Avec neuf arrivées pour 15 départs et des rebondissements à gogo, le marché estival de l’OGC Nice a été intense, animé, voire parfois déroutant. Au lendemain de sa conclusion, le directeur sportif Florian Maurice a accepté d’en disséquer les orientations et les difficultés.
Quel bilan tirez-vous du mercato?
Ça a été un mercato difficile, c’est certain. Pas seulement pour l’OGC Nice mais pour l’ensemble des clubs. C’est beaucoup trop tôt pour juger la qualité intrinsèque de ceux qui sont arrivés et leur apport. J’attends mieux, je ne suis pas fou, j’attends aussi mieux de la part des joueurs qui sont là depuis quelque temps. L’important, c’est que le mercato a été réalisé par l’ensemble des parties, sportives notamment, avec un alignement global. Les résultats ne sont pas ce qu’on attend sur les cinq premiers matchs. Ce n’est pas suffisant, j’en suis bien conscient. A nous de mettre des choses en place pour que cet effectif-là, tel qu’il est monté, puisse être performant.
C’est la première fois depuis l’arrivée d’Ineos que vous faites de telles recettes (70,75 M d’euros*).Il a fallu vendre plus que les années précédentes?
La stratégie n’a pas changé. Le club doit revenir à l’équilibre et donc avoir une certaine rigueur. Sur le plan économique, on est obligé de faire des ventes de manière régulière. Mais on a aussi investi de façon intéressante. Après, il faut aller trouver les bons profils sur le plan sportif et mental pour que l’équipe continue d’être performante. Aujourd’hui, il se passe des choses dans certains clubs qui sont difficiles pour nous. Comment est-ce possible que certains puissent être aussi dépensiers, malgré le fair-play financier et toutes les autres choses qui entrent en compte ?
Où pensez-vous pouvoir placer le club maintenant en L1, sachant que d’autres ont dépensé plus comme Strasbourg ou Rennes?
On ne peut pas dire qu’on soit dans la même lignée au vu de ce qu’ils ont investi. Économiquement, on n’est pas dimensionné de la même manière, on en est conscient. ça ne nous a pas empêchés l’année dernière de finir devant ces clubs-là. On a des armes pour se bagarrer. Quand je regarde le groupe, je ne me dis pas qu’il est catastrophique, bien au contraire. Avec tout le monde à 100 % physiquement, mentalement, techniquement, l’effectif est dense et complet, les postes sont doublés voire triplés. Il a les moyens de lutter à la fois en coupe d’Europe, même si on a un tirage difficile, et en championnat. L’objectif, c’est d’être performant et européen. Il y a six places, potentiellement une septième.
Comprenez-vous cette inquiétude ambiante autour du club?
C’est surtout lié aux résultats et, au-delà de ça, à ce qu’on montre sur le terrain. Avec les joueurs qu’on a, notre niveau n’est pas là. Il y a des nouveaux qui jouent peut-être plus tôt que ce qu’ils pouvaient imaginer. On ne pensait pas qu’en début de saison, on pouvait commencer avec une défense composée de joueurs de 2004, 2005, 2006, On pensait qu’ils allaient être accompagnés par Moise (Bombito), Dante. Ces jeunes, on aurait pu imaginer qu’ils soient dans de meilleures conditions pour être performants. Et encore, je trouve que ce qu’ils font, c’est plutôt bien.
Votre recrue la plus âgée a 26 ans. Est-ce un choix?
Quand je vais chercher un joueur, mon premier objectif, c’est qu’il soit performant, sportivement. Après, évidemment, s’il l’est, il y aura peut-être un potentiel de plus-value derrière, mais ce n’est pas ce que je regarde dans un premier temps. On avait imaginé faire un défenseur de 32 ans pour amener de la stabilité derrière. Malheureusement, les conditions n’ont pas été réunies. 21, 22, 23 ans… ça reste des joueurs qui ne sont pas forcément prêts dans l’immédiat mais qui peuvent le devenir. Oppong est un très jeune joueur d’un championnat mineur, mais sur le début de saison, c’est presque lui le plus performant. Il n’y a pas de vérité. On doit être capable de créer quelque chose à l’intérieur du groupe pour que tout le monde puisse être à 100%.
Avez-vous l’impression de vous être renforcé par rapport à l’année dernière?
