ces espaces, au-delà de l’agriculture, ce sont des îlots de fraîcheurs dans la ville. Ces espaces sont indispensables pour que la ville soit vivable. Il faut savoir que 80 % de Montpellier sont urbanisés ; il ne reste que 20 % d’espaces naturels. Il faut absolument fermer le robinet de l’urbanisation […] Tant que la première pierre n’est pas posée, on peut toujours stopper ce projet ».
J.-F. C. avec Guillaume Richard
« Il a été proposé de classer 80 % de cette surface »
C’est, en tout cas, ce que soutien mordicus Laurent Nison. Adjoint, notamment chargé de cordonner les travaux à travers la ville, il est le signataire du permis de construire honni. Mais l’édile de préciser : « Dans le cadre de l’ancien Plu le site était 100 % constructible. Et cette famille avait un projet de construction bien avant. Sachant qu’elle avait les droits de construction sur l’ensemble de la parcelle. Avec le nouveau Plui-c, elle voulait faire bâtir beaucoup plus, ce que nous avons refusé. Au sein de la majorité, il a été proposé de classer 80 % de cette surface pour la rendre inconstructible. Si le permis a été signé, nous nous sommes battus pour qu’il soit conforme au Plui-c et non plus au Plu. Nous avons également demandé au promoteur de revoir sa copie et passer d’immeubles de cinq à quatre étages ».
Ce dernier, (Les Nouveaux Constructeurs, NDLR) joint par téléphone, restant à tout le moins très évasif quant à la forme et au fond dudit projet.
La mise au point des propriétaires
Subissant une pression certaine depuis quelque temps, Philippe Colomina, l’actuel exploitant a tenu à remettre certains points sur les “I”. Et d’expliquer plus avant la raison de cette vente.
« Si on voulait conserver la propriété, on était obligé de céder un morceau. Je continue depuis deux ans, j’ai monté un stand de vente directe… Je continue comme on le faisait. »
Car cet avant, c’était celui de son papa décédé il y a trois ans de cela. « On est là depuis 1958 quand mon grand-père avait racheté la propriété. Là, on n’avait pas le choix on était devant le fait accompli et comme le terrain nous tient à cœur… «
Car ce que finit par raconter Philippe Colomina relève d’un strict souci financier. « Les gens signent sans connaître les tenants et aboutissants ». Que sont de simples mais triviaux frais de succession.
« Croyez-nous, ça a été un combat. On n’a pas pu faire ce que l’on voulait. Mais nous sommes des gens raisonnés et raisonnables. »
« Il s‘agit quand même d’une victoire car on partait de loin »
« Quatre-vingts pour cent de production dans un tissu urbain tel que celui-ci, ce n’est pas rien ! », renchérit Laurent Nison.
Pour Laurent Jouault, l’élu chargé du développement durable, cette vente, a minima, est un moindre mal. « Dans un premier dépôt de permis, il y avait énormément de bâtiments. Là, on aboutit à quelque chose de plus positif. Notre sentiment est qu’il s‘agit quand même d’une victoire car on partait de loin. »