C’était un été en pente douce sur les bords de la Loire, où l’usine ArcelorMittal a tourné au ralenti, faute d’acier à transformer. Ça tangue dans la métallurgie, dans l’économie du pays et la glissade vers les licenciements, enclenchée depuis l’hiver dernier, pourrait s’accélérer en cette rentrée.

À Basse-Indre (Loire-Atlantique), 97 postes et une des deux lignes de production sont dans le collimateur du plan d’économie national de la direction. Alors, dans les bureaux syndicaux du site, les élus bossent, téléphonent, s’informent, discutent, comme des boxeurs prépareraient le combat de leur vie.

Comme les autres, Valère Guillard connaît l’enjeu, énorme pour cet ultime représentant d’une famille de travailleurs des forges : « Mon arrière-grand-père, que j’ai bien connu, y était entré à 11 ans. De ce dont je me souviens, son rôle était d’alimenter les ouvriers en boissons. Puis il a fait différents métiers ici. »

C’était il y a plus d’un siècle et lorsqu’on entrait dans une de ces grandes entreprises, c’était de père en fils. Le grand-père maternel de Valère Guillard avait aussi rejoint l’imprimerie de Basse-Indre dès l’adolescence. « Des oncles et tantes aussi. C’était le poumon industriel, avec la navale à Indret, en face, et l’aéro à Bouguenais », expose le syndicaliste.

Lutte pour le laminoir

Dans les années 1960, son père perpétue l’atavisme familial : « Il est resté jusqu’au départ du laminoir vers Florange. » Élu à la CFDT, il a bien lutté pour conserver les « cinq cages », le cœur de la production du site, en vain.

À 16 ans, après un passage au centre de formation du Pellerin qui prépare aux métiers de la métallurgie, Valère Guillard fait son apprentissage d’ajusteur. L’usine de Basse-Indre l’attend : « Je n’ai pas dû me poser de question. C’était la logique, la facilité sans doute aussi. » En 1996, il rejoint la ligne de revêtement d’étamage, cette couche d’étain ou de chrome qui tapisse le fer des boîtes de conserve.

Très vite et là aussi par éducation, l’ouvrier adhère à la CGT. Une évidence ? « Pas par contradiction loin de là. La CFDT était présente mais peu représentée, se souvient-il. Je me retrouvais plus dans l’histoire de la CGT, ses combats et ses victoires. L’engagement et l’abnégation de certains syndicalistes de l’époque. »

Dézinguer le plan de la direction

Devenu un des élus CGT au comité central il y a deux ans, Valère Guillard compte sur « la force d’un collectif » au moment où les négociations du plan de sauvegarde de l’emploi sont réenclenchées. Elles s’annoncent âpres. Les armes juridiques sont déployées notamment avec l’appui du cabinet d’experts Secafi, qui épluche les motivations de la direction. « On attend le rapport, confirme Valère Guillard. On espère dézinguer leur plan. »

Le retour à la table de réunion est prévu ce mercredi 3 septembre. Valère Guillard sera avec ses collègues face au directeur national et son DHR. « Pas impressionné.  On travaille tous ensemble, à Basse-Indre, on est les seuls en intersyndicale. » Ces derniers jours, les élus sont passés dans les ateliers pour réexpliquer l’enjeu alors que la production a encore chuté en 2024.

« Les marchés sont partis en Espagne, regrette le syndicaliste. On se demande si la direction veut nous sauver. » Impossible de ne pas penser à une plongée vertigineuse, si les machines devaient s’éteindre ici, dans le site métallurgique bicentenaire. Loin d’une époque ou son arrière-grand-père venait parfois en traversant à pied la Loire gelée.