D’après la dernière enquête menée par FLASHS pour la plateforme Zelok, mentir, tricher ou céder à des pratiques contestables serait devenu la norme sur un marché locatif tricolore sous haute tension. Témoignage de terrain avec Didier Blanc (Agence ERA Immobilier Raimbaldi, NIce).


Avec un locataire sur quatre contraint de falsifier son dossier pour obtenir un logement, l’accès à la location semble n’avoir jamais été aussi périlleux. Entre flambée des loyers et pénurie d’offres due à l’essor d’Airbnb ou au repli d’acquéreurs recalés du crédit, la tension est maximale. «À Nice, où il n’existe pas d’encadrement des loyers, les prix ont fortement augmenté. Il n’y a plus de malaise, pour un propriétaire, à réclamer 100 à 150€ de hausse sur trois ans», observe Didier Blanc, directeur de ERA Immobilier Raimbaldi à Nice. Conséquence directe : 41% des locataires consacrent plus d’un tiers de leur revenu à leur logement, seuil fixé comme « raisonnable ». Les plus modestes, dont les revenus sont inférieurs à 1.300€ mensuels, sont les plus exposés à cette pratique (41%, contre 28% pour les revenus compris entre 1.300 et 1.900€, 17% pour ceux entre 1.900 et 2.500€ et 13% pour 2.500€). 

 

Dans ce contexte, la location à l’aveugle, où l’on accepte de louer un logement sans avoir rencontré physiquement le propriétaire ou sans avoir visité les lieux, concerne près de 30% des 2.000 personnes interrogées. La pratique, encouragée par les visites virtuelles, se démocratise auprès des 18-24 ans (41%) et des 25-34 ans (42%). Le coût des agences est aussi pointé du doigt, avec des honoraires jugés trop lourds pour le service rendu selon 67% des 1.099 personnes préférant passer par un particulier. 

 

Une défiance réciproque 

 

Ce climat cristallise les tensions et les exigences des propriétaires se durcissent. Plus de trois quarts des locataires (76%) déclarent s’être vus demander un CDI, et près des deux tiers (62%) des revenus trois fois supérieurs au montant du loyer. L’étude révèle même des pratiques contestables. 15% des locataires affirment avoir déjà payé une partie du loyer «au noir» et 39% avouent avoir versé un acompte pour réserver le logement. Côté bailleurs, 27% reconnaissent avoir posé des clauses discriminatoires liées à l’origine ethnique. «J’ai déjà eu des retours de ce type, mais ce ne sont pas des pratiques représentatives chez nous. Ce sont des cas isolés», nuance Didier Blanc. 

Cette situation, où 22% des locataires considèrent que «céder aux conditions illégales est devenu une nécessité», alimente les fraudes. 26% des candidats à la location admettent avoir déjà fourni des renseignements erronés pour obtenir un logement (situation personnelle différente, masquer son nom, trafiquer une fiche de paie, fournir un faux contrat de travail…). Là encore, les plus jeunes sont les plus enclins à modifier leurs revenus ou contrat de travail. «Ces résultats mettent en évidence une réalité préoccupante : le logement, pilier de la stabilité personnelle et sociale, devient le terrain d’arrangements contraints qui fragilisent la confiance entre acteurs», alerte Léa Paolacci, chargée d’études FLASHS. 

 

Une confiance qui s’effrite 

 

Si 62% des locataires affirment avoir eu recours à des pratiques jugées abusives (origine ou nationalité particulière exigée pour 15% des locataires), 35% des propriétaires assurent avoir détecté des faux dossiers à plusieurs reprises. Des propriétaires qui redoublent d’exigences pour se prémunir contre les impayés, tandis que 64% des locataires prennent des mesures de sécurité au moment de transmettre des documents. Plus de 4 sur 10 (44%) vérifient ainsi l’identité du proprio, 31% appliquent un filigrane sur les documents envoyés et 25% font appel aux plateformes spécialisées pour sécuriser les dossiers de location. 

L’État a lui-aussi pris la mesure du problème, avec le lancement dès 2018 du site DossierFacile, qui a permis de labelliser près de 1,2 million de dossiers numériques sécurisés. A Nice, ERA Immobilier Raimbaldi a instauré une double vérification depuis 18 mois, en invitant les candidats à déposer leurs documents sur la plateforme Zelok puis en faisant appel aux organismes d’assurance. «Ce système rassure tout le monde. Sur environ une quarantaine de candidatures, quatre seulement sont retenues. Depuis le développement de l’IA, qui permet de transformer plus facilement des PDF, les gens n’hésitent plus», conclut Didier Blanc.