C’est difficile à dire aujourd’hui. Si on reste sur les trois premières journées, vous allez me dire que non. On a perdu Evann (Guessand) et Gaëtan (Laborde), deux joueurs en capacité de marquer des buts. On a Terem Moffi, qui est un joueur qui, mis à part l’année de sa blessure, marque entre 15 et 20 buts par saison. On est allé chercher Kevin Carlos, qui a inscrit 14 et 15 réalisations sur les deux dernières années. Et après, il y a tous ceux qui sont autour qui doivent aussi améliorer leurs performances. On s’est renforcé de la meilleure manière possible pour avoir une équipe compétitive.
On sent aujourd’hui un groupe éteint. Comment l’expliquez-vous?
Le mercato est toujours une période délicate. Il y a des joueurs qui veulent partir, qui ne sont pas contents. ça peut diffuser dans le groupe certaines ondes un peu négatives. On est là-dedans depuis le début de la saison. Il faut qu’on maintienne le cap. On doit repartir de l’avant. On attend des joueurs qu’ils remettent le bleu de chauffe.
« Clauss? Quel message aurait-on envoyé? »
Il y a un joueur qui a cru partir. Comment se gère le cas Jonathan Clauss?
En début de mercato, il n’était pas prévu qu’il s’en aille. Après, il y a des discussions qui ont été menées qui ne sont pas allées au bout et ça, on doit le respecter. Le joueur est sous contrat. On l’a sorti d’un loft à Marseille l’année dernière et l’idée, ce n’était absolument pas de s’en séparer. C’est quelqu’un d’important pour le club et pour nos objectifs. Quel message aurait-on envoyé si on avait perdu Jonathan ?
Mais si l’offre avait été convaincante, vous l’auriez fait.
Elle ne l’était pas, et on avait anticipé les choses au cas où. À partir du moment où les trois parties n’étaient pas d’accord, le transfert ne pouvait pas être validé. A lui d’être en capacité de se dire qu’il est joueur niçois et qu’il se doit d’être performant. Et c’est à nous de l’aider en ce sens.
A contrario, vous avez laissé partir Badredine Bouanani.
Ce n’était pas prévu. Bad, c’est un joueur hyper talentueux qui avait très bien fini la saison dernière, avant des performances plus en demi-teinte. On a réfléchi, c’était une bonne offre qu’on ne pouvait pas refuser.
Charles Vanhoutte est arrivé à la toute fin de mercato. Il y a eu à un moment de flottement sur l’arrivée ou non d’un remplaçant à Rosario. Pourquoi?
C’est une question qu’on avait identifiée. Il était prévu que Pablo parte. Sauf que le temps avançant, on s’est aperçu que finalement peut-être qu’il ne partirait pas. Et à partir du moment où Porto est revenu avec une proposition qui nous laissait penser que ce serait la meilleure qu’on recevrait, on a rebasculé sur quelque chose qu’on avait d’ailleurs anticipé avec Salis (Abdul Samed). L’idée, c’est d’avoir un autre milieu de terrain avec des caractéristiques un peu différentes et du caractère. Des choses qui nous manquent aujourd’hui.
Que va-t-il apporter?
Au-delà de l’aspect purement technique et tactique, c’est un joueur qui va amener beaucoup par sa motivation et son éthique de travail. Il a une certaine expérience. Avec Tiago Gouveia (Benfica), ils ont joué dans des clubs habitués à gagner ou à être toujours dans le très haut niveau. On avait besoin d’ajouter ce genre de petites choses dans le vestiaire pour emmener tout le monde et retrouver un élan.
La saison à peine commencée, Franck Haise a déjà rappelé plusieurs fois le besoin d’exigence.
C’est un problème qu’on veut régler. Il se réglera sur le terrain, avec la concurrence. Notre effectif est important. Si tu n’es pas performant, il y en a d’autres qui le seront. Et tu ne joueras pas. ça fait partie du haut niveau.
Le directeur sportif regrette de voir l’équipe dans un mauvais ‘‘mood’’ actuellement. Photo Dylan Meiffret.
« On doit passer un cap au niveau mental »
Avec Königsdörffer recalé à la visite médicale, le revirement Mahdi Camara, le faux départ Clauss, c’est le pire mercato que vous avez vécu?
Franchement, ça n’a pas été un mercato agréable. On parle de ces pistes-là, il y en a eu d’autres qui n’ont pas forcément été au bout. Il faut savoir s’adapter, je pense qu’on a été capable de le faire. Il y a quand même une équipe qui va tenir la route. Je n’ai pas suivi le mercato de l’ensemble des clubs de Ligue 1. Mais je pense que ça a été compliqué pour tout le monde.
