« À Bordeaux Lac, ça craque. » La banderole qui orne les grilles du collège Alice-Millat, ce mercredi 3 septembre, signale que cette quatrième rentrée de l’établissement, créé en 2022 au cœur du quartier Ginko, n’est pas des plus sereines. Les élèves, accueillis par les agents, n’auront pas cours aujourd’hui.
« Nous sommes 20 professeurs grévistes sur 22 en service, ainsi que plusieurs agents », recensent Marine Boivin et Lucille Poissy, professeures et élues du personnel. Le collège compte une trentaine d’enseignants, pour un effectif de 450 élèves. Une grève comme un nouveau cri d’alerte, car cet établissement neuf souffre cruellement et depuis le début, selon eux, d’une pénurie de moyens humains. Leur revendication ? « L’obtention du label Rep et même Rep +. » Dans le langage de l’Éducation nationale, ce classement en Réseau éducatif prioritaire (Rep) renforcé est synonyme de dotations supplémentaires : plus de profs donc moins d’élèves par classe, renforcement des équipes (CPE, accompagnant d’élèves en situation de handicap, éducateurs), etc. Une requête qui ne date pas d’hier. « Ça fait trois ans qu’on le demande. »
Une lettre de la ministre
Beaucoup d’arguments plaident pourtant en faveur du classement. Les critères sociaux en premier lieu : « Ici, l’indice de positionnement familial (IPF) est très faible. Le collège accueille beaucoup d’élèves venus des Aubiers, issus de familles très modestes, des primo-arrivants, qui ont besoin d’un encadrement particulier. » Les enseignantes relèvent que tous les établissements voisins (Grand Parc, Edouard-Vaillant) ont le label. Et même Rep + pour le collège Blanqui, « alors qu’on a [le] même [type de population] ».
Les enseignants décrivent des classes en sureffectif, des tensions, des parents inquiets et des résultats scolaires en berne. « Cette rentrée, on a des classes de 6e à plus de 30 élèves », alors que la moyenne dans les collèges girondins est à 26, d’après le rectorat.
« La réalité du terrain est différente du discours académique », commente David Pijoan, secrétaire du Snes FSU Gironde, venu sur place. Le mouvement est logiquement soutenu par tous les syndicats : Sud Éducation, Unsa, etc. Mais ils ne sont pas les seuls. « La direction, la hiérarchie, les institutions, les politiques [des élus de la majorité de Pierre Hurmic au député Thomas Cazenave, en passant par LFI, NDLR] : tout le monde s’accorde à dire que ce collège répond à tous les critères », assurent les enseignants.
Ils ont même reçu en avril un courrier du cabinet de la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, promettant un « examen attentif » de la situation. Sans effet à ce jour. D’où cette action, qui pourrait durer. « C’est un collège très dynamique, avec une équipe ultra-soudée. Cette grève, c’est vraiment pour nos élèves, pour les mettre sur la voie de la réussite. »
« Moyens supérieurs »
« La carte de l’éducation prioritaire est définie au niveau national et n’a pas été revue récemment », écrit le rectorat de Bordeaux, contacté par « Sud Ouest ». « Malgré cela, le collège a bénéficié de toute notre attention compte tenu de sa composition sociale. » Les services avancent l’arrivée récente d’un principal adjoint, de surveillants supplémentaires et de « moyens supérieurs à d’autres collèges ». Et puisque les effectifs de cette rentrée sont supérieurs aux prévisions, ils annoncent « des moyens permettant de dédoubler davantage les classes ». Pour la suite, « nous regarderons l’évolution des effectifs pour créer des classes supplémentaires à la prochaine rentrée, si c’est nécessaire ».
De quoi apaiser la colère ? « Ces moyens auraient dû être alloués depuis longtemps, commentent les grévistes. À chaque rentrée, ils s’avèrent insuffisants. Et comme chaque année, on repousse le classement à l’année prochaine. »
Une délégation des enseignants sera reçue par le directeur académique (Dasen) de Gironde, demain. En attendant, les grévistes annoncent qu’ils vont reconduire le mouvement.