CRITIQUES – Une satire horripilante avec François Cluzet, un film qui sonde les tensions entre Israéliens et Palestiniens, une comédie portée par Hakim Jemili… La sélection du Figaro.

Chroniques d’Haïfa – À voir

Drame de Scandar Copti – 2h04

De Fouad, le père entrepreneur empêtré dans des malversations financières, en passant par l’aînée qui prépare avec entrain son mariage, le réalisateur palestinien Scandar Copti (caméra d’or à Cannes en 2010) tisse un drame familial au cœur de la ville la plus cosmopolite d’Israël. Chroniques d’Haïfa possède la saveur des secrets de famille bien gardés. Derrière l’impeccable façade d’un clan qui affiche sa réussite sociale, quatre voix se font entendre, quatre destins prennent corps façonnés par des passions brûlantes et des sentiments empêchés. Scandar Copti les imbrique parfaitement dans un film puzzle passionnant. Hommes et femmes, mère et filles, père et fils, Arabes et Juifs, entament une ronde aussi périlleuse qu’irrésistible tout en dansant au-dessus du volcan : celui du poids des traditions et des préjugés. O.D.


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Exit 8 – À voir

Thriller horrifique de Genki Kawamura – 1h35

C’est le genre de film qui prend un malin plaisir à déjouer les attentes des spectateurs. Le jeune réalisateur japonais Genki Kawamura (scénariste et producteur de Kore-Eda) a su transformer la triste banalité du quotidien en un fascinant cauchemar. Et tout ça en adaptant un simple petit jeu vidéo dont le succès surprise avait étonné les gamers lors de sa sortie il y a deux ans. On salue l’exploit. Exit 8 met en scène un trentenaire, filmé en caméra subjective, qui part au travail. Dans la rame bondée du métro de Tokyo, la plupart des employés de bureau, gardent le regard fixé sur l’écran de leurs smartphones. Soudain, une anomalie ! Exit 8 fait partie de ces films concept qui exploitent un dispositif narratif basé sur la variation répétitive autour d’un thème. La déambulation ahurie du héros dans les couloirs aseptisés du métro fournit un dédale propice à l’angoisse. Le thème sous-jacent explore la peur de la parentalité ainsi que la folie d’un monde technologique qui tourne en rond comme une gerbille dans sa roue. Une réussite singulière et inattendue. O.D.

Adieu Jean-Pat – On peut voir

Comédie de Cecilia Rouaud – 1h34

Harceleur patenté, Jean-Patrick, dit Jean-Pat, vient de perdre la vie dans un accident de voiture. Par un concours de circonstances aussi tortueux qu’une route en lacet, son meilleur ennemi a été chargé d’organiser l’enterrement. Humour noir et quiproquos savoureux, on reconnaît là la patte de l’auteur de bande dessinée Fabcaro et du regretté scénariste Laurent Tirard. Les blagues sonores s’enchaînent jusqu’au bord de la tombe. D’allure sympathique mais pataude (à la limite de la vraisemblance parfois), la nouvelle coqueluche de l’humour Hakim Jemili excelle à susciter des dialogues de sourd. Sa langue fourche à intervalles réguliers pour laisser échapper une énormité. Deux gags à la minute, un sens bien senti de la dérision : Adieu Jean-Pat remplit le cahier des charges. Et fait même trop de zèle. À vouloir faire sourire à tout bout de champ et de contrechamp, le film sacrifie le réalisme des personnages. Leurs défauts finissent par ressembler à des prétextes. Joyeuses funérailles, quand même. B.P.

Dans l’ombre de Marlow – On peut voir

Drame de Bertrand Mineur et Aurélien Harzoune – 1h17


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On le sent dès les premières images. Dans l’ombre de Marlow est un premier film français fauché, imprégné de mythologie américaine, qui revient de loin. Ses réalisateurs néophytes Bertrand Mineur et Aurélien Harzoune ont connu l’enfer pour en accoucher. Le résultat est attachant mais reste incroyablement fragile. L’intrigue éculée met en scène une jeune femme perdue dans un désert américain fantasmé qui sillonne les routes dans une Ford Capri immaculée à la recherche d’une boîte magique. L’allégorie permet de faire passer le manque de crédits. Un insupportable animateur de radio baptisé le «King» déblatère des platitudes, on croise des épouvantails masqués portant des cache-poussières à la Sergio Leone, un saloon à ciel ouvert, des bouteilles de lait, Bruno Salomone en père tragique et suicidaire et quelques dialogues bien clichés tels que : «On est en train de la perdre» ou «Elle est où ma maman?». Ce qui sauve peut-être cette tentative maladroite poussée hors des sentiers battus, c’est la sensation permanente d’une envie de cinéma version grand large… O.D.

Fils de – À éviter

Comédie de Carlos Abascal Peiro – 1h45

Qui veut être premier ministre ? Les candidats ne se bousculent pas. L’élection présidentielle vient d’avoir lieu. Les autorités se grattent l’occiput. Il y aurait bien une solution. Et si on allait chercher Lionel Perrin (François Cluzet) dans sa tanière ? Problème : il a abandonné la politique. Trop de déceptions. Il faudrait que son fils, attaché parlementaire en duffle-coat, se charge de la mission. Autre souci : ils sont fâchés. Aïe. En gros, le jeune homme a quarante-huit heures pour convaincre papa que le pays a besoin de lui. Telle est l’histoire que raconte Carlos Abascal Peiro. Visiblement, ce débutant a eu envie de se faire remarquer, comme un nouveau qui arrive en classe en parlant plus fort que tout le monde. Le père hésite, bougonne. Le fiston soupire, rougit. Pendant ce temps, la France attend. On n’est pas sorti de l’auberge. Elle serait donc espagnole, puisque le film est bourré d’ingrédients à craquer, comme un buffet à volonté. Malgré son casting solide, cette satire politique s’avère plus horripilante que drôle. L’ensemble est survolté, mais sans rythme, rendez-vous dans des parkings, émissions de télévision, cavalcades dans les couloirs des palais républicains. Pas une seconde de répit. On dirait du sous-Dupontel. Drôle d’idée. É.N.