La troisième fois est la bonne. La justice européenne a confirmé mercredi la validité du cadre légal qui régit les transferts de données personnelles entre l’Europe et les États-Unis, dont un député français réclamait l’annulation alors que deux accords du même type avaient été jugés contraires au droit communautaire. Le Tribunal de l’Union européenne (UE) a rejeté le recours en annulation déposé en 2023 par ce parlementaire, Philippe Latombe, élu centriste (Modem) de Vendée. Cette décision rendue en première instance confirme qu’«à la date d’adoption de la décision attaquée, les États-Unis assuraient un niveau adéquat de protection des données à caractère personnel transférées depuis l’Union (européenne) vers des organisations établies dans ce pays», selon un communiqué de la juridiction établie à Luxembourg.
L’accord de transfert de données entre l’UE et les États-Unis, appelé «Data Privacy Framework», avait été adopté en 2022-2023. Il visait à remplacer les deux précédents dispositifs qui avaient été invalidés par la justice européenne, le «Safe Harbor» en 2015 puis le «Privacy Shield» en 2020, après des recours introduits par le militant autrichien pour la protection des données Max Schrems. Philippe Latombe, spécialiste des questions technologiques (il est aussi membre de la Commission nationale informatique et libertés), avait demandé à titre personnel l’annulation du «Data Privacy Framework» devant la justice de l’UE, en arguant qu’il ne respectait pas pleinement la réglementation du bloc européen sur les données et qu’il avantageait in fine les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft).
Dénonciation d’une sorte d’inféodation
Il s’était appuyé sur un article du traité de l’Union qui permet «à toute personne physique ou morale» de s’opposer dans un délai de deux mois aux «actes réglementaires qui la concernent directement». L’élu français avait fait valoir que l’accord l’empêchait de s’opposer en France à la collecte de ses données personnelles par des services appartenant à des groupes américains, comme Google ou Microsoft. Lors du dépôt de son recours, il avait même dénoncé une forme d’inféodation des Européens aux Américains.
De nombreuses entreprises redoutaient à l’inverse, en cas de victoire de Philippe Latombe, une nouvelle phase d’incertitude juridique, qui aurait été hautement préjudiciable pour l’écosystème numérique de part et d’autre de l’Atlantique. La Business Software Alliance (BSA), l’un des principaux lobbys du secteur numérique, basée aux États-Unis, a salué mercredi une décision apportant «de la stabilité aux entreprises comme aux consommateurs de part et d’autre de l’Atlantique, qui dépendent tous les jours d’échanges sûrs de données par-delà les frontières».
Un premier recours de Philippe Latombe en référé (procédure d’urgence) avait été rejeté en 2023, mais la justice européenne avait accepté de juger l’affaire sur le fond. Dans un communiqué diffusé par son ONG, Max Schrems a quant à lui souligné que cet échec ne signifiait pas la fin du combat contre l’accord. Outre le possible appel que pourrait interjeter le député français, l’Autrichien a prévenu qu’il n’excluait pas d’engager de son côté une procédure.