À Montpellier, un ex-sage-femme est jugé pour viols sur six patientes. Déjà emprisonné pour des faits similaires, il nie et parle de gestes médicaux. La première journée d’audience a donné la parole aux victimes et a mis en lumière la personnalité jugée narcissique de l’accusé ce jeudi.
Ce jeudi 4 septembre, à Montpellier, l’ex-maïeuticien Lionel Charvin, déjà condamné en 2021 à douze ans de prison pour onze viols, comparaît de nouveau devant la cour criminelle. Six anciennes patientes, dont cinq se sont constituées parties civiles, l’accusent de viols commis entre 2010 et 2016.
Crâne rasé, barbe taillée, chemise sombre et lunettes accrochées à son col, l’accusé écoute attentivement la lecture du dossier. Pendant près d’une demi-heure, la présidente déroule les faits : des séances de rééducation du périnée ou d’haptonomie qui basculent en attouchements, pénétrations, mouvements de va-et-vient. Certaines femmes vont jusqu’à l’orgasme, sous le regard de celui qui se présentait comme leur soignant. « Son regard changeait quand il le faisait, témoigne une victime. J’étais allongée sur la table et quand je me suis retournée, il était en nage. » À la lecture des faits, dans la salle, une partie civile s’effondre en larmes, réconfortée par d’autres femmes.
« J’étais tétanisée »
La première victime entendue, une assistante vétérinaire de 39 ans, raconte : “Il m’a demandé si j’étais clitoridienne ou vaginale. Puis il a commencé des va-et-vient de plus en plus rapides. Ce n’était plus médical, c’était de la masturbation. J’étais tétanisée. Il m’a dit : ‘Tu le sens venir ? L’orgasme.’ Je m’en veux de ne pas avoir su dire stop.” L’accusé avait fait en sorte que la victime soit en confiance avant de passer à l’acte. Tutoiement, rendez-vous à domicile. Encore à l’audience de ce jeudi, il se permet d’évoquer ses victimes présentes dans la salle en utilisant leur prénom.
Ce qu’elle attend du procès ? “Juste qu’il reconnaisse que ce qu’il a fait n’était pas normal.” Face à elle, Lionel Charvin reste impassible et se défend : “Je suis désolé si elle a ressenti ça. Pour moi, ce n’était pas une masturbation. C’était une sollicitation des muscles du périnée.” La victime : “Quand j’ai eu l’orgasme. Il a dit : Ah, ben voilà”, comme si l’homme avait atteint son but.
Une autre plaignante, infirmière de 42 ans, se souvient de son accouchement en 2013. Encore sous le choc, elle parle de la rencontre avec cet « individu » qui a débarqué dans la salle d’accouchement : “Je ne l’avais jamais vu. Il m’a demandé de me mettre sur le dos et il m’a masturbée. Ça a duré plusieurs minutes. J’ai eu un orgasme. Il a dit : Ah, ben voilà, et j’ai perdu les eaux.” Elle témoigne aujourd’hui sous antidépresseurs et anxiolytiques, suivie depuis douze ans par une thérapeute spécialisée dans les violences faites aux femmes.
À chaque victime, le mode opératoire est le même : les victimes se sentent en confiance, le praticien agit par surprise, sans consentement préalable. Cela pousse même Me Iris Christol à parler de « violeur en série ».
“Un narcissisme marqué et un besoin de séduction »
Tout au long de la journée, Lionel Charvin oppose la même ligne : il nie les viols et parle de gestes thérapeutiques. “Ce n’est pas un viol puisque ce n’est pas une masturbation”, insiste-t-il, allant jusqu’à mimer devant la cour les mouvements qu’il pratiquait. Selon lui, déclencher un orgasme pouvait faire partie d’une rééducation : “Il fallait vérifier que tous les muscles fonctionnaient. J’ai toujours demandé le consentement, pendant l’acte.” Les victimes parlent, quant à elle, de surprise.
Deux experts psychiatres entendus ce jeudi matin décrivent un homme “lucide, intelligent, sans trouble psychiatrique”, mais avec “un narcissisme marqué, un besoin de séduction et une tendance à la rationalisation”. Pour l’un d’eux, Lionel Charvin a “détourné le cadre thérapeutique au profit de son propre plaisir” et reste dans une “minimisation de ses actes”. L’intéressé, lui, se décrit comme “responsable, mais pas coupable”. Un psychiatre complète : “S’il venait à dire ‘je suis coupable’, ce serait un effondrement narcissique. »
Les témoignages se suivent et se ressemblent. Une professeure des écoles de 43 ans parle des conséquences de ce viol : “Je ne peux plus avoir de rapport sexuel, hormis quand je suis alcoolisée. Mais à chaque fois, il est là. J’ai décidé de porter plainte pour montrer à ma fille que quand notre consentement n’est pas respecté, il y a la loi qui nous protège.” Lionel Charvin encourt vingt ans de réclusion criminelle. Le verdict est attendu vendredi.
À lire aussi