L’objectif des 2 % du PIB de dépenses en vue

En augmentation depuis dix ans, les dépenses de défense dans l’Union ont donc atteint en record, l’an dernier. Elles devraient encore grimper en 2025, calcule l’Agence européenne de défense (AED), pour s’élever à 392 milliards d’euros (381 milliards en prix constant 2024).

Cela aurait pour effet, selon les prévisions de l’agence, que l’objectif fixé par l’Otan en 2014 à ses États membres (vingt-quatre des Vingt-sept) de consacrer 2 % du PIB consacré à la défense sera atteint, et même dépassé. Dans son ensemble, les dépenses du bloc atteindront 2,1 % du PIB, avec, cependant des différences marquées entre les États membres. En 2024, la Pologne a dépensé 4,12 % pour sa défense et la Belgique 1,3 %. Le gouvernement De Wever s’est cependant engagé à atteindre le seuil de 2 % en 2025 et de 5 % en 2035 (ce qui apparaît illusoire).

On constate d’ailleurs que la Belgique fait partie de la quinzaine d’États membres dont l’augmentation des dépenses en matière de défense a dépassé 10 %. Tous les États membres, à l’exception de l’Irlande (non-membre de l’Otan) et du Portugal, ont dépensé plus, l’an dernier.

La Commission dresse un plan pour que l’Europe soit en mesure de se défendre en 2030 face à la menace russe, et peut-être sans les États-Unis

L’AED estime que le plan « Préparation pour 2030 » de la Commission européenne, qui permettrait de mobiliser jusqu’à 800 milliards d’euros lors des quatre prochaines années, devrait soutenir l’augmentation des dépenses en matière de défense. La route est encore très longue pour que les États membres atteignent le nouvel objectif de l’Alliance atlantique de 3,5 % en 2035, (5 % si l’on prend en compte les dépenses liées plus globalement à la sécurité) fixé fin juin dernier qui réclame de porter l’effort à 630 milliards d’euros par an.

Croissance des dépenses d’investissement

En 2024, vingt-quatre États membres ont atteint le seuil de 20 % de dépenses d’investissement pour la défense. Au total, le montant des dépenses d’investissement a augmenté de 42 % pour dépasser, pour la première fois, la barre de 100 milliards d’euros. Elles devraient passer de 106 à 130 milliards en 2025.

AED, Edis, Asap, Edirpa, FPE… La défense européenne pour les nuls

Environ 80 % de ces dépenses sont consacrées à l’achat de matériel, notamment « sur étagère » pour répondre aux besoins immédiats. Cependant, les dépenses en matière de recherche et de développement enregistrent une hausse significative de 20 % contre 6 % en 2023. Elles s’élèvent à 13 milliards d’euros.

Une augmentation beaucoup moindre des effectifs

Selon l’AED, le niveau de dépense par membre actif du personnel militaire a atteint 249 000 euros (pour 138 000 euros en 2014). Les dépenses d’investissement par soldat ont également atteint un pic, de même que les dépenses par citoyen pour atteindre 764 euros.

L’AED pointe cependant que si les dépenses pour la défense ont augmenté de 19 % en 2024, la croissance des effectifs n’a été, à l’échelle de l’UE, que de 1 %. « Accroître les investissements sans une croissance correspondante dans le recrutement pourrait finalement créer des difficultés pour répondre aux besoins en termes de personnel pour opérer et maintenir ces équipements », avertit l’agence.

L’Europe dépense plus, les autres davantage, et mieux

Si les Européens dépensent davantage pour leur défense, ils restent, dans ce domaine, largement à la traîne des États-Unis. Les pays de l’UE ont dépensé 343 milliards d’euros, représentant 1,9 % de leur PIB en 2024 ; les États-Unis 845 milliards, soit 3,1 % de leur PIB. Les Américains ont consacré l’équivalent de 149 milliards d’euros aux dépenses de R & D, les Européens 13.

L’écart n’est pas que quantitatif : les dépenses européennes n’étant pas centralisées, elles sont plus fragmentées, parfois redondantes, et peuvent poser des problèmes d’interopérabilité entre les divers modèles de tanks, de systèmes d’artillerie, de véhicules d’infanteries, de frégates, de destroyers et de sous-marins. Les capacités européennes restent par ailleurs limitées en termes de ravitaillement en vol, de transport et aérien. « Nous devons absolument coopérer étroitement, faire des économies d’échelle et accroître l’interopérabilité », insiste André Denk, le chef exécutif de l’agence (à la tête de laquelle se trouve la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas). Les instruments européens Edirpa, Edip et Safe doivent contribuer à financer et à organiser cette coopération.

L’Europe serait-elle capable de se défendre seule ? « Nous serions rapidement à court de véhicules et de munitions »

En termes budgétaires, les 343 milliards de dépenses européennes dépassent celles de la Russie (107 milliards d’euros) et de la Chine (250 milliards), mais ces derniers chiffres « doivent être interprétés avec prudence, prévient l’agence. Le coût-efficacité des dépenses de Moscou et Pékin est sans doute supérieur, notamment grâce à des prix domestiques moindres, la planification et moins de fragmentation. De plus la Russie et la Chine ont augmenté leurs dépenses à un rythme plus élevé que les Européens, et depuis 2008. La Russie, enfin, devrait consacrer 6,5 % de son PIB à la défense en 2025.