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Publié le 02/09/2025 23:11

Temps de lecture : 5min – vidéo : 13min

Bobigny : dans les coulisses du plus grand tribunal pour enfants de France

Bobigny : dans les coulisses du plus grand tribunal pour enfants de France
(France 2)

13min

Chaque année, des milliers de mineurs passent devant le tribunal pour enfants en France pour des actes de violence, de vol ou de dégradations. Le tribunal de Bobigny illustre les enjeux de la justice des mineurs : trouver le juste équilibre entre sanction et accompagnement éducatif pour prévenir la récidive.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.

Dernière minute avant l’audience, les plus longues pour ce jeune prévenu de 16 ans que nous appellerons Thomas. « Je suis au tribunal aujourd’hui parce qu’avec mes amis, on a essayé de taper quelqu’un. C’est parce que cette personne avait essayé de frapper un pote à moi. Et moi, ça m’a touché, et c’est tout », raconte-t-il. Thomas est accusé d’avoir pris part à une rixe il y a un an et d’avoir porté un coup au visage d’un autre mineur de 15 ans.

C’est sa première affaire. La juge pour enfants qu’il va rencontrer avec son avocate pourrait le condamner à un an et demi de prison ferme. Pendant 30 minutes, Thomas va s’expliquer devant la juge, puis il connaîtra sa sanction.

Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Le plus grand tribunal pour enfants de France. Chaque année, pour 16 juges, ce sont 2 700 mineurs qui sont poursuivis : outrages, vols, dégradations, violences… toutes les infractions et délits sont jugés entre ces murs.

Aujourd’hui, le tribunal ouvre ses portes pour découvrir les délinquants mais aussi les parents derrière ces affaires. La question qui se pose est récurrente : la justice des mineurs parvient-elle à rattraper ces adolescents tombés dans la délinquance ? Avec quelle sanction ? Quelle efficacité ? Faut-il plus de fermeté envers ceux qui seront les adultes de demain ?

Pour Thomas, c’est la deuxième audience en six mois. D’abord jugé coupable, il avait été pris en charge par une éducatrice. Aujourd’hui, c’est l’heure du bilan et de sa sanction. Après quelques questions, la magistrate interroge l’empathie du mineur. Elle cherche à le mettre dans la peau de ses victimes. « Je pense qu’il y a une vraie méconnaissance de ce qu’est le traumatisme. Les victimes, quand vous les écoutez, ce sont des événements qui vont les marquer toute une vie… Je vois bien qu’il y a un début de chemin qui a été fait sur votre responsabilité, mais il n’est fait qu’à moitié », explique-t-elle à Thomas.

Vient ensuite le tour de l’éducatrice. Thomas a manqué deux rendez-vous sur quatre, mais il semble disposé à évoluer. « C’est un jeune qui reste quand même dans les échanges. Je n’ai pas vu de problème de comportement ou d’opposition. Sur sa réflexion sur les faits, il porte en tout cas une certaine responsabilité. Il sait comment il aurait pu éviter cette situation-là », affirme-t-elle à la magistrate.

Après 30 minutes d’audience, la sanction tombe. Thomas s’en sort avec un stage de citoyenneté et doit continuer à voir son éducatrice une fois par mois pendant un an et demi. L’objectif : éviter la récidive. Son stage de citoyenneté est prévu en octobre et depuis le jugement, il a assisté à chacun de ses rendez-vous.

Éduquer et accompagner plutôt que réprimer est un pilier de la justice des mineurs en France. Johanna Belac, juge pour enfants depuis cinq ans, insiste : « Il n’y a pas meilleure solution pour sortir des adolescents de la délinquance… Quand on privilégie l’éducatif et qu’on a des éducateurs pour le faire, c’est ce qui fonctionne dans la majorité des cas. »

En un an, les juges pour enfants de Bobigny ont envoyé 133 mineurs en détention. Myrtis Vinas-Roudières, autre juge pour enfants, constate que la prison reste un dernier recours : « Intuitivement, on peut penser qu’il faut être très sévère, mais ce n’est pas parce qu’un mineur est emprisonné que le problème est réglé… Quand on est en prison, c’est déjà trop tard. »

Le même jour, un autre mineur de 15 ans comparaît pour la première fois pour des faits graves : menaces au couteau, violences et racket. La juge connaît déjà cet adolescent, victime de violences intrafamiliales depuis son enfance. Malgré la gravité des faits, elle choisit un stage de citoyenneté et un suivi éducatif et psychologique.

La justice des mineurs en France assume ainsi un double rôle : protéger et sanctionner. S’il récidive, l’adolescent encourt jusqu’à 3 ans et demi de prison ferme. Mais grâce à la collaboration avec les professionnels, la sanction reste mesurée et éducative, donnant une chance réelle à ces jeunes de retrouver le droit chemin.