Alors que les élections municipales repartent de plus belle en septembre, la France Insoumise (LFI) se prépare doucement à mener campagne à Strasbourg. Programme, propositions, objectifs et discussions à gauche : on s’est entretenu avec ses co-chef(fe)s de file pour prendre la température d’un mouvement qui souhaite que sa « participation à ces municipales soient à la hauteur de la place [qu’ils ont] sur le plan électoral à Strasbourg ».

Depuis 2022, toutes les élections nationales ou européennes ont vu LFI s’imposer à Strasbourg. Le mouvement est sorti premier des élections européennes, a un député dans la 2e circonscription [Emmanuel Fernandes, réélu en 2024, ndlr], tandis que Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête au premier tour des présidentielles de 2022 [35,48 % contre 30,19% pour Emmanuel Macron, ndlr]. Seule l’échelle locale semble encore se refuser à LFI : en 2020, la liste LFI menée par Kevin Loquais a à peine récolté 2,99 % des voix à Strasbourg.


Une réalité que veulent faire mentir Lisa Farault et Benjamin Kuntz, désigné(e)s co-chef(fe)s de file de la campagne insoumise à Strasbourg pour 2026. Désormais, les deux représentent LFI à Strasbourg dans les événements de quartier, auprès des associations et dans les discussions avec les partenaires politiques. Surtout, il et elle ont le rôle d’animer le collectif militant, de coordonner le programme pour 2026, comme l’explique Benjamin Kuntz : « On insuffle l’énergie, les propositions, on est là pour mettre l’énergie dans la machine pour qu’elle avance et proposer un cap. »

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© LFI Strasbourg / Document remis

L’enjeu de structurer localement la France insoumise

Avec ces mauvais résultats à l’échelle locale en tête, ces dernières années, tout l’enjeu de LFI a été de se structurer à Strasbourg selon Lisa Farault : « En 2019, ce n’était pas du tout la même dynamique ; la France insoumise était encore un mouvement très national, les militants locaux étaient très peu nombreux et pas structurés. » Avec du travail, LFI peut désormais compter sur 12 groupes d’actions présents dans les quartiers de Strasbourg, mais aussi sur une base militante forte, « de très loin la plus grosse masse militante et la plus présente sur le terrain. »

On a fait en sorte de maintenir les militants actifs, que les gens reviennent, qu’il y ait un vrai collectif qui se crée et qui ensuite puisse se diviser en groupes d’actions.

Lisa Farault, co-cheffe de file de la France insoumise à Strasbourg

lfi benjamin kuntz lisa farault © LFI Strasbourg / Document remis

Comme l’explique Lisa Farault : « Les années ont fait leur boulot, le mouvement s’est renforcé, on a vu ce qui a marché et ce qui n’a pas fonctionné, et d’élection en élection, on a de plus en plus de militants qui sont là depuis longtemps et qui ont l’expérience de comment mener une campagne. »

Surtout, d’un point de vue politique, LFI peut compter localement sur son député Emmanuel Fernandes : « Il a pu aussi montrer ce que fait un insoumis à l’échelle locale, à l’échelle de sa circonscription. Ça permet de nous ancrer, de mettre des visages sur des pratiques politiques, sur des réponses politiques qu’il faut apporter aussi. » Une figure insoumise désormais rejointe par Florian Kobryn, conseiller d’opposition de la CEA qui est passé chez LFI en juin dernier.

Sans titre © David Levêque / Pokaa

« Un vrai tournant social et populaire » : la vision de LFI pour Strasbourg

Mieux ancré dans le paysage politique local, LFI veut désormais passer la vitesse supérieure. Si les deux co-chef(fe)s de file mettent en avant le rayonnement de la ville, qu’il soit culturel, sportif ou sociétal, Benjamin Kuntz et Lisa Farault veulent porter un projet qui soit un « vrai tournant social et populaire » pour la ville, et comptent bien « régler les faiblesses qu’il y a eu pendant ce mandat ».

Lesquelles ? Sur la démocratie locale et la gouvernance, Lisa Farault met en avant un « décalage entre les promesses qui avaient été faites et la dynamique qui avait été lancée pendant la campagne et la réalité » , ainsi qu’une ligne politique floue sur la question de Gaza, et particulièrement le gel du jumelage avec la ville isréalienne de Ramat Gan.

De son côté, Benjamin Kuntz salue certaines avancées, mais veut aller plus loin : « On ne dit pas que tout est à jeter, et plein de choses intéressantes ont été menées, mais on veut que le curseur soit poussé plus loin sur certains sujets ». Notamment : la jeunesse, le logement et les transports.

