Rajan Zed dénonce l’orientalisme de l’œuvre, qu’il juge « profondément problématique ».

Comme chaque année depuis 2022, l’Opéra de Bordeaux a confié l’une de ses productions lyriques aux jeunes artistes de son académie, chargés de revisiter une grande œuvre du répertoire. Au programme cette saison : Lakmé de Léo Delibes. Un titre qui n’est pas passé inaperçu auprès du président de la Société universelle d’hindouisme, Rajan Zed, qui vient de demander à la maison girondine de retirer cet opéra de sa programmation. En cause : la dévalorisation de certaines traditions, notamment issues de l’hindouisme. « Une institution renommée comme l’Opéra national de Bordeaux ne devrait pas mettre en avant une œuvre qui s’approprie cyniquement des traditions et concepts “d’ailleurs”, et ridiculiser ainsi des communautés entières », note l’homme établi dans le Nevada, aux États-Unis.

Inde fantasmée

Ancrée dans l’Inde du XIXe siècle, à l’époque des colonies britanniques, l’intrigue de Lakmé est tirée de deux sources : le roman Le Mariage de Loti (1880) de Pierre Loti, qui raconte les amours d’un officier anglais avec une Tahitienne, et des récits de l’orientaliste Théodore Pavie, publiés en 1849, qui retracent la vengeance d’un brahmane humilié par un Anglais. L’opéra dépeint quant à lui l’histoire d’amour impossible entre un officier britannique et Lakmé, la fille d’un brahmane qui appelle à la révolte contre les colons et dénonce la destruction des temples hindous. Le texte et la musique évoquent sans conteste une Inde fantasmée par les Occidentaux de l’époque, épris d’orientalisme et, plus généralement, d’exotisme. Un élément de contexte qui est souvent clairement évoqué dans les productions d’aujourd’hui.

Selon Rajan Zed, cet opéra serait « profondément problématique », puisqu’il « caricature l’héritage oriental » et « encourage les stéréotypes ethniques ». Le président de la Société universelle d’hindouisme suggère donc au président du conseil d’administration de l’Opéra, Dimitri Boutleux, au directeur général Emmanuel Hondré, et au directeur musical Joseph Swensen de « suivre une formation de sensibilisation culturelle ». Notons que Rajan Zed avait déjà interpelé d’autres grandes maisons lyriques concernant la programmation de Lakmé : l’Opéra de Zurich en 2022, les opéras de Washington et de Monte-Carlo en 2021 ou encore l’Opéra de Wallonie-Liège en 2020.