• Des photos d’un « guide » en russe sont partagées en ligne, censées montrer les conseils des autorités russes aux épouses de soldats violents.
  • Aux origines de la rumeur, le piratage du site Internet d’une école de communication, basée à Moscou.

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L’info passée au crible des Vérificateurs

La Russie s’empresse-t-elle de livrer des conseils aux épouses de ses soldats revenus du front, en cas de violences conjugales ? Une rumeur de ce type est née en ligne. Selon le visuel qui l’accompagne, un guide a même été envoyé par les autorités russes aux femmes de militaires, pour leur apprendre à gérer les violences dont elles pourraient être victimes. 

« L’État russe distribue un manuel aux femmes barbares russes sur la façon de gérer les coups infligés par leurs propres hommes barbares de retour de la guerre », partage un compte X (nouvelle fenêtre) en anglais, cité ici par un compte français. (nouvelle fenêtre) La rumeur circule majoritairement sur des comptes russes. On la retrouve donc sur X (nouvelle fenêtre), avec le même visuel d’un tract représentant un homme en tenue militaire dominant une femme, positionnée à genoux, prêt à la frapper.  Elle est aussi relayée sur Facebook (nouvelle fenêtre) ou sur Instagram, où l’on s’indigne (nouvelle fenêtre) : « Tout est stable en Russie. Juste au cas où tu aurais oublié quoi faire quand ton mari te tabasse ». Mais on la retrouve aussi, présentée d’une autre manière. Selon des chaînes Telegram, il s’agit non pas du gouvernement russe, mais ukrainien qui aurait distribué le prospectus à sa population féminine.  

« Demandez pardon à votre mari »

Nous avons démêlé le vrai du faux, à partir de ce visuel qui accompagne chacune des publications. D’après notre traduction, on peut y lire des « conseils pratiques pour les épouses de militaires », tels que « votre mari traverse une période de stress intense. Parlez-lui et essayez de vous mettre à sa place », « si les coups ne menacent pas votre vie, supportez-les, ils cesseront bientôt », ou encore « demandez pardon à votre mari ». En dessous, le fameux dessin d’un soldat levant la main sur une femme au sol, et en bas à gauche, se trouve un QR code. Son scan renvoie à une page Internet, dont l’accès nous est interdit, même avec l’utilisation d’un outil VPN nous localisant ailleurs qu’en France. 

Un faux manuel a été détourné pour prétendre que l'État russe donnait des conseils aux femmes de soldats violents - DRUn faux manuel a été détourné pour prétendre que l’État russe donnait des conseils aux femmes de soldats violents – DR

Cependant, nous avons pu retrouver un lien du site (nouvelle fenêtre), archivé le 2 septembre. Cette page semble être celle du « centre d’assistance psychologique » de l’Académie de communication, une association ouverte à Moscou. Celle-ci propose donc, depuis 2019, les services d’une « communauté de spécialistes, psychologues, psychologues cliniciens, psychothérapeutes, psychologues de crise et spécialistes en réadaptation ». Sous cette rapide présentation, les conseils du prospectus y figurent bien, ainsi que le dessin de l’homme violent. L’ensemble n’a pourtant pas été mis en ligne par l’Académie de communication, qui fait l’objet d’une campagne de désinformation. 

Un piratage informatique le 8 août

Sur sa chaîne Telegram, la direction a largement communiqué au cours des derniers jours, principalement pour démentir les rumeurs à son endroit. Le 1ᵉʳ septembre, (nouvelle fenêtre) l’association explique avoir été victime d’un « piratage » de l’un de ses sites et précise être « en train d’examiner la situation ». Le 2 septembre, deux vidéos sont alors publiées pour clarifier la situation. La jeune femme qui prend la parole n’est autre que la directrice de l’académie. Sur son profil Linkedin (nouvelle fenêtre), Alena Chechulina se présente comme avocate et psychologue à l’Académie de communication depuis 2019.

Dans une première vidéo, (nouvelle fenêtre) que nous avons fait traduire, elle revient sur les critiques à l’encontre de l’association et le projet éducatif et social qui y est mené depuis 2024. « Il y a quelques jours, notre site web a été piraté et des informations manifestement fausses y ont été publiées […]  Toute l’année dernière, avec l’équipe de nos enseignants, nous avons mené un grand projet social, gratuit, qui a duré près d’un an. Nous avons formé trois promotions. Il s’agissait d’un programme de soutien social et psychologique destiné aux enfants et aux adolescents issus de familles de militaires. Des travailleurs sociaux, des psychologues, des éducateurs de toute la Russie y ont participé. » 

Dans deux vidéos publiées sur Telegram, Alena Chechulina s'empresse d'expliquer le piratage dont a été victime le site de l'Académie de Communication - TelegramDans deux vidéos publiées sur Telegram, Alena Chechulina s’empresse d’expliquer le piratage dont a été victime le site de l’Académie de Communication – Telegram

La directrice de l’académie, qui se dit « attristée » par la situation, revient ensuite sur les conséquences d’une telle désinformation : « Nous avons fermé nos sites. Nous avons été contraints de le faire. Nous avons suspendu tout notre travail. Nous écrivons aux blogueurs qui diffusent ces fausses informations à notre sujet pour leur demander de vérifier leurs sources ». 

Dans une seconde vidéo, (nouvelle fenêtre) Alena Chechulina se confie sur son combat aux côtés des femmes victimes de violences, en tant qu’avocate, et appelle les internautes à « faire preuve de bon sens, d’esprit critique et de bienveillance les uns envers les autres ». Dans un communiqué (nouvelle fenêtre), l’académie de communication situe le piratage au 8 août dernier. Selon elle, il n’existe aucune « preuve fiable que les tracts ont été distribués en masse dans le cadre d’un véritable programme visant les épouses des militaires russes ». Pour l’heure, le site reste fermé au public. 

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Caroline QUEVRAIN