Le plus gros investissement de l’été, Isak Jansson, vit des débuts difficiles. Etes-vous convaincu par sa capacité à réussir ici?
Quand tu prends un joueur qui vient d’un championnat légèrement inférieur, il faut un certain temps d’adaptation. Évidemment, il doit faire mieux. Je pense qu’il a les qualités pour le faire. Il doit bénéficier d’une équipe qui soit dans un meilleur ‘‘mood’’, je pense qu’il n’est pas à 100 % non plus.
Changer de profil d’attaquant, avec Carlos qui ressemble plus à Moffi que Guessand, était une volonté de votre part?
On a travaillé sur différents dossiers avec des profils à la ‘‘Evann Guessand’’. Aujourd’hui, ça coûte cher. D’ailleurs, si Evann est vendu aussi cher c’est parce qu’ils sont difficiles à trouver. On avait étudié plusieurs dossiers comme ça, pour différentes circonstances ce n’est pas allé au bout. La concurrence était plus forte que nous.
On a vu l’impact dans le jeu, l’apport comptable d’Evann Guessand pour l’OGC Nice la saison passée…
Ce sont des choses qu’on doit retrouver sur un plan collectif. Evidemment, on n’aura peut-être pas les chevauchées qu’il était capable de faire. Mais je pense qu’on doit trouver des alternatives dans cet effectif-là. Avec Kevin (Carlos), Terem (Moffi), Jérémie (Boga), Sofiane (Diop), Isak (Jansson) et Momo Cho, je ne pense pas que le coach ait moins de solutions que l’an dernier. ça risque de prendre du temps… Aujourd’hui, sur l’aspect mental, on n’y est pas. Je pense qu’on a besoin de passer un cap à ce niveau-là, de mettre beaucoup plus d’engagement dans ce qu’on fait, dans le quotidien. Je suis convaincu qu’on va y arriver.
Gouveia et Abdul Samed ont été beaucoup blessés la saison passée. Cela a engagé une réflexion dans un effectif déjà fragile?
Regarder ce qu’il s’est passé sur les six-sept derniers mois fait partie de la réflexion. Mais les blessures font partie du sport de haut niveau. Même si un joueur a été blessé un certain temps, il a quand même joué des matchs. Et à un moment, tu peux retrouver un joueur sain. Je touche du bois mais on n’est pas à l’abri que demain il arrive quelque chose à un élément qui a joué tous les matchs l’an passé. C’est toujours difficile à anticiper.
C’est pour ça que vous avez un effectif de 30 joueurs.
Il y a un effectif très, très large. L’an passé, on a vécu une période un peu délicate à cause des absences, avec des joueurs qui ne devaient pas jouer qui ont joué… Ce n’est pas se préserver, mais on a créé un groupe qui nous permettra d’aller sur les trois compétitions. D’avoir suffisamment de joueurs pour pouvoir créer quelque chose, mettre de la concurrence. Ce groupe-là en a besoin pour aller chercher des choses de manière individuelle, puis collective. Ça va améliorer la qualité des entraînements, tirer tout le monde vers le haut.
Recruter à l’étranger répond à une stratégie économique?
Pas simplement, au départ on va chercher la qualité du joueur. Et ce n’est pas forcément toujours moins cher. On s’aperçoit que certains clubs belges payent plus que certains clubs français, par exemple. Se sont créés des marchés avec lesquels on n’avait pas forcément l’habitude d’être en concurrence. Aujourd’hui dans le championnat de France, ça coûte relativement cher. D’autant que tous les clubs vont chercher au départ à maximiser leur vente, et au final ils vont se dire qu’ils auraient mieux fait d’accepter l’offre du mois de juillet parce qu’au mois d’août, aucune vente n’est venue.
A voir les deux derniers mercatos, doit-on redouter une réduction des ambitions du club à venir?
