L’angoisse du prévisionniste ? « Se lever le matin, ouvrir sa fenêtre et voir qu’il s’est trompé », garantit Sébastien Chêne, directeur du centre interrégional de Météo France à Saint-Jacques-de-la-Lande, près de Rennes (Ille-et-Vilaine). Les deux chefs prévisionnistes du jour qui l’écoutent, âgés de 24 et 23 ans, acquiescent poliment. Face à eux, un mur d’écrans et d’ordinateurs. Le duo a la charge de dire le temps qu’il fera et d’établir, deux fois par jour, les fameuses cartes de vigilance pour vingt départements et quatre régions : la Bretagne, la Normandie, les Pays de la Loire et le Centre-Val de Loire.

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photo la station météo france de saint-jacques-de-la-lande couvre l’ensemble des prévisions et alertes de 20 départements dans la zone de l’ouest.  ©  lucie morel / ouest-france

La station Météo France de Saint-Jacques-de-la-Lande couvre l’ensemble des prévisions et alertes de 20 départements dans la zone de l’Ouest. Lucie Morel / Ouest-France

Pour réaliser leurs prévisions de Brest l’océanique à Bourges la continentale, ils scrutent en temps réel les données issues des radars, des satellites, des stations maison également. Rien qu’en Bretagne, il en existe 150. Toutes ces données sont passées à la moulinette de supercalculateurs, qui proposent une photographie en temps réel. Ensuite, des modèles météo proposent plusieurs scénarios qui reviennent au prévisionniste qui, seul, tranche. « L’humain est essentiel. On ne pourrait pas laisser les clefs du camion à un modèle automatique. L’enjeu est trop important », assure Frank Baraer, climatologue au centre.

Une clientèle d’entreprises et de collectivités

« La météo est un sujet hypersensible. Il en va de la sécurité des personnes et des biens, il peut être question de vie ou de mort », complète Sébastien Chêne. Ces prévisions sont livrées quotidiennement aux vingt préfectures concernées, mission première de l’établissement. Chaque jeudi, un briefing avec toutes les préfectures a lieu pour évoquer la situation météo et éclairer les décideurs sur le sujet.

photo remy rohr, chef prévisionniste régional, devant son poste de travail.  ©  lucie morel / ouest-france

Remy Rohr, chef prévisionniste régional, devant son poste de travail. Lucie Morel / Ouest-France

Depuis plusieurs années, encouragé par l’État qui assure encore l’essentiel des subventions, Météo France développe aussi des services pour la clientèle privée. Des entreprises comme la SNCF ou Veolia, mais aussi beaucoup de collectivités. « Elles en ont besoin pour savoir si elles annulent ou non des événements, ferment des parcs, évacuent des sites. On leur met à disposition un site internet dédié, avec une ligne téléphonique qu’ils peuvent contacter en permanence. »

« L’école de l’humilité »

En 2023 et 2024, l’institution a été critiquée pour les prévisions grand public, accessibles sur le site ou sur l’application, et jugées parfois peu fiables. La suppression d’effectifs, près d’un tiers en quinze ans (2 500 salariés aujourd’hui), ainsi que l’automatisation accrue des prévisions, en seraient la cause selon les syndicats.

La technique, c’est sûr, a remplacé des métiers, même si de nouvelles embauches ont eu lieu récemment. « Quand j’ai commencé, il y avait des observateurs qui sortaient toutes les heures. Ils allaient voir le temps, évaluaient le type de nuages, leurs hauteurs », rappelle Frank Baraer. Et la fiabilité ? « Les prévisions sont bien meilleures que par le passé. Pour les températures, notamment, notre taux de fiabilité est très bon. Après, il y a des choses plus dures à prévoir comme les orages. Quand on les annonce et qu’ils n’arrivent pas, évidemment ça se voit. C’est comme ça. Être prévisionniste, c’est l’école de l’humilité. »

Météo agricole, Rain Today ou Meteociel : que valent ces applications météo ?

Dans chaque propriétaire de téléphone portable sommeille un météorologue en puissance. Nombreux sont ceux qui vantent l’application magique, le site miracle pour connaître le temps du lendemain. Météo agricole, Raintoday, Accuweather, Windy, Météociel : toutes ces applications généralement gratuites proposent des interfaces très léchées et attractives. Il est possible d’accéder à des images radars en temps réel, faire apparaître la carte des vents, savoir si dans le quart d’heure l’endroit où l’on se trouve risque d’être sous l’eau. À côté, celle de Météo France, semble bien austère.

photo léo mazel, chef prévisionniste régional, devant son poste de travail.  ©  lucie morel / ouest-france

Léo Mazel, chef prévisionniste régional, devant son poste de travail. Lucie Morel / Ouest-France

Des données brutes

En réalité, ces applications utilisent des données fournies notamment… par Météo France. En effet, pour « favoriser l’innovation », l’État a souhaité que toutes les données de Météo France soient rendues publiques. Ainsi ces applis reprennent les calculs et prévisions fournies notamment par les deux modèles météo « maison », Arpège et Arôme. Fiables donc ? « Oui, mais il faut comprendre que ce sont des données brutes. Il n’y a personne derrière, qui va corriger, examiner et adapter la prévision comme chez nous, prévient Frank Baraer, de Météo France. La qualité de l’information n’est pas toujours à la hauteur de l’esthétisme. »