Il est apparu radieux au milieu du parterre de dirigeants, serrant longuement la main de Xi Jinping. Ce mercredi 3 septembre à Pékin, Robert Fico a marqué les esprits : le Premier ministre slovaque était le seul dirigeant de l’Union européenne convié au plus grand défilé militaire jamais organisé par la République populaire, où les troupes ont défilé au pas cadencé sur la place Tian’anmen pendant plus d’une heure.

Déjà aperçu le 9 mai dernier aux côtés de Vladimir Poutine lors du « défilé de la victoire » à Moscou, célébrant les 80 ans de la capitulation nazie, Robert Fico n’a jamais dissimulé sa proximité avec le maître du Kremlin. Cette semaine encore, il s’est affiché au sommet de l’Organisation de coopération de Shanghaï, aux côtés des alliés stratégiques et commerciaux de la Russie.

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Âgé de soixante ans, Robert Fico a connu une carrière politique en dents de scie. Fondateur en 1999 du parti SMER-social-démocratie (SMER-SD), il a occupé à trois reprises le poste de Premier ministre : de 2006 à 2010, de 2012 à 2018, puis depuis 2023. En 2010, malgré sa victoire aux législatives, il doit démissionner après la mise en minorité de son camp au Conseil national slovaque, le Parlement du pays. Rebelote en 2018 : réélu deux ans plus tôt, il quitte le pouvoir dans le tumulte provoqué par l’assassinat du journaliste Jan Kuciak, qui enquêtait sur des soupçons de fraude fiscale visant l’homme d’affaires Marian Kocner, proche de Fico et qui avait publiquement menacé le reporter.

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Virage russophile

Revenu en grâce à l’automne 2023, victorieux des législatives anticipées à la tête d’une coalition de populistes et de nationalistes, Fico opère un virage politique complet, désormais marqué par un alignement pro-russe assumé. « Il est un agent du régime fasciste et impérialiste à Moscou. Rien d’autre que l’idiot le plus utile de Poutine en Europe », dénonçait dans Le Figaro l’ancien ministre slovaque des Affaires étrangères Rastislav Kacer.

Ses positions polarisent au point de nourrir une hostilité croissante. Le 15 mai 2024, il est grièvement blessé de quatre balles lors d’une tentative d’assassinat, perpétrée par un poète, Jaraj Chintula, qui revendiquait son opposition à la politique de Fico.

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Hostilité à l’OTAN et à l’Ukraine

Le chef du gouvernement slovaque accompagne son rapprochement avec Moscou d’une hostilité ouverte à l’Ukraine et à ses alliés. En décembre 2024, il annonce la suspension de l’aide militaire de son pays à Kiev, en représailles au refus ukrainien de renouveler le contrat de transit du gaz russe vers l’Europe, dont Bratislava dépend largement. Partisan d’un « cessez-le-feu immédiat », il ne cesse de fustiger la position des Européens. Conséquence : son parti est suspendu du Parti socialiste européen (PSE).

Le 18 juin dernier, Fico a franchi une nouvelle étape en évoquant un possible retrait de la Slovaquie de l’OTAN, assurant sur Facebook que « la neutralité conviendrait à la Slovaquie ». Il s’oppose frontalement aux exigences de Donald Trump, qui presse Européens et Canadiens de consacrer 5 % de leur PIB aux dépenses de l’Alliance atlantique, objectif entériné lors du sommet de La Haye le 25 juin.

Pour autant, Fico aime se présenter comme un bâtisseur de ponts entre l’Est et l’Ouest. « Si quelqu’un construit un nouveau rideau de fer, je vous garantis que je prendrai une scie à métaux », lançait-il le 4 mai dernier, quelques jours avant d’apparaître aux commémorations du 9 mai à Moscou. Mais alors que Pékin et Moscou resserrent leurs liens, que la promesse de sommet tripartite Trump-Poutine-Zelensky est au point mort, et que l’Europe reste marginalisée dans les négociations sur l’Ukraine, l’attitude de Fico ressemble bien plus à un pas unique vers l’Est qu’à une main tendue aux deux blocs.