Un avocat au bord des larmes, des brassards noirs, des regards rougis, des tee-shirts blancs avec le visage souriant d’un garçon de 18 ans. Ce mardi 2 septembre, la salle du tribunal correctionnel de Rennes est pleine à craquer. Devant la présidente Caroline Gosset, une jeune mère de famille, cheveux noirs et lunettes sombres, comparaît pour homicide et blessures involontaires, commis sous l’empire d’un état alcoolique.
Le drame s’est noué dans la nuit du 20 octobre 2024. Après une soirée à la discothèque Le Tremplin, elle prend le volant d’une Peugeot 3008. Elle file sur la route départementale avec à son bord quatre passagers. Rien ne l’arrête, même les supplications, les pleurs des occupants. « Je m’en fous, je n’ai rien à perdre », répète-t-elle. Dans un virage à Saint-Onen-la-Chapelle, elle perd finalement le contrôle. Cent mètres plus loin, Yllann meurt sur la chaussée. Dans le sang de la conductrice : 1,17 g d’alcool !
C’est toujours très difficile, parce que nous, les avocats, on est censés porter la parole des familles. Il ne faut pas croire que revêtir la robe protège de toutes les émotions. » Olivier Pacheu.
À l’audience, la jeune femme parle peu, souvent dans un murmure. Elle tente de se justifier. « Je venais de perdre mon compagnon », dit-elle. « J’avais bu six Vodka-Red Bull », ajoute-t-elle. Mais le plus souvent, elle bafouille. Elle est inaudible sous le flot des questions de la présidente. « La première fois, quand le procès fut reporté, elle ne parlait pas », explique le père d’Yllann. « Là, c’était pareil. Il n’y a pas eu de pardon, d’excuses. »
À la barre, l’avocat d’une des passagères pointe l’attitude de l’automobiliste. « Elle a été insultante, méprisante à tous les stades de la procédure », martèle Thomas Koukezian. Dans le registre de l’émotion, Olivier Pacheu, avocat des parties civiles, a trouvé les mots. « La mort ne touche pas que les proches. Elle frappe les amis, les collègues, les grands-parents et, dans cette affaire, deux arrière-grands-mères. »
Mais au-delà du chagrin, Olivier Pacheu a rappelé l’insoutenable vérité de ce dossier. « La prévenue ne peut pas dire qu’elle ne savait pas. Cela fait maintenant trente ans que la prévention routière martèle les dangers de l’alcool. Ce soir-là, elle avait plusieurs portes de sortie. Elle pouvait ne pas boire. Elle pouvait joindre un taxi, elle pouvait prendre une navette. »
Représentant du ministère public, Tanguy Courroye a eu, lui aussi, des paroles réconfortantes pour la famille. « On ne peut que s’incliner devant la tristesse des proches », a-t-il confié. » On ne peut déplorer cette injustice de la route. » Face au comportement de la conductrice, il espérait plus d’introspection. « Tout l’accable », a-t-il affirmé. « La faute est dans l’alcoolisation, dans la vitesse excessive, dans le non-respect des règles de circulation. Il aurait été tout simple de refuser de conduire. » Il a requis une peine de cinq ans d’emprisonnement, dont quatre assorti du sursis, avec l’interdiction de repasser le permis pendant deux ans et l’obligation de soins.
De l’autre côté de la barre, Yves Honhon, défenseur de la prévenue, a reconnu les « douleurs «indicibles » des proches. Mais il s’est ému d’une enquête fragile, rapide. « Elle ne se cherche aucune excuse », a rappelé son avocat, Yves Honhon, en sortie d’audience. « Elle le dit elle-même : tout l’accable. Mais il y a également des éléments qui expliquent son geste, qui relèvent de son psychisme. Elle avait la possibilité de ne pas aller à l’anniversaire de son frère, de ne pas s’embrouiller avec son compagnon. Je demande pour elle un aménagement de la peine ferme. » La décision tombera le 18 septembre prochain, à 14 h. « Nous souhaitons une sanction pour qu’Yllan ne soit pas parti pour rien. Mais aucune condamnation ne sera à la hauteur de la perte de notre enfant », a précisé le père de la victime.