Plusieurs syndicats d’infirmiers reprochent à cet anesthésiste-réanimateur de s’en prendre sur les réseaux sociaux à « toute personne qui viendrait lui apporter la contradiction », déplorant sa « condescendance » vis-à-vis de la profession d’infirmier.

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Publié le 04/09/2025 14:37

Mis à jour le 04/09/2025 14:48

Temps de lecture : 8min

Arnaud Chiche, à la polyclinique d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), le 3 février 2022. (COURBE / MAXPPP)

Arnaud Chiche, à la polyclinique d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), le 3 février 2022. (COURBE / MAXPPP)

Ils lui reprochent des « publications insultantes et méprisantes ». Des syndicats et collectifs d’infirmiers ont transmis, jeudi 4 septembre, une plainte conjointe à l’Ordre des médecins du Pas-de-Calais visant l’anesthésiste-réanimateur Arnaud Chiche, président-fondateur du collectif Santé en danger. Dans ce document consulté par franceinfo, ils dénoncent « des propos contraires aux principes du Code de déontologie médicale sur divers réseaux sociaux » où il est accusé d’avoir publié « des messages haineux, menaçants et insultants à l’endroit de toute personne qui viendrait lui apporter la contradiction ». Parmi les plaignants figurent la Fédération nationale des infirmiers (FNI), premier syndicat représentatif des infirmiers libéraux en France, ainsi que plusieurs branches locales (telles que la FNI 62 et la FNI 56), l’Union nationale des infirmiers en pratique avancée (Unipa) et le Collectif des infirmiers libéraux en colère (Cilec). Six infirmiers et infirmières s’y joignent également en leur nom propre.

Arnaud Chiche, qui exerce à la polyclinique d’Hénin-Beaumont, s’exprime très souvent sur la page Facebook de son collectif, créé à l’été 2020, qui rassemble plus de 237 000 membres. L’objectif de cette association de loi 1901 est de fédérer « tous les acteurs du système de santé » pour le « défendre » et l' »améliorer », selon sa présentation sur son site internet. Il prend aussi fréquemment la parole sur X, où il est suivi par quelque 6 500 abonnés, ainsi que sur son compte LinkedIn (plus de 3 000 abonnés). Il « intervient sur ces réseaux sociaux tant en son nom personnel qu’en sa qualité de fondateur du collectif, sans qu’il soit possible de faire une réelle différenciation dans son discours sans retenue », soulignent les plaignants. Les propos d’Arnaud Chiche « salissent la réputation des personnes visées mais aussi la profession infirmière dans son ensemble », est-il mentionné en préambule de cette plainte de dix pages dans laquelle plusieurs publications du médecin sur X sont retranscrites. La plupart datent de cette année et quelques autres remontent à 2021, 2022 et 2024.

En août, à une infirmière libérale ayant remis en cause sa légitimité à représenter l’ensemble du corps médical, le médecin aurait ainsi répondu : « Seule vous en êtes incapable, ça doit être un problème de syntaxe dès que vous parlez à une personne importante ». Et d’ajouter, dans un autre message : « Vous êtes votre propre caricature. Tout le monde s’en rend compte. Vous avez dû avoir une enfance malheureuse. » La plainte pointe « le même dédain » dont Arnaud Chiche aurait fait preuve, en évoquant les compétences des infirmiers en pratique avancée (IPA). « Tu t’es réinscrit au concours de médecin ? Ou quand on a raté 4 fois ce n’est plus possible ? », répond le compte X du collectif Santé en danger à une autre infirmière qui l’a interpellé. 

Contacté par franceinfo, le médecin reconnaît être l’auteur de l’ensemble de ces messages. Il affirme n’avoir fait que répondre à une vague de cyberharcèlement qui le viserait depuis plusieurs années de la part d’un « groupuscule » d’infirmiers. « C’est l’arroseur arrosé », déplore-t-il. « Ils me vouent une haine absolue d’être à la tête d’un collectif très présent dans les médias, très présent sur les réseaux sociaux et de réussir quelque chose d’assez unique dans l’histoire de la lutte en santé : rassembler des gens », estime Arnaud Chiche. « Tout y passe : je suis un harceleur sexuel, je suis un méchant, un agressif… C’est ce qu’on appelle la calomnie », insiste-t-il, affirmant que ses publications véhémentes sont ses « réponses à des messages absolument odieux ». L’anesthésiste reconnaît toutefois auprès de franceinfo qu’il n’aurait « pas dû répondre ça ».

