Quelle serait la mort idéale? C’est la question qui a été posée à un panel de médecins dans le cadre d’une étude publiée dans la revue Palliative Care and Social Practice et relayée par le média scientifique IFLScience. L’initiative est due à une équipe de recherche du End-of-Life Care Research Group, de l’Université belge de Gand. Quarante-cinq professionnels ont été interrogés: quinze en Italie, quinze en Belgique et quinze aux États-Unis.
Les résultats de l’enquête sont passionnants: ils montrent que la définition d’une «bonne mort» par ces médecins est très différente de celle souvent apportée par les autres individus. Des recherches antérieures avaient déjà permis de montrer que les membres du corps médical étaient loin de toujours choisir les mêmes soins pour leurs patients et pour eux-mêmes; mais les travaux réalisés par l’équipe belge viennent enfoncer le clou, d’autant que les recherches précédentes se concentraient sur un éventail restreint de décisions de fin de vie.
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Une vision différente de la fin de vie
Trois types de médecins ont été consultés: des généralistes, des spécialistes des soins palliatifs et des professionnels susceptibles de rencontrer des patients en fin de vie. Des entretiens approfondis ont ensuite été menés avec chacun d’entre eux. Première constatation: «Les médecins en soins palliatifs ont déclaré avoir beaucoup réfléchi à leurs propres préférences en matière de fin de vie, ce qui n’était pas toujours le cas des médecins généralistes ou d’autres spécialistes médicaux.»
«Nous avons constaté que la plupart des médecins ont pris en compte leurs préférences personnelles en matière de fin de vie et que, pour beaucoup, leurs idées se sont précisées avec le temps, peut-on également lire dans l’article de recherche. Nombre d’entre eux ont indiqué qu’ils réfléchissaient régulièrement ou souvent à leur propre mortalité et qu’ils avaient réfléchi aux questions de fin de vie.»
Pour les médecins interrogés, une «bonne mort» inclut bien souvent les éléments suivants: mourir chez soi ou dans une maison de retraite (et non à l’hôpital), pouvoir anticiper la mort, avoir des proches à proximité, disposer de suffisamment de temps pour pouvoir faire ses adieux, ne pas souffrir, maîtriser la douleur et les symptômes, avoir mis ses affaires en ordre pour que l’après soit facilement gérable par les proches, avoir l’esprit clair, préserver son autonomie et sa dignité.
Le principal contraste entre les réponses des médecins et celles des non-médecins porte sur la prolongation (ou non) de la fin de vie. Ce fossé est dû aux expériences qu’ils ont pu vivre dans le cadre de leur activité et qui leur ont donné matière à réflexion. «L’influence la plus puissante semble provenir des expériences de fin de vie qu’ils ont trouvées les plus difficiles et qu’ils souhaitent éviter», résument les chercheurs.
Les personnes ne pratiquant pas la médecine, elles, sont plus nombreuses à souhaiter recevoir des traitements qui prolongeront leur vie, même si elles expriment aussi le souhait de soins axés sur le confort. Ce désir ardent de repousser l’échéance coûte que coûte peut s’expliquer par la peur, l’incertitude ou le manque de connaissances médicales.
Mais les opinions des médecins sur certaines préférences en fin de vie sont aussi influencées par des facteurs culturels, le contexte législatif ainsi que leur propre spécialité. «Les médecins des juridictions où l’aide médicale à mourir est légale ou où des lois ont été envisagées (Belgique et Wisconsin) la considèrent plus souvent comme une option de fin de vie positive et importante, explique l’équipe de recherche, tandis que d’autres expriment un malaise, surtout si leurs croyances culturelles ou religieuses, ou le cadre juridique de leur pays, s’y opposent (Italie).»