Invité de cette 12ᵉ édition de Paréidolie, Jérémie Setton présentait à l’entrée du Château de Servières deux séries très récentes, « Migration » et « Dessins corpusculaires », ainsi qu’un grand dessin plus autonome (Manuscrit, 2024).

On se souvient de la présence de son travail dans plusieurs expositions à Marseille et dans la région et plus récemment de ses dessins à l’eau et savon d’Alep sur panneau de plâtre, issus de la série
« Deuxième génération », présentés en 2024 dans l’exposition « Des exploits, des chefs-d’œuvre – Tableaux d’une exposition » au [mac] Musée d’Art Contemporain de Marseille, en 2024.

Jérémie Setton - série « Deuxième génération » - « Des exploits, des chefs-d’œuvre - Tableaux d’une exposition » au [mac] Musée d’Art Contemporain de MarseilleJérémie Setton – série « Deuxième génération », 2023. Dessins à l’eau et savon d’Alep sur panneau de placoplatre techniques : anti-feu (rose), phonique (violet) et renforcé (jaune) – « Des exploits, des chefs-d’œuvre – Tableaux d’une exposition » au [mac] Musée d’Art Contemporain de Marseille

On attendait donc avec intérêt les nouvelles œuvres sur papier de cet artiste qui se définit comme « un peintre qui réalise ses œuvres dans l’espace avec de la couleur et de la lumière ».

Migration, 2025Jérémie Setton - série « Migration », 2025. Pierre noire sur papier - Pareidolie 2025Jérémie Setton – série « Migration », 2025. Pierre noire sur papier – Pareidolie 2025

Dans un court document qui accompagne son exposition, Jérémie Setton précise à propos de cette série :
« Ces dessins à la pierre noire ont été réalisés d’après des archives familiales de fragments de documents d’identités arrachés. Ces formes laissent entrevoir les visages de mes grands-parents paternels et des indices de leur passé de réfugiés, suite à leur départ d’Égypte en 1956.
Pour les dessiner, j’ai observé ces documents sous une forte lumière rasante de manière à faire ressortir l’épaisseur des tampons gaufrés, les aspérités et les déformations des supports ; autant de témoignages matériels de leur histoire.
Les fortes ombres portées produites par cet éclairage latérale renforcent l’impression de mouvement et appuient l’idée de déplacement, d’instabilité, constitutif des migrations à toutes les époques ».

Dans un entretien avec Marie de la Fresnaye pour Fomo-Vox, il rappelle que cette méthode d’observation lui vient de sa « première vie » de restaurateur de tableaux :
« Cette lumière rasante permettait de faire ressortir non plus l’image ou la peinture, mais la matérialité, la physicalité du support et de la couche picturale. Tous les défauts, les micro-épaisseurs ressortent, les craquelures, les déformations. Un petit pas de côté qui permet de regarder une image non plus pour ce qu’elle est, mais pour ce qu’elle devient, comme le ferait un enquêteur qui révèle l’identité du document lui-même, son histoire physique. »

Dessins corpusculaires, 2025Jérémie Setton - Dessins corpusculaires, 2025. Acrylique et pigment sur pâte à papier - Pareidolie 2025Jérémie Setton – Dessins corpusculaires, 2025. Acrylique et pigment sur pâte à papier – Pareidolie 2025

Cette seconde série réunit une dizaine d’œuvres « épinglées » au mur du Château de Servières. L’artiste en précise le processus :
« Ces objets énigmatiques sont des empreintes de sols et de murs réalisées en pâte à papier.
Elles me permettent de prélever dans l’espace public ou dans mon atelier des fragments de formes graphiques (des aspérités, des lignes, des creux, des bosses…).
Une fois sèches, ces surfaces sont recouvertes d’une couche de peinture colorée d’une valeur d’ombre. Puis dans le frais, une couleur lumineuse faite de pigment pur est saupoudrée de façon à ce que les grains accrochent les reliefs à la façon d’une lumière rasante.

Une façon pour moi de souligner, de révéler, le dessin dissimulé dans les empreintes et la nature corpusculaire de la lumière.
Dans l’espace d’exposition, les lumières saupoudrées rentrent en résonance avec la lumière réelle du lieu. Ainsi, selon l’orientation des objets – ils peuvent pivoter – la sensation de volume, de planéité ou de “photographique” peut varier.
D’une certaine façon, le réel se superpose à l’image et entraîne un certain trouble dans notre perception ».

Manuscrit, 2024Jérémie Setton - Manuscrit, 2024. Crayon sur papier - Pareidolie 2025Jérémie Setton – Manuscrit, 2024. Crayon sur papier – Pareidolie 2025

Entre ces deux ensembles, Manuscrit prolonge les interrogations et les recherches de Jérémie Setton sur son histoire familiale. À la mine de crayon, il a recopié sur une seule feuille les 184 pages de Vouloir Vivre – Deux frères à Auschwitz, témoignage de son grand-père Léon Arditti publié en 1995 aux éditions L’Harmattan :
« La réalisation de ce dessin/écriture/protocole a été faite sur la feuille de papier placée directement sur le bureau en bois de Léon Arditti, l’auteur du livre, de manière à ce qu’il donne ses dimensions au travail. Pour que tout le texte du livre rentre rigoureusement sur la totalité de la surface du bureau, il m’a fallu adapter la taille de mon écriture (en calculant le nombre de caractères de l’ouvrage). Le recouvrement de toute la surface du bureau (donc de la feuille) par les lignes d’écritures fines agit comme un frottage de la surface du meuble, une empreinte de ce dernier. Cette surface en bois vieilli, aux lattes mal agencées et aux nombreux trous d’insectes, se répercute sur le dessin/écriture et se traduit par de nombreux trous faits par la mine du crayon à travers le papier, au fur et à mesure de l’écriture.
Au final, comme on le ferait d’une image, le témoignage dans sa totalité s’attrape d’un seul regard. Il est entièrement contenu dans la surface «monochrome» grise du dessin. Si, en se rapprochant, le texte est lisible, la densité de l’écriture, ainsi que les nombreux accidents de surface rendent la lecture éprouvante et lacunaire. Certaines lettres, mots ou morceaux de mots sont amputés de façon aléatoire car tombés, au cours de l’écriture, dans les trous vermoulus du bureau. Comme dans tous témoignages basés sur la mémoire, il y a des manques. J’ai fait ce travail pour donner une forme à ces mots, à ces manques ; et parce que j’ai voulu relire ce texte « à la loupe», en prenant le temps nécessaire pour le décrypter, le ressentir, l’assimiler ».

Une exposition et une monographie à venir en 2026

À l’hiver 2009-2010, Jérémie Setton participait avec Francis de Hita, Gerlinde Frommherz à l’exposition « Si Didon rêvait là-haut, Théo la verrait donc d’ici » au Château de Servières sur une invitation de Martine Robin. Il y reviendra en 2026 pour une exposition personnelle d’ampleur, programmée lors du Printemps de l’Art Contemporain, accompagnée de la publication d’une monographie chez Manuela éditions, avec des textes d’Anne Favier, Florian Gaité et Anne Bernou.

Naturellement, on ne manquera pas de revenir sur ce projet.

En savoir plus :
Sur le site de Jérémie Setton
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