» Bienvenue au Bobar Comedy Club! », hurle Pascal Schiavone, fondateur et maître de cérémonie (MC). Le public tape des mains, tape des pieds, la musique – Boss bitch de Doja Cat – donne le ton. Vendredi, 18h15. La lumière se tamise, la salle plonge dans le noir. Un cri fend le silence, le décor est planté: une cave voûtée, un public assis sur des bancs refaits pour cette troisième saison et une promesse tenue d’avance. Cinq univers totalement différents. « Le spectacle vivant, il faut le vivre », rappelle Pascal, qui chauffe la salle comme un chef d’orchestre. Ici, pas de téléphone, pas d’écran. Juste des souvenirs qu’on garde dans la tête. Ce comedy club du Vieux-Nice accueille, tout au long de l’année, des comiques professionnels et amateurs pour proposer des spectacles hebdomadaires à son public. Ce soir-là, les humoristes se sont produits en trois plateaux d’une heure, de 18 heures jusqu’au dernier à 22 heures 15.
Dans les coulisses: la préparation des humoristes
Quelques minutes avant le début du show, l’ambiance est bien différente. Dans la petite salle attenante, les murs sont couverts de dédicaces laissées par des stars venues se produire ici — Gad Elmaleh, Roman Frayssinet, Kev Adams et bien d’autres. Les artistes du soir s’y préparent.
Concentré, nerveux, chacun a son rituel. Luis, assis sur une chaise, carnet à la main, griffonne ses notes: « Passer en premier, c’est toujours le plus dur », souffle le stand-upper. Allegra, 28 ans, déborde d’énergie: elle rigole avec ses amis, sort un paquet de chips, puis file prendre l’air pour casser son rythme avant de monter sur scène. Anna, plus discrète, attend calmement en scrollant sur son téléphone. Amine, lui, n’a pas de carnet: « Tout est dans ma tête », dit-il en souriant. Il modifie seulement deux lignes sur son portable. « Plus il y a de monde, plus c’est facile. Mais le bide, c’est une question d’ego: ça donne envie de remonter pour se rattraper. »
Dans ce petit groupe, ça parle aussi du métier: « Le stand-up, c’est toujours du retard. Ce n’est pas aussi respecté que le théâtre », glisse Amine. « Si t’attends qu’on te dise ‘‘fais-moi rire’’, ça ne marchera pas. Il faut surprendre ».
Pascal, le MC de la soirée, a son propre rituel: un petit pas de danse. « On retourne au basique ici », confie-t-il. Une cave, trente personnes, un micro et basta. « Même Gad a ‘‘bidé’’ ici, et ça lui a fait du bien. »
Le public, une « famille »
De retour dans la salle, Pascal fixe les règles du jeu: « Très drôle? Je rigole. Pas drôle? Je souris. » Le public, prévenu, devient une sorte de famille. « L’idée, c’est de ne pas laisser un membre de sa famille en galère », insiste-t-il. Alors, quand quelqu’un applaudit, tout le monde suit. Même Colette, retraitée, est mise à contribution: elle doit mimer un rire.
« Un humoriste face à un public qui ne rigole pas, c’est comme quand tu fais l’amour et que la personne ne fait pas de bruit… » lâche Pascal sous un tonnerre de rires.
Cinq humoristes, cinq mondes
Luis ouvre le bal. Chaîne autour du cou, baggy, tee-shirt noir, il lance les hostilités: « Pourquoi on fait du stand-up? Soit on est pauvre, soit on est immigré. Moi, je suis les deux! » Originaire du Venezuela, il joue de son accent latino, de son métier de guide touristique, des clichés et du choc culturel: « Je raconte la vie d’un pays alors que je suis venu sans papiers ». Premier bide quand il confond deux homonymes: les pâtes penne et le mot pénis dans sa langue natale. Le public taquine, il rebondit. C’est ça, le stand-up: un corps-à-corps avec la salle.
Allegra prend la suite, robe violette et énergie contrastée. « Je m’appelle Allegra. – Ah, c’est italien? – Non, c’est Allegra. » Son humour oscille entre voix grave et douce, confidences d’enfance et psy qu’elle cite sans cesse. Elle joue avec un spectateur, Steve, devenu fil rouge de la soirée.
Paul, short et tee-shirt blanc, entre sur Ah les crocodiles de Julien Doré. « Mon fils a un an. Il écoute du Julien Doré. Ça rend sexy n’importe quoi! » Entre une blague d’humour noir sur l’Abbé Pierre et les prostituées, une imitation de Jean Lassalle (1), une alerte météo niçoise et une demande en mariage ratée à Majorque, il jongle entre absurde et quotidien.
Anna, accent américain, calme la salle d’entrée: « J’ai passé un mauvais été ». Elle parle maternité, douleurs de grossesse, don d’organes à Nice (« Plus facile de donner ses organes que de donner la priorité aux piétons »), avec un humour décomplexé.
Enfin, Amine débarque sur du Maître Gims, lunettes et grosse chaîne en argent. Il chambre un couple, puis déroule sur son mariage mixte: « Moi musulman, elle juive… Quand il y a un problème, c’est l’ONU qui règle! » La salle explose quand il raconte: « Moi au départ, je voulais être rappeur. Mais j’ai jamais réussi à aller en prison, alors je suis devenu humoriste! »
La soirée se termine par un dernier applaudissement… Pour le public, guidé par les grands gestes de Pascal. Chapeau tendu à la sortie: chacun glisse ses tips pour les artistes.
1. Le truculent ex-député béarnais, qui se lance d’ailleurs le mois prochain dans le stand-up.
« Devenir humoriste, ça s’apprend »
Le Bobar Comedy Club, ce n’est pas seulement des plateaux de stand-up. C’est aussi un véritable centre de formation pour humoristes en herbe. Pascal Schiavone et son équipe organisent des ateliers d’improvisation et de stand-up (adultes, ados, débutants, avancés). Les ateliers ont lieu du lundi au jeudi dans une salle dédiée, dans le quartier du port.
L’inscription se fait à l’année (entre 450 et 600 euros), avec une séance hebdomadaire d’1h30. Objectif: apprendre à lâcher prise, tester ses premiers sketchs, voire se professionnaliser. Les cours sont animés par des humoristes aguerris et, pour l’impro, par Marco HF, ancien co-auteur d’Artus et de Jamel Debbouze. « On a perdu du temps à nos débuts, explique Pascal. Notre taf aujourd’hui, c’est d’éviter ça aux nouveaux. »
Cours d’essai gratuits durant le mois de septembre. 07.45.32.75.08.