CHRONIQUE – Place Gre’net s’associe à la radio RCF Isère chaque lundi midi dans la chronique L’Écho des médias. Notre objectif ? Revenir sur une actualité, décrypter une information… ou révéler les coulisses du traitement d’une nouvelle. Pour cette chronique n°123 du lundi 1er septembre 2025, retour sur un discours qui est très mal passé à Grenoble.
« Aujourd’hui, nous allons parler d’un discours qui est très mal passé. Car il n’y a pas que les élèves et les professeurs qui font leur rentrée, les polémiques aussi sont de retour. Mardi 26 août, comme chaque année, avait lieu à Grenoble la cérémonie de commémoration de la rafle du 26 août 1942 en zone dite libre. Une rafle, rappelons-le, qui a entraîné la déportation à Auschwitz d’environ 10 000 Juifs, dont un grand nombre ne sont jamais revenus. À Grenoble, après un “tri” opéré à la Caserne Bizanet, une centaine de personnes ont été déportées, et 53 ont par la suite été tuées.
Dès lors, tous les ans, la Ville de Grenoble, la Métropole, le (ou la) député(e) de la 1re circonscription de l’Isère, le Conseil départemental et le Conseil régional rendent hommage aux victimes dans le cadre d’une cérémonie. De même que l’État, représenté par la préfecture de l’Isère, et le Crif Grenoble-Dauphiné.
Mais, cette année, les choses ne se sont pas passées comme prévues. C’est le moins que l’on puisse dire. C’est l’élu Claus Habfast qui représentait la Ville de Grenoble et qui délivrait le discours au nom de celle-ci. L’élu a rappelé les circonstances historiques de la rafle, l’horreur de la Shoah, et déploré que l’antisémitisme soit « toujours présent, en France et en Europe ».
Mais Claus Habfast a ensuite dérivé vers la question de Gaza, en jugeant notamment que la « coalition d’extrême droite » au pouvoir en Israël n’était pas légitime. Pour lui, « chaque enfant mort à Gaza alimente l’antisionisme et décomplexe davantage encore l’antisémitisme ». Un ton qui tranche avec les discours des années précédentes, qui se contentaient de dénoncer la montée du racisme et de l’antisémitisme de façon générale.
Et la réaction a été vive. Très vive. Un porte-drapeau a interpellé l’élu en lui faisant remarquer que la cérémonie n’était ni le temps, ni le lieu pour ce genre de considérations. Il est ensuite parti, tout comme le président du Crif Éric Hattab, la députée de l’Isère Camille Galliard-Minier, la représentante du Département Joëlle Hours et la représentante de la Région Catherine Bolze. C’est en leur absence que s’est conclu le discours et qu’a eu lieu le reste de la cérémonie.
Et l’on peut se demander pourquoi avoir choisi un tel discours. La Ville de Grenoble a déjà connu un épisode difficile avec le Crif, que nous avions évoqué dans cette chronique. Alors que les relations s’étaient apaisées, quel intérêt de prononcer un discours aussi clivant, qui ne pouvait que provoquer la colère ?
De même, dénoncer la politique de Benjamin Netanyahou durant une cérémonie de commémoration de la Shoah ne relève-t-il pas d’un anachronisme quelque peu impudique ? Les Juifs tués par le régime nazi et ses complices n’ont rien à voir avec la situation géopolitique actuelle. L’objectif de Claus Habfast n’était certainement pas de créer un amalgame, mais dans un contexte où des personnes taguent des slogans anti-Israël sur des monuments dédiés à la Shoah, peut-être qu’un discours plus mesuré aurait été préférable.
La mémoire est certes politique mais elle est aussi collective, et face au fiasco de la cérémonie du 26 août 2025 à Grenoble, on aimerait que les esprits se reprennent et que les uns comme les autres cessent de se croire autorisés à s’approprier les morts. »
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Chronique RCF 123 : Un discours qui passe très mal à Grenoble
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