Je vous l’avais dit quand je suis arrivé, je suis conscient de ce qui se passe aujourd’hui au sein du club. Mais ça ne nous a pas empêchés, dernièrement, de faire ce qu’on a fait. Avec aussi les éléments du passé, il ne faut pas l’oublier. Je suis convaincu qu’on a la chance d’avoir vraiment un environnement sain au niveau du club. à partir de là, on est capable de faire des très belles choses. Il y a eu des exemples par le passé, des clubs qui ont moins investi, qui ont moins de moyens, et qui pourtant ont réalisé des performances très importantes. Evidemment, je ne suis pas fou, je sais qu’il faut des moyens pour aller là-haut. La concurrence est encore plus grande aussi. Il faut aller se bagarrer pour aller chercher ce dont on a envie. Avec beaucoup d’énergie et d’engagement de tout le monde, on peut y arriver.
Le coach estime aussi avoir le groupe pour atteindre les objectifs fixés? On a fait ce qu’il fallait pour pouvoir être là pendant cette saison. Après, ça reste du foot. C’est difficile de prévoir, mais quand je regarde mon effectif, je ne m’inquiète pas. Loin de là. Maintenant, c’est aux joueurs de prendre leurs responsabilités. Tout le monde doit prendre la sienne, on est tous dans le même bateau.
« L’idée est de garder une autonomie par rapport à Manchester »
Vous avez essayé d’obtenir un prêt de Manchester United? C’est possible à l’avenir?
C’est seulement depuis cette année qu’on est en capacité d’échanger de manière assez régulière avec Manchester. Donc, le process ne se fait pas du jour au lendemain. On a envisagé des choses. On est dans des prémisses de collaboration, entre guillemets. Malheureusement, ils doivent aussi regarder ce qui est bon pour eux. Ils ont besoin de sortir des joueurs, de vendre en priorité. Il faut que tout le monde trouve son compte. Aujourd’hui, je ne peux pas acheter un joueur de Manchester, ni le payer.
Une passerelle comme Strasbourg avec Chelsea est impossible?
Je ne pense pas que le projet de Chelsea représente ce qu’a envie de faire Manchester. L’idée est de garder une certaine autonomie. Je ne sais pas comment ça se passe à Strasbourg, mais je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup de choix de joueurs effectués par les gens à l’intérieur du club. Recevoir une flopée de joueurs que l’on nous imposerait, est-ce la volonté du club aujourd’hui? L’idée, c’est que la passerelle fonctionne. Il faut voir comment on peut la faire fonctionner. J’ai été en contact avec eux pour potentiellement trouver des solutions avec certains de leurs joueurs. Ce n’est pas si simple que ça. Peut-être qu’en janvier ou l’été prochain, il y aura des possibilités.
C’est dit
Sur les retours de blessure
« Abdelmonem pourrait reprendre fin novembre, début décembre, je l’espère. Pour Youssouf, je ne sais pas exactement encore. »
Dante et l’après-Dante
« On savait que c’était sa dernière année. Le début de saison est un peu tronqué par certaines situations, je pense que ça va aller de mieux en mieux, qu’il va pouvoir jouer des matchs. Je le souhaite en tout cas, parce que c’est un garçon important pour nous. On travaille déjà sur une projection à la saison prochaine, pour trouver, entre guillemets, le pendant de Dante. On y avait déjà pensé à la fin de la saison, même si on avait décidé de le prolonger. On avait déjà dans la tête des noms de joueurs qui pouvaient potentiellement arriver. On n’a pas pu aller au bout des choses. On prépare déjà l’après. En janvier? Pourquoi pas. »
A propos de Tiago Gouveia
« Je suivais beaucoup le Benfica Lisbonne, notamment ses jeunes il y a quelques années. J’avais la volonté de le faire venir à Rennes, déjà. Et même à l’époque de Lyon, je le connaissais bien. C’est un garçon qui a de la personnalité, du caractère, qui vient d’un club qui veut gagner, qui a beaucoup d’exigences. Il est apprécié à Lisbonne, il a des qualités et de l’envie. Et il parle très bien français parce que son papa a travaillé à Toulouse pendant un certain nombre d’années. (Sur son poste) A la base, c’est un ailier. Mais depuis quelque temps, il a joué différentes positions, latéral droit notamment. Il peut occuper le rôle de piston, à droite et à gauche. Il est très polyvalent et met beaucoup d’engagement dans ce qu’il fait. Il a eu très peu de temps de jeu jusqu’ici mais j’ai vu chez lui une réelle capacité à marquer des buts, faire des passes. »
Les dates du mercato
« Il faudrait uniformiser son calendrier, le clôturer le 10 ou le 1er août. C’est aux instances, l’UEFA et la FIFA, de prendre ça en main. Avec l’aide des clubs, évidemment. »