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Joaquin Phoenix est l’un des producteurs de « The Voice of Hind Rajab »
CINÉMA – C’était l’évènement que toute la Biennale attendait. Pour la 82e édition de la Mostra de Venise, le Lido a accueilli l’équipe du film The Voice of Hind Rajab. Le long-métrage aborde la guerre à Gaza sous le prisme d’une fillette tuée en tentant de fuir la ville sous les bombes israéliennes. Avant même les projections du film, ce dernier était dans toutes les têtes. Et la conférence de presse qui a eu lieu ce mercredi restera peut-être l’un des moments les plus forts de cette édition.
Le long-métrage de Kaouther Ben Hania a été présenté à la presse lors de plusieurs projections, puis comme pour tous les films en compétition, l’équipe du film s’est réunie devant les journalistes pour la traditionnelle conférence de presse visible sur YouTube. Mais celle-ci ne s’est pas déroulée comme toutes les précédentes.
Avant même que la première question ne soit posée, la comédienne Saja Kilani a pris la parole pour faire une déclaration au nom des acteurs et de toute l’équipe du film. Une déclaration solennelle puissante pour souligner les violences commises sur la population civile par l’armée israélienne à Gaza depuis bientôt deux ans. « Est-ce que ça ne suffit pas ? Les tueries de masses, la famine, la déshumanisation, la destruction, l’occupation. The Voice of Hind Rajab n’a pas besoin qu’on le défende. Ce film n’est pas un point de vue, ou un fantasme. Il est ancré dans la vérité. Le destin de Hind est celui de toute une population », a énoncé l’actrice, la voix assurée.
Assez. Pas un jour, pas demain, maintenant
Hind Rajab est une fillette de six ans tuée le 29 janvier 2024 à Gaza avec plusieurs membres de sa famille à bord d’une voiture, alors qu’elle tentait de fuir les bombardements israéliens. Son histoire avait fait le tour du monde en raison de la diffusion des enregistrements audios déchirants de Hind Rajab appelant les secours. « Sa voix est celle de dizaines de milliers d’enfants tués au cours des deux années passées. La voix de toutes les filles et fils qui auraient dû avoir le droit de vivre normalement et de rêver, mais à qui on a tout pris en un claquement de doigts », poursuit l’actrice.
Le film retracera son histoire du point de vue des opérateurs du Croissant rouge palestinien qui étaient en ligne avec la petite fille durant le bombardement au cours duquel elle a perdu la vie. « L’histoire de Hind c’est celle d’une petite fille qui appelle à l’aide ’sauvez-moi’. La vraie question est celle-ci : comment avons-nous laissé une fillette avoir besoin de supplier qu’on lui sauve la vie ? Il faut que la voix de Hind résonne dans le monde entier, et vous rappelle le silence qui étouffe Gaza. Qu’elle mette un mot sur le génocide qu’on refuse de nommer. Et qu’elle porte ce message : Assez. Pas un jour, pas demain, maintenant », a conclu la comédienne palestinienne, reprenant le mot « enough » inscrit sur son pins, identique à celui porté par toute l’équipe du film.
Le soutien de Joaquin Phoenix
Cette prise de parole a été suivie de mots également très forts de la réalisatrice Kaouther Ben Hania : « Lorsque j’ai entendu pour la première fois la voix d’Hind Rajab, il y avait quelque chose de plus que sa voix. C’était la voix de Gaza qui appelait à l’aide et personne ne pouvait entrer ».
La réalisatrice a aussi répondu à une question concernant les récents soutiens de poids reçus par le film affirmant n’avoir « jamais imaginé cela possible ». Les figures du 7e art que sont Brad Pitt, Alfonso Cuaron, le réalisateur du film La Zone d’Intérêt Jonathan Glazer, ou Joaquin Phoenix ont en effet, quelques jours avant sa présentation, apporté leur soutien à The Voice of Hind Rajab en devenant producteurs exécutifs du film. La star de Joker était d’ailleurs présente ce mercredi en compagnie de son épouse. Joaquin Phoenix et Rooney Mara ont en effet été photographiés sur le tapis rouge de la conférence de presse affublés d’un pins rouge de soutien à la Palestine, représentant une main levée et un cœur noir, symbole d’un appel au cessez-le-feu.
Sur le tapis rouge officiel qui a eu lieu quelques heures après, le couple de célébrités américaines était à nouveau présent aux côtés du casting. Tous portaient du noir rendant leur pins très visible. L’acteur Motaz Malhees tenait dans les mains un portrait de Hind Rajab.
STEFANO RELLANDINI / AFP
From left : Actress Saja Kilani, Tunisian director Kaouther Ben Hania, actress Clara Khoury actor Motaz Malhees, and producers Nadim Cheikhrouha, Odessa Rae, Jim Wilson, Rooney Mara, Joaquin Phoenix, pose with a portrait of late Palestinian girl Hind Rajab, during the red carpet for the movie « The Voice of Hind Rajab » presented in competition at the 82nd International Venice Film Festival, at Venice Lido on September 3, 2025. (Photo by Stefano RELLANDINI / AFP)
Une mostra le regard tourné vers Gaza
Ce n’est pas la première fois depuis le début de cette 82e Mostra de Venise que la politique et le conflit israélo-palestinien s’invitent sur le Lido. Un collectif avait par exemple appelé à désinviter les stars du film In the Hand of Dante Gal Gadot et Gerald Butler, tous deux fervents soutiens de l’armée israélienne. Une demande rejetée par la direction du festival.
Le samedi 30 août, plusieurs milliers de personnes ont par ailleurs manifesté dans la cité des Doges pour appeler à la fin de l’intervention militaire israélienne à Gaza. Plusieurs personnalités comme George Clooney ou le réalisateur grec Yorgos Lanthimos ont profité des tribunes qui leur étaient ouvertes pour prendre la parole et appeler également au cessez-le-feu.
The Voice of Hind Rajab est en compétition pour le Lion d’or de cette 82e Mostra de Venise. Victoire ou pas, son avenir est en tout cas tracé. Après Venise, le film va être présenté lors de nombreux festivals à travers le globe. Il a par ailleurs déjà été sélectionné pour représenter la Tunisie à la prochaine cérémonie des Oscars.