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Fait rare dans un procès d’assises, un ancien procureur de la République, en l’occurrence Dominique Alzéari, ex-chef du parquet, à Toulouse, est cité parmi les témoins lors du procès Jubillar. Selon la défense du peintre plaquiste, la conférence de presse du 18 juin 2021 détaillait des éléments « biaisés et parcellaires ».

Ce sera à coup sûr l’un des moments forts du procès Jubillar. Ils ne sont pas nombreux, magistrats du parquet ou juges d’instruction, à se trouver de l’autre côté de la barre pour témoigner devant une cour d’assises. Ce sera pourtant le cas dans moins de trois semaines.

AFFAIRE JUBILLAR

AFFAIRE JUBILLAR
DDM – NATHALIE SAINT-AFFRE

L’ex-procureur de la République de Toulouse, Dominique Alzéari (2018-2021), est cité par la défense pour témoigner lors du procès de Cédric Jubillar qui doit se tenir à partir du 22 septembre devant la cour d’assises du Tarn, à Albi. Le peintre plaquiste de 38 ans est accusé d’avoir tué son épouse, Delphine Jubillar, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020, à Cagnac-les-Mines. Son corps n’a jamais été retrouvé. Il se dit toujours innocent.

Le 18 juin 2021, Dominique Alzéari, alors Procureur de la République de Toulouse, donne une conférence de presse, très attendue, sur les suites de cette affaire criminelle. Devant de très nombreux médias, le chef du parquet livre moult détails révélant les charges qui pèsent alors sur le principal suspect mis en examen, le jour même, pour « meurtre sur conjoint ».

« Péché originel »

Son intervention avait suscité de nombreuses réactions. Tant au niveau de la sphère judiciaire elle-même, que parmi les défenseurs de la présomption d’innocence et au premier rang d’entre-eux, les avocats de Cédric Jubillar. « Il a passé son temps à donner des informations biaisées, parcellaires et parfois mensongères », s’insurgent, à cette époque, Mes Martin, Franck et Alary.

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La défense a toujours considéré que le magistrat, sous- couvert de l’article 11-3 du Code de procédure pénale l’autorisant à communiquer, a « outrepassé » son rôle. Véritable point de bascule dans l’affaire, cette conférence de presse constitue pour certains « le péché originel » de ce feuilleton judiciaire interminable. La cause ? Des éléments d’enquête trop fragiles et imprécis qui, selon la défense, ont orienté l’opinion, égratignant le principe de la présomption d’innocence.

« Violente dispute »

Ainsi le procureur Alzéari évoque la présence d’une couette dans la machine à laver déclenchée… Or, ce n’est pas la couette mais la housse de couette à rayures blanches et bleues qui séchait sur un étendoir que les gendarmes ont vu dès leur arrivée dans la maison des Jubillar. Première imprécision. Il y a ensuite ses « 40 pas » qu’aurait fait Cédric pour chercher sa femme, entre 4h09 (appel gendarmerie) et 4h50 (arrivée des gendarmes). Des recherches qualifiées de « sommaires ». L’enquête établit en réalité que sur le créneau horaire 5h-6h, le podomètre affiche 275 pas, soit une distance de 181 mètres parcourus.

Entre autres éléments, le chef du parquet de Toulouse qualifie également de « violente » la dispute qu’aurait entendu Louis, 6 ans, l’enfant du couple (Cf, seconde audition du 20 janvier 2021). Or, lors de son premier témoignage, le 16 décembre 2020, l’enfant n’évoque aucun signe de dispute entre ses parents. Mais cet élément n’est pas communiqué par le magistrat qui était alors encadré du patron de la Section de recherches et du commandant du groupement de la gendarmerie du Tarn.

Dominique Alzéari a quitté le parquet de Toulouse à l’été 2021. Il est aujourd’hui avocat général à la cour d’appel de Paris.