De l’usinage des pièces en titane jusqu’à l’emballage du dispositif en salle blanche, en passant par le contrôle qualité au centième de micron près, le polissage, l’assemblage, le nettoyage, les tests de fonctionnement et de fatigue et les logiciels embarqués : Fineheart a progressivement développé chaque étape de fabrication de sa mini-pompe cardiaque, déjà implantée avec succès chez des patients humains l’an passé. « Il n’y avait rien ou presque sur étagère, il a fallu concevoir et fabriquer tous les éléments et tous les outils permettant de fabriquer ces éléments », décrit Arnaud Mascarell, CEO et cofondateur, dont l’ambition est de soulager les patients souffrant d’insuffisance cardiaque avancée.

Fineheart testera sa pompe cardiaque sans fil chez des patients français dès 2025

Charge sans fil à travers la peau

La biotech girondine a également conçu et développé sa propre technologie de transfert d’énergie transcutané. Il s’agit d’un élément clé puisqu’elle permet de charger la pompe sans fil grâce à une batterie positionnée dans l’abdomen. Seule exception à cette démarche made in France : la batterie implantée chez le patient provient d’un fabricant américain. « Il y a peu, voire pas du tout, de fournisseur européen pour ce type de batteries solides qui répond à des normes très particulières et compatibles avec un fonctionnement dans le corps humain », explique l’ingénieur devant les bancs d’essais d’électronique et d’électrochimie de la start-up à Cestas et Pessac, près de Bordeaux.

L’entreprise de 70 salariés, dont un tiers est dédié à la fabrication de la mini-pompe cardiaque, travaille sur ces sujets depuis quinze ans. « Nous avons fait le choix stratégique de tout internaliser pour des raisons de souveraineté, d’efficacité et de discrétion. Cela nous a permis de développer trente versions en dix ans de notre pompe cardiaque miniaturisée », pointe le CEO. Le résultat, c’est une pompe de 10 centimètres dotée d’une alimentation sans-fil qui permet d’éviter un grand nombre de complications pendant et après l’implantation, tout en dotant les patients d’une autonomie de six heures.

Définir des standards européens

Et c’est précisément grâce à ce travail de longue haleine que Fineheart vient de décrocher la coordination d’un programme de recherche dans le cadre du « PIIEC Santé Tech4Cure », pour « projet important d’intérêt européen commun, la technologie pour soigner ». Il s’agit d’une enveloppe de 48 millions d’euros versés en sept tranches à un groupement d’entreprises de six pays (France, Hongrie, Italie, Lettonie, Slovaquie et Slovénie) dont la société lyonnaise Iten, spécialisée dans les batteries solides. L’enjeu sera de développer toute la chaîne de valeur des dispositifs médicaux implantables de nouvelle génération.

Concrètement, cela désigne des dispositifs connectés pour lesquels l’alimentation sans-fil à travers la peau constitue un atout technologique et médical majeur. Les travaux coordonnés par Fineheart porteront notamment sur l’implantation de systèmes miniaturisés de transfert d’énergie et de données à travers la peau, sur une interopérabilité entre les différents dispositifs et sur la définition de standards harmonisés en matière de communication, de cybersécurité et d’interconnexion avec les systèmes de santé.

Fineheart débute son industrialisation

Loin des difficultés rencontrées par le cœur artificiel de Carmat, placé en redressement judiciaire en juin dernier, Fineheart a entamé l’industrialisation de son fonctionnement. « Actuellement, nous sommes en mesure de fabriquer 200 pompes par an et nous structurons tous nos process pour pouvoir en fabriquer plusieurs milliers par an d’ici à quelques années », précise Arnaud Mascarell.

La biotech prendra possession de sa nouvelle usine de 3 500 m2 à Pessac cet automne avant de consacrer deux à trois ans à l’installation, au calibrage, à la mise en route et à la certification des chaînes de montage. Pour financer cette phase aussi longue que stratégique d’industrialisation, de validation clinique puis de marquage CE, Fineheart a recruté Sébastien Robitaille, au poste de directeur financier. Passé par Ipsen puis DBV Technologies, ce connaisseur des enjeux financiers propres aux biotech s’attèle à finaliser la série C de 55 millions d’euros prévue d’ici à la fin de l’année. De quoi tenir jusqu’au printemps 2028.

Viendra ensuite la mise