Le suicide de Caroline Grandjean, survenu le jour de la rentrée, continue de bouleverser un monde enseignant qui reste en colère contre l’Éducation nationale.
Les obsèques de Caroline Grandjean, une directrice d’école qui s’est donné la mort, ont eu lieu jeudi 4 septembre dans le Cantal. Victime de harcèlement homophobe, son décès continue de bouleverser un monde enseignant en colère contre l’Éducation nationale.
Une trentaine de personnes ont assisté à une cérémonie d’environ une heure, qui s’est déroulée dans le petit crématorium de ce village de 1000 habitants. Sous une pluie battante, proches et anonymes sont entrés vers midi dans le bâtiment pour lui rendre hommage, alors que la presse était tenue à l’écart, selon les souhaits de la famille. «J’ai voulu être là (…) c’est un élan du cœur car je ne comprends pas le fonctionnement de ce monde plein de méchanceté, d’ignorance et de bêtise qui conduit à des événements pareils», a déclaré Christiane, «anonyme» venue apporter son «soutien».
Tous sont ressortis un peu avant 13 heures, certains visiblement très émus. Christine Paccoud, l’épouse de cette enseignante, n’a pas voulu s’exprimer. Elle avait déclaré mercredi à France 2 que «la hiérarchie n'(avait) pas compris la souffrance de Caroline», «enseignante passionnée» qui «savait créer un climat de confiance». Selon elle, les insultes ont «commencé par “sale gouine” et un(e) qui était grave dans une école, c’était gouine-pédophile». «Je me suis battue» pour qu’elle ne retourne pas à Moussages, le village où elle enseignait.
Une «violence inouïe» subie depuis 2023
Le ministère de l’Éducation n’a pas souhaité organiser de minute de silence au niveau national pour respecter «le caractère profondément intime de ce drame», a-t-il indiqué à l’AFP. Néanmoins, «les équipes pédagogiques qui le souhaitent pourront organiser un temps de recueillement», a poursuivi le ministère. Certains établissements scolaires ont ainsi observé une minute de silence, à l’appel de syndicats d’enseignants, comme la FSU-SNuipp du Cantal.
Mardi, cette section locale du syndicat du premier degré avait dénoncé les «attaques homophobes répétées » d’une «violence inouïe» subies par l’enseignante à partir de septembre 2023. Elle demandait une enquête de santé et sécurité indépendante.
De son côté, le syndicat des directrices et directeurs d’école S2DÉ a appelé à une minute de silence et à poser à l’entrée de l’école de chacun de ses membres un portrait dessiné de Caroline Grandjean, diffusé par un groupe de dirigeants d’école dont l’enseignante faisait partie. Il avait été réalisé par le dessinateur Remedium, qui avait fait une BD de l’histoire de Caroline Grandjean. «En se réduisant elle-même au silence, elle a hurlé cette réalité simple: elle a été tuée par l’Éducation nationale», accuse Remedium sur le réseau social X (Christophe Tardieux de son vrai nom). Il affirme que sa BD sur Caroline Grandjean avait fait l’objet d’une plainte en diffamation de la part de l’Éducation nationale. Interrogés, le ministère et le rectorat de Clermont-Ferrand n’ont pas commenté dans l’immédiat.
À lire aussi
Après le suicide d’une directrice d’école le jour de la rentrée, les enseignants tirent la sonnette d’alarme
Directeur d’une école à Nice et secrétaire général du syndicat, Thierry Pajot a observé une minute de recueillement avec les instituteurs en salle des maîtres, précédée d’un «temps de parole (…) parce que certains enseignants ne savaient toujours pas qui était Caroline». Pour Charlotte Girardon, porte-parole du S2DÉ interrogée par l’AFP, sa mort est «un échec flagrant de l’institution». «Caroline a vraiment appelé à l’aide. Sa grande détresse, c’est qu’elle ne se sentait pas soutenue», estime-t-elle. «Il faut une prise de conscience institutionnelle, pour que ça ne se reproduise plus», insiste-t-elle.
Le ministère de l’Éducation a diligenté une enquête administrative de l’Inspection générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche. Mardi le rectorat de Clermont-Ferrand a assuré avoir suivi «de près» la situation de l’enseignante. Il a précisé jeudi qu’elle avait bénéficié d’une protection fonctionnelle. Une enquête avait été ouverte à la suite de la découverte des insultes et inscriptions homophobes la visant mais avait été classée sans suite en mars 2025 «en l’absence de nouveaux faits», selon le parquet.