S’il est un homme qui a marqué l’histoire de Bordeaux à son corps défendant, c’est bien lui, Jean-Pierre Bouyxou, disparu ce mardi 2 septembre. Trublion des arts, né en janvier 1946, il a été tour à tour acteur, réalisateur, journaliste, critique… autour d’une même idée, l’irrévérence, résumée dans les titres de ses films, comme « Sortez vos culs de ma commode » (1972), « Sévices après vamps » (1980) ou l’halluciné « Satan bouche un coin » (1968). Ce dernier court-métrage avait pour décor Bordeaux, sa ville natale, et plus particulièrement la chambre du sulfureux peintre et photographe Pierre Molinier, égérie de son adolescence mouvementée. Dans la galaxie Bouyxou, tournaient fantastique, horreur, érotisme et blagues potaches en un maelström déchaîné.
Le Happening de Jean-Jacques Lebel lors de Sigma 2, le 19 novembre 1966.
Archives SO
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80 ANS DE « SUD OUEST » – On plonge dans les archives pour redécouvrir une série d’éditoriaux, reportages et photos cultes qui ont marqué l’Histoire de la région et au-delà. Du 25 au 30 octobre 1965, la première édition du festival Sigma a lieu lors de la Semaine de la recherche et d’action culturelle. Cinéma, théâtre, littérature, peinture, arts sonores… « Sud Ouest » se fait l’écho de ce premier rendez-vous, créé par Roger Lafosse, qui durera jusqu’en 1996, dans son article du 18 octobre 1965
Passé par le festival Sigma (1965-1996), il avait opéré dès ses 19 ans avec Gérard Lafosse une série de sélections cinématographiques potaches, quand morale sociale et censure étouffaient le cinéma français. Bouyxou y avait imposé son répertoire, de l’underground au porno, en passant par le film expérimental. On lui doit d’ailleurs la première rétrospective française du genre, en 1967 à Bordeaux, dans l’illégalité la plus totale. Entre 1985 et 1988, ce tandem d’iconoclastes avait eu une idée de génie en invitant les spectateurs à voter pour le plus mauvais film du monde. S’ensuivront trois autres compétitions aussi décalées et absurdes sur plus d’une dizaine d’éditions du festival.
Jean Pierre Bouyxou et Gérard Lafosse à Sigma, Bordeaux, en 1986.
Archives SO
Passionné de films hors-norme
Bouyxou devait un regret à Sigma : « Ne pas avoir pu programmer ‘‘L’infirmière n’a pas de culotte’’ à l’hôpital Pellegrin, ‘‘Les Ripoux’’ dans les locaux de la police judiciaire, ou ‘‘La Poudre d’escampette’’ à la prison de Gradignan », soulignait-il dans un entretien en 2021 à « Sud Ouest ». Bordeaux devenu trop petit pour ses équipées libertaires, il avait pris la clé des champs, direction la Belgique où Noël Godin, entarteur de BHL, Duras ou Béjart, l’attendait. Puis a volé vers Paris.
Collaborateur de nombreux journaux et magazines (« Hara Kiri », « Métal hurlant », « L’Écho des savanes », « Penthouse » ou… « Paris Match »), il avait également participé à plusieurs documentaires, dont « Mourir ? Plutôt crever ! » (2010) consacré au dessinateur Siné, par Stéphane Mercurio. Et collaboré avec des cinéastes comme Roland Lethem, Jean Rollin, Jess Franco et Gaspar Noé.
Historien du cinéma, érudit passionné de films hors norme (« La Science-fiction au cinéma », 1971), ce provocateur était contre toute attente régulièrement invité à la Cinémathèque française, l’histoire ayant rattrapé la contre-culture. Depuis 2013, il était membre à vie du jury du Festival international du film grolandais de Toulouse. Activiste infatigable, Jean-Pierre Bouyxou avait interrompu en 2023 une présentation de l’exposition Pierre Molinier au Frac à Bordeaux pour compléter à la volée et au rouge à lèvres une phrase de son ami Molinier inscrite sur l’un des murs de l’institution.
Bouyxou au Frac pendant l’exposition Molinier en 2023.
Archives E. D.
Invité permanent de l’Étrange festival à Paris, il y était attendu cette semaine. Il est mort le jour de l’ouverture.