La plainte dénonce aussi des insultes de la part d’Arnaud Chiche lorsqu’il s’adresse à des « contradicteurs n’ayant pas la même audience » que lui. « Tu parles à tes 50 abonnés ? Parfois t’as des réponses ? Ça fait quoi d’être un moustique ? Invisible… Inutile… », a-t-il écrit dans un post en février 2024. « T’es invisible, tu es le rien, ton avis n’intéresse que toi », lançait-il deux ans auparavant. Le ton devient par moments « menaçant », insiste la plainte consultée par franceinfo. « Tu ne devrais pas dire des choses pareilles, ceux qui l’ont fait s’en souviennent. Pour en arriver à jouer au caïd avec moi, faut vraiment que tu sois à court d’argument petit IADE [infirmier anesthésiste diplômé d’Etat] », écrit-il en mai 2024.

Au-delà des invectives nominatives, il s’en est également pris à plusieurs instances représentatives, dont le Collectif des infirmiers libéraux en colère (Cilec), qu’il a qualifié d' »insignifiant » mais aussi la Fédération nationale des infirmiers (FNI), taxée publiquement de « complice de raclure ». « Dénonçant un prétendu cyberharcèlement, le docteur Arnaud Chiche s’enferre dans une posture victimaire », relève l’avocat des plaignants, qui cite aussi de nombreuses menaces de poursuites en justice. Sur ce point, Arnaud Chiche confirme avoir attaqué en justice plusieurs personnes qu’il considère être ses harceleurs. Il déclare s’apprêter de nouveau à porter plainte au pénal contre « plusieurs individualités ». Il espère que l’Ordre des médecins se portera partie civile à ses côtés « pour défendre [son] honneur ». Le médecin précise par ailleurs qu’il compte également porter plainte devant l’Ordre des infirmiers. 

« On est en démocratie, il peut penser ce qu’il veut », commente Daniel Guillerm, président de la FNI. « Mais ce qui nous a poussé à porter plainte, c’est son comportement sur les réseaux sociaux, avec dépassement de la ligne jaune permanent ou quasi-permanent », explique-t-il à franceinfo, dénonçant par ailleurs « le fait qu’il s’arroge la représentativité de la parole infirmière sans légitimité ».

« Toute personne qui n’est pas d’accord avec lui est l’objet de pressions et de dénigrements. »

Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers

à franceinfo

L’avocat Arnaud de Lavaur, qui a rédigé la plainte, rappelle dans le texte que le Conseil national de l’Ordre des médecins recommande « au médecin qui intervient en cette qualité sur les réseaux sociaux de faire preuve de prudence et de modération dans ses propos, même s’il le fait en utilisant un pseudonyme », soulignant que la « tenue de propos diffamatoires, calomnieux, injurieux ou discriminatoires est passible de poursuites judiciaires et disciplinaires ». L’avocat estime avoir établi que le médecin avait « ouvertement dénigré la profession infirmière et porté atteinte à l’honneur et à la considération des infirmières et infirmiers visés ».

« Les publications insultantes et méprisantes (…) sont contraires au principe immuable de respect mutuel entre professionnels de santé. »

Les plaignants

dans leur plainte à l’Ordre des médecins

Arnaud de Lavaur demande au Conseil départemental de l’Ordre des médecins « de bien vouloir convoquer les parties à une réunion de conciliation », soit la première étape lors de la saisine de cette juridiction. Si le différend est résolu, la plainte pourra être retirée. Dans le cas contraire, elle sera transmise en chambre disciplinaire et une sanction pourra être prise à l’encontre par cette instance à l’encontre d’Arnaud Chiche, allant d’un avertissement à une radiation.