« C’est une période super compliquée », n’élude pas Manon (1), étudiante dans le centre-ville de Bordeaux. Comme pour ses 137 000 camarades de l’académie de Bordeaux, rentrée rime avec frais en tous genres. Un mur de dépenses qui se dresse alors que la précarité étudiante s’aggrave sous les coups de butoir de l’inflation. Dans son enquête publiée à la rentrée, le syndicat de l’Union nationale des étudiants (Unef) évalue à 6,94 % la hausse du coût de la vie pour les non-boursiers à Bordeaux, où se trouvent 107 000 étudiants. Les boursiers doivent supporter une hausse de 6,37 %. Selon la Fédération des associations générales étudiantes (Fage), au niveau national, le coût de la rentrée s’établit à 3 227 euros pour les étudiants non-boursiers, encaissant une hausse de plus de 2 %.
« Le gros poste de dépense reste le logement », souligne Manon. Cette boursière de 24 ans dispose d’un appartement Crous. « Je dois payer le mois de septembre au mois d’août. Il faut aussi virer la caution, faute de quoi tu n’as pas ton rendez-vous pour avoir les clés. Sauf qu’en août, les étudiants n’ont pas encore perçu leur bourse, et ils n’ont pas encore l’aide au logement personnalisé (APL) pour le loyer de septembre. » En sachant que les mauvaises surprises existent : « L’an passé, j’ai attendu presque six mois pour percevoir mes APL. »
« Le prêt engendre des frais, mais travailler à côté revient un peu à sacrifier mes études »
71 000 demandes pour 11 000 logements
Pour les logements publics, le constat est simple : le Crous de Bordeaux a revalorisé ses loyers, avec des hausses comprises entre 1,28 et 3,26 %. Dans le même temps, à ce jour, le montant des bourses n’a pas été rehaussé. Le Crous dispose d’un parc de 10 845 places sur le territoire de l’ancienne Aquitaine, dont 8 700 dans la métropole bordelaise. Une offre qui est très loin de satisfaire la demande. « Au 28 août, plus de 71 000 demandes de logement avaient été enregistrées, indique le Crous de Bordeaux. Ce chiffre traduit un niveau de sollicitation élevé, similaire aux années précédentes. »
« Il faut aussi avoir à l’esprit que seulement la moitié des logements Crous se libèrent d’une année sur l’autre, pointe Büşra Dirik, secrétaire de l’Unef Bordeaux. L’autre moitié est occupée par ceux qui renouvellent leur contrat. » L’Unef Bordeaux observe également le « retard pris dans la construction de nouveaux logements. Dans le cadre d’un contrat passé entre l’État, la Région, Bordeaux Métropole et le Crous, 6 000 nouveaux logements devaient être construits entre 2020 et 2030. Or en 2025, seuls 2 195 logements ont été construits, soit moins de la moitié de l’objectif fixé alors que la moitié de la décennie est écoulée. »
« Nous sommes en deçà des objectifs », confirme Dean Lewis (2). Sur l’ensemble de la Nouvelle-Aquitaine, le président de l’Université de Bordeaux souligne toutefois « une assez bonne dynamique parce que le Conseil régional a aussi mis des moyens importants. Le Crous, le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) et l’État doivent continuer à faire des efforts. Mais l’Université de Bordeaux a désormais la propriété de son patrimoine foncier immobilier. Nous devons aussi contribuer à alléger la pression sur le logement étudiant. »
Deux mois de loyers
Faute de logements publics, les étudiants se tournent en majorité vers le parc privé, lui aussi impacté par l’inflation. Une cible difficilement atteignable pour ceux qui tirent le diable par la queue. « J’ai visité quelques appartements, mais c’était impossible, se désole Manon. Certains propriétaires demandent de payer deux mois de loyer à l’avance. »
Outre les bourses, Manon est un peu aidée par ses parents. Mais elle doit trouver d’autres ressources. J’ai toujours bossé l’été et en parallèle des cours. Je fais environ quinze heures par semaine. » Elle a notamment travaillé dans un restaurant. « Récemment, j’ai intégré un groupe WhatsApp créé par un hôtel. Quand il a besoin d’un extra, le propriétaire envoie un message. Le premier qui répond décroche l’extra. » Manon fait surtout face à un dilemme : « J’ai essayé de faire un prêt étudiant, mais mon dossier a été refusé. J’hésite à déposer un nouveau dossier. Le prêt engendre des frais, mais travailler à côté revient un peu à sacrifier mes études. »
Privé versus public, quels loyers ?
À Bordeaux, c’est bien une des rares résidences universitaires à sortir de terre en cette rentrée. L’ensemble Gisèle Halimi doit offrir 143 nouveaux logements, rue de la Louisiane, dans le quartier Belcier. Il proposera des T1 à 492 euros, et des T2 à 653 euros pour une personne seule et 326,50 euros par personne pour une colocation. Dans le parc privé bordelais, le coût moyen du loyer est de 589 euros pour l’Unef, et de 630 euros selon la Fage.
Depuis plus d’un an, l’association « Sud Ouest » Solidarités s’engage pour soutenir les associations qui viennent en aide aux jeunes précaires. Il est possible de faire un don. Site : www.sudouest-solidarite.fr.
(1) Le prénom a été modifié
(2) L’Université de Bordeaux compte 22 sites en Nouvelle-Aquitaine notamment en Lot-et-Garonne, en Dordogne, dans les Landes et au Pays basque.