Les habitudes médicales ne sont pas toujours gravées dans le
marbre, et certaines prescriptions courantes peuvent aujourd’hui
être remises en cause. Comme l’a rapporté le magazine Femme
Actuelle, une nouvelle étude a attiré l’attention en
soulignant les effets potentiellement négatifs d’un
médicament largement prescrit. Présentée lors d’un grand
congrès international de cardiologie, cette recherche a de quoi
surprendre.
Si le traitement reste recommandé dans de nombreux cas,
ses bénéfices systématiques sont désormais
questionnés, notamment pour les femmes. Le constat, relayé
par des cardiologues, alerte sur la
nécessité d’adapter la prescription plutôt que de suivre une règle
générale. Derrière les chiffres, c’est toute une pratique médicale
qui pourrait être repensée, au nom d’une meilleure prise en charge
des patientes.
Un médicament contesté après un infarctus
Il s’agit des bêtabloquants, des médicaments traditionnellement
prescrits après un infarctus du myocarde. Recommandés depuis des
décennies, ils ont longtemps été présentés comme une arme
efficace pour limiter les récidives et protéger le
cœur. Mais selon une étude publiée dans le New England
Journal of Medicine et présentée lors du Congrès de la Société
Européenne de Cardiologie le 30 août dernier, leur efficacité
systématique est désormais remise en question.
L’analyse a porté sur 8.505 patients répartis en deux groupes.
Le premier regroupe ceux qui recevaient des bêtabloquants. Et
l’autre ceux qui n’en recevaient pas. Les résultats ont montré peu
de différences significatives. Les taux d’événements graves, comme
les décès, une récidive d’infarctus ou une hospitalisation pour
insuffisance cardiaque, étaient similaires entre les deux groupes.
Pire encore, les chercheurs ont constaté davantage
d’accidents vasculaires cérébraux chez les patients sous
bêtabloquants (2,6 contre 1,7 pour 1.000 patients/an).
Même si cette différence n’a pas été jugée significative.
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Les
cardiologues alertent sur ce médicament.
Un risque particulier pour les femmes sous ce médicament
L’étude a ensuite affiné ses résultats en se concentrant sur les
femmes. Car dans cette étude, elles représentent environ 20 % de
l’échantillon. C’est dans ce sous-groupe que les données se sont
révélées les plus inquiétantes. Les patientes ayant subi un
infarctus présentent davantage de complications
lorsqu’elles sont traitées par bêtabloquants. Le risque de
décès, de crise cardiaque ou d’hospitalisation pour insuffisance
cardiaque est donc plus élevé que chez celles n’ayant pas reçu ce
traitement.
« Selon cette étude, les bêtabloquants pourraient être
défavorables chez la femme ayant subi un infarctus et ayant une
fonction cardiaque normale. Car ils pourraient augmenter la
mortalité. Ce qui est surprenant. », commente auprès de
Femme Actuelle le Dr Olivier Hoffmann, cardiologue et
membre de la fondation Agir pour le Cœur des Femmes. Des propos qui
montrent bien l’importance de prendre en compte les différences de
tolérance et de besoins entre les sexes dans la pratique
médicale.
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L’étude
demande à être approfondie donc les patientes ne doivent pas
arrêter ce médicament en attendant.
Prudence et nécessité de nouvelles
études sur ce médicament
Pour autant, les spécialistes appellent à la
prudence. Le Dr Hoffmann insiste : « Sur cette étude
uniquement, je pense qu’on ne peut pas conclure que les
bêtabloquants aggravent la mortalité chez les femmes ». Il
avance plusieurs explications possibles. Comme des doses trop
élevées, ou une mauvaise tolérance individuelle. Il rappelle que
ces médicaments peuvent « faire baisser la tension, diminuer la
fréquence cardiaque et fatiguer les patients ».
Les auteurs de l’étude eux-mêmes mettent en garde contre des
conclusions trop rapides. « Les analyses de sous-groupes (celui
des femmes dans cette seconde étude, ndlr) sont généralement
considérées comme des résultats exploratoires et générateurs
d’hypothèses », précise le rapport. En clair, il
s’agit d’un signal préoccupant. Mais il demande une
confirmation. D’autres recherches devront être menées pour
déterminer si une prescription systématique de ce médicament reste
justifiée. Ou si une approche plus personnalisée est nécessaire. En
attendant, les experts rappellent qu’il ne faut jamais interrompre
son traitement sans avis médical.