L’auteur zurichois Martin Suter participe à la prochaine édition du « Livre sur les quais » à Morges, du 5 au 7 septembre. Il y présentera la version française de son dernier polar, « Allmen et le dernier des Weynfeldt », où il réunit deux de ses personnages fétiches.

Ce 7e volet de la série « Allmen », publié en allemand en 2024 et récemment traduit en français, marque la première rencontre entre Johann Friedrich von Allmen, un détective esthète et fauché, et Adrian Weynfeldt, un richissime expert en art réservé et solitaire: les deux protagonistes évoluaient jusque-là dans des récits séparés. « Cette alliance littéraire ne sera pas la dernière », a d’ores et déjà annoncé Martin Suter à Keystone-ATS, rencontré dans les locaux de sa maison d’édition Diogenes à Zurich.

« Une littérature sans leçon à donner »

A l’époque où la fantasy cartonne, Martin Suter, 77 ans, reste fidèle à sa manière: créer un monde parfaitement normal, rendant l’inattendu encore plus déstabilisant. « Je crois au réalisme. Je n’ai pas de message », affirme-t-il, revendiquant une littérature sans leçon à donner.

Une posture qu’il n’a pas toujours affichée: Martin Suter a collaboré avec le cinéaste suisse Daniel Schmid, en signant le scénario du film « Berezina ou Les derniers jours de la Suisse » (1999). Le film, une satire politique, avait été salué pour sa critique acerbe de la société suisse.

On l’a aussi lu dans la presse. Après avoir quitté son poste de publicitaire au début des années 1990 – il est un des rares auteurs en Suisse à vivre de sa plume -, Martin Suter a écrit des chroniques pour le magazine Die Weltwoche, intitulées « Business Class ».

Ces chroniques satiriques, qui décrivaient les travers du monde des affaires, lui ont rapporté jusqu’à « 2000 francs par texte », a-t-il relevé. Au début des années 2000, – et après le virage à droite UDC de la Weltwoche -, il a transféré quelque temps cette chronique dans le supplément hebdomadaire Das Magazin du quotidien Tages-Anzeiger.

Emporté ailleurs

Côté roman et polar, Martin Suter conçoit la lecture comme une parenthèse, un pas de côté. « J’aime bien faire du lecteur, pendant quelques heures ou quelques jours, un citoyen inutilisable », dit-il en souriant. Comprendre: un lecteur absorbé, distrait de la réalité, pris dans les filets d’un récit qui l’emporte ailleurs.

Sur la mécanique du suspense, il cite volontiers parmi ses références, le romancier E.T.A. Hoffmann, dont il soupçonne qu’Hitchcock s’est inspiré: « Ce jeu de tension et de relâchement, cela m’a marqué. »

L’homme au costume trois pièces et au regard rieur avoue pourtant lire peu de fiction aujourd’hui: « j’ai ma vie réelle, et celle fictionnelle de mes livres. Cela fait déjà beaucoup. » Il confie toutefois avoir été fortement influencé par l’écrivain britannique W. Somerset Maugham, découvert à Fribourg grâce à une voisine anglaise: « quand je relis ses textes, j’y retrouve des phrases que j’aurais pu écrire. »

Martin Suter écrit ses romans sur un an, de la première idée jusqu’aux épreuves. « Je ne peux pas commencer sans savoir où je vais, confie-t-il. Si je ne connais pas le but, je n’y arrive pas. »

Au chapitre 8 de son prochain roman

Aujourd’hui, il en est au chapitre 8 de son prochain roman – tandis que « Wut und Liebe » (2025), qui cartonne actuellement en Suisse alémanique, va sortir l’an prochain en français. Il voulait faire une pause, dit-il, mais l’histoire l’a rattrapé. L’écriture reste une nécessité. « Finir un livre ne me rend pas triste. Je suis content, je fais autre chose, je voyage. Mais ne plus pouvoir écrire, ce serait une punition. »

Même les nouveaux outils numériques ne le détournent pas de cette discipline. Il utilise ChatGPT « comme un moteur de recherche ». Il s’amuse, reconnaît ses qualités, mais trace une ligne: « il m’a proposé d’écrire un chapitre. J’ai dit non. » Des connaissances lui ont envoyé des textes écrits par l’IA générative « à la manière de Martin Suter ». « Ce n’était pas ça. Ce n’est pas suffisant d’écrire des phrases courtes pour m’imiter. »

Pour ceux qui ont aimé « Melody » – son dernier roman traduit en 2024 – pour sa profondeur humaine, la lecture du dernier « Allmen » – le 5e de cette série à avoir été traduit en français – pourrait sembler plus superficielle, moins intense. En revanche, les amateurs de polars mondains seront ravis.

Cet article a été publié automatiquement. Source : ats