L’idée, c’est de pousser le bouchon un peu plus loin et d’avoir une ligne politique un peu plus claire et ancrée à gauche.

Benjamin Kuntz, co-chef de file de la France insoumise à Strasbourg


Il mentionne la construction des logements sociaux et souligne « qu’il est de plus en plus difficile d’être au SMIC et de vivre à Strasbourg », préconisant l’encadrement des loyers et la lutte contre l’habitat indigne et la précarité énergétique. Sur les transports, il appelle à continuer à « désenclaver les quartiers à Strasbourg » et attend de voir les conclusions de la consultation citoyenne en cours sur le Tram Nord.

Enfin, sur le sujet de la jeunesse et des familles, il souhaite créer un nouvel échelon de la tarification solidaire, rendre gratuit les 30 premiers m³ d’eau pour les ménages précaires, les fournitures scolaires pour tous les élèves de maternelle et primaire et la cantine pour les familles sous le seuil de pauvreté, ou encore valoriser et élargir de la bourse au sport pour en faciliter l’accès. En somme, des propositions pour « rendre de nouveau Strasbourg accessible pour tous et pour tous les angles de la politique en général ». Un programme qui doit encore être construit, puis validé.

Tram croisement Homme de Fer © David Levêque / Pokaa

Les premières actions de campagne

En attendant, pendant l’été, la France insoumise strasbourgeoise s’est attelée à mener ses actions d’inscriptions de personnes sur les listes électorales : « On sait qu’il y a toute une partie de la population qui est mal inscrite ou pas inscrite et en général c’est ceux qui ont le plus d’intérêt à aller voter, comme les quartiers populaires et les personnes les plus précaires. » Une stratégie déjà menée aux européennes de 2024 puis aux législatives, qui avait bien fonctionné et qui s’accompagne des classiques porte-à-porte et autres actions militantes.

On peut avoir des superbes idées, si les gens sont pas inscrits pour voter à la fin, ça ne sert à rien.

Benjamin Kuntz, co-chef de file de la France insoumise à Strasbourg

En parallèle, Lise Farault et Benjamin Kuntz ont rencontré de nombreuses associations strasbourgeoises, leur permettant d’effectuer « une forme de consultation citoyenne, parce que c’est les associations de quartier, les associations en général qui œuvrent sur Strasbourg, qui ont une vraie expertise sur les réalités du terrain. » Enfin, plusieurs événements festifs ont été organisé pour créer des temps d’échange avec les habitant(e)s de divers quartiers de Strasbourg, comme des barbecues, repas ou leurs caravanes populaires.

Quelle stratégie politique pour les municipales ?

Dernier point à évoquer : la stratégie de la France insoumise strasbourgeoise aux municipales. Pour le moment, Lisa Farault et Benjamin Kuntz ont contacté tous les partis politiques de gauche à Strasbourg, hors PS, qui avait déjà indiqué qu’aucun travail ne serait possible avec LFI. Comme l’exprime Benjamin Kuntz : « On ne veut pas être ceux qui briseront du coup l’union de la gauche, en tout cas cette démarche dans laquelle le Nouveau Front Populaire s’est créé. On discute avec tout le monde, on échange beaucoup sur les idées, parce que c’est ce qu’on trouve le plus important ».

À ce sujet, le 1er septembre, France Insoumise Strasbourg a publié un communiqué de presse saluant l’initiative de quatre organisations de gauche, membres de la majorité municipale sortante, appelant à « un tournant populaire ». Les discussions continuent, tandis que LFI va rencontrer les écologistes en septembre, afin de faire la critique du bilan, voir là où chacun veut aller et ce qu’il est possible de faire, ou non.

C’est important qu’on reconnaisse la place qu’a la France insoumise dans le paysage politique strasbourgeois. On a montré à plusieurs reprises qu’aujourd’hui, on est le premier mouvement politique de gauche à Strasbourg.

Lisa Farault, co-cheffe de file de la France insoumise à Strasbourg

Si les deux co-chef(fe)s de file n’excluent rien en termes d’alliances, il et elle souhaitent tout de même que le reste des organisations politiques reconnaissent le poids et la place qu’a pris la France insoumise à Strasbourg ces dernières années : « On veut que notre participation à ces municipales soient à la hauteur de la place qu’on a à Strasbourg. »

Une chose est sûre, Lisa Farault, Benjamin Kuntz et la FI strasbourgeoise ne transigeront pas sur leur ligne : « Notre vision de la politique elle est très claire, elle ne bouge pas, on a une colonne vertébrale très forte. On a des idées sur lesquelles on ne transigera pas. » À gauche aussi, la question des alliances se posera.