En 2025, en plein #MeToo, et quelques semaines après l’affaire Pelicot, qui a tant bousculé les esprits, Le Parisien semble n’avoir rien compris à son époque. Le journal semble même être prêt à toutes les compromissions, y compris morales, pour vendre du papier ou du clic. Ce vendredi 18 avril dans la matinée, le quotidien a publié sur son site internet, toute honte bue, l’interview d’un violeur et agresseur d’enfants.
Le monsieur est certes sous les feux de l’actualité, puisque c’est en apprenant sa libération qu’une de ses victimes, le jeune Yanis, s’est suicidée par voie médicamenteuse, le 30 mars dernier, à trois jours de ses 18 ans, en Haute-Savoie. La lettre d’adieu qu’il a adressée sur son téléphone indique sans équivoque les raisons de ce geste désespéré, ont relevé les parents de Yanis, Delphine et Farid : il dit être « profondément blessé et dévasté » par la libération de son bourreau venu s’installer à 3 kilomètres de son domicile, le 3 février dernier.
Aucune mesure d’éloignement
Jean-Claude P., 58 ans, avait déjà été condamné en 2014 pour des agressions sexuelles commises en 2007 et 2014. En 2023, reconnu coupable des agressions contre Yanis, il a été condamné à cinq ans de prison ferme, quinze ans de suivi socio-judiciaire par le tribunal de Bonneville, et a bénéficié d’un aménagement de peine.
Mais aucune mesure d’éloignement n’a été prise par le tribunal, comme cela se pratique pour les auteurs de violences conjugales. Et comme l’homme habite à 3 kilomètres de la maison familiale de Yanis et de ses parents, le choc a visiblement été trop violent pour le jeune homme. « Son geste est lié à la sortie de son agresseur. C’est écrit noir sur blanc sur la lettre d’adieu. On est en colère », a affirmé la mère de Yanis au micro de RTL.
Sur cette histoire déjà terrible, qui montre des carences en termes de protection de l’enfance, le Parisien ajoute son lot d’horreurs, en donnant donc la parole à l’agresseur. Qui évidemment joue la contrition, en affirmant qu’il prie tous les jours pour Yanis, et que, « très affecté » par le suicide du jeune homme, il a « entièrement conscience de la souffrance » infligée.
« Une insulte à toutes les victimes »
Même s’il réfute sa propre responsabilité dans le geste du garçon : « je dois vivre avec cela, mais je ne peux pas endosser entièrement ce suicide ». À quoi rime ce type d’interview, de quelqu’un condamné déjà trois fois pour des agressions sexuelles sur des enfants, et qui n’en tire visiblement aucune conséquence ? Depuis quand la parole des bourreaux est-elle indispensable ?
« Cette interview est une insulte. Une insulte à la douleur de Yanis. Une insulte à sa mémoire. Une insulte à toutes les victimes d’agressions sexuelles qui doivent, chaque jour, se battre pour être écoutées, crues, protégées. Offrir une tribune à un agresseur sexuel quelques jours seulement après le suicide de sa victime, c’est une décision éditoriale qui dépasse l’indécence », relève le compte Cerveaux non disponibles sur Instagram.
Sur le site Actu.fr, l’avocate en droit pénal Alexandra Hawrylyszyn pointe au contraire les défaillances du système, comme l’obligation de prévenir les mineurs et leurs parents de la remise en liberté de leur agresseur, par lettre recommandée avec accusé de réception. Aujourd’hui, « c’est à l’appréciation du juge d’application des peines (JAP) ».
Loin des excuses des bourreaux livrées par voie de presse, et qui ne doivent que déchirer un peu plus le cœur des parents endeuillés, elle préconise de protéger réellement les enfants victimes de violences sexuelles, en interdisant à leurs agresseurs une domiciliation dans le même département. Pour cela, encore faudrait-il décider que l’enfance est une priorité nationale, et donc juridique.
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