Donald Trump se voyait déjà en haut de l’affiche, tête haute et torse bombé. Le 18 août, lors d’un appel avec le président des Etats-Unis, Vladimir Poutine se disait prêt à rencontrer Volodymyr Zelensky. Il était alors question d’un rendez-vous dans les quinze jours. Le temps est passé, le sablier s’est complètement vidé, et rien. Au grand dam de Donald Trump, qui comptait se placer en sauveur de l’humanité. L’idée est-elle définitivement enterrée ?

Mirage, mirage

La perspective d’une rencontre constituait en elle-même une sacrée avancée. La porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, confirmait alors que les préparatifs d’une rencontre bilatérale étaient « en cours », les deux dirigeants ayant « exprimé leur volonté de se rencontrer ». Le débat commençait même à porter sur le lieu de ce sommet. Poutine a proposé Moscou, mais a logiquement reçu une fin de non-recevoir de la part de son homologue ukrainien. Pas décidé à jouer à l’extérieur, Zelensky a affiché sa préférence pour une rencontre « dans une Europe neutre ».

La Suisse, la Turquie, la Hongrie, l’Autriche, voire le Vatican, qui se positionnait en juillet « d’accueillir des représentants de la Russie et de l’Ukraine pour des négociations », ont tous été évoqués comme options potentielles. Sans que la machine se mette véritablement en marche. La semaine passée, voyant le temps avancer, le président ukrainien s’est permis une piqûre de rappel en glissant que « ces deux semaines », claironnées par Trump, expiraient lundi.

L’espoir est néanmoins resté vain. Pire, une rencontre ne semble plus du tout à l’ordre du jour. Pas vraiment surprenant pour Carole Grimaud, spécialiste de la Russie : « La rencontre Poutine-Zelensky, ça s’est passé dans la tête de Trump. Les Russes ont dû donner quelques signaux faibles, que le président américain a interprétés comme quelque chose de fabuleux, mais il n’y a rien. » Le président des Etats-Unis s’est donc emballé, pressé d’en finir avec une guerre qui pollue le début de son mandat.

Sortir de l’isolement diplomatique

Vladimir Poutine n’a jamais vraiment eu l’intention de rencontrer son homologue ukrainien selon Carole Grimaud, en témoigne son appel à venir à Moscou, « absolument impossible à accepter pour l’Ukraine ». La Russie avait toutefois intérêt à transmettre ces « signaux faibles » pour aller dans le sens du locataire de la Maison-Blanche et reprendre une relation avec la puissance américaine. « Les Russes parlent toujours de négociation, de rencontrer la partie ukrainienne, de mettre fin à la guerre. C’est assez récurrent. Dans les faits, cela fait juste le jeu de Donald Trump, qui veut absolument une rencontre et la fin de la guerre », estime l’experte.

« Trump a offert à Poutine ce qu’il voulait : un tapis rouge, au sens propre et au sens figuré, pour sortir de son isolement diplomatique avec l’ouest. Trump n’est pas là éternellement donc Poutine saisit cette chance de renouer les contacts avec les Etats-Unis et d’en finir avec la Guerre froide qu’il y avait lorsque Biden était à la Maison-Blanche. C’est un grain de sable en moins pour lui. » En jouant le jeu de cette bromance, le président russe a ainsi pu avancer ses pions sur des sujets tels que les investissements en Arctique, que la Russie et les Etats-Unis lorgnent avec appétit, ou encore l’allègement des sanctions qui pèsent sur son pays.

Une rencontre « indispensable » mais lointaine

Alors que l’armée russe était encore « à l’offensive » sur l’ensemble du front mercredi, Zelensky se montre fataliste. « Les Russes essaient de tout faire pour éviter la rencontre. Le problème n’est pas la rencontre en elle-même, le problème est qu’ils ne veulent pas mettre fin à la guerre », dénonçait-il quelques jours plus tôt.

« Les choses n’avancent pas, Donald Trump ne cesse de sauter d’un ultimatum à l’autre et on voit que rien ne se passe. Ce n’est pas très encourageant », confie Carole Grimaud, notant que malgré les petits signes d’ouverture et les discussions, « le nerf du problème n’est pas résolu ». Un gouffre sépare toujours les positions des deux camps au sujet des garanties de sécurité et des concessions territoriales.

La rencontre tant attendue par Trump devra donc attendre, le président américain semblant s’être fait une raison, même s’il s’est une énième fois déclaré très déçu du comportement du président russe. « Il faudra que Poutine et Zelensky se rencontrent pour signer un traité de paix, c’est indispensable. Mais si elle avait lieu aujourd’hui, cette rencontre ne serait que symbolique, poursuit la spécialiste de la Russie. On les voit mal s’accorder compte tenu de l’abysse toujours prégnant entre les deux pays. Une rencontre ferait plaisir à Trump, mais les résultats ne seraient probablement à la hauteur. » Le 24 septembre marquera le 43e mois de cette guerre, lancée par la Russie en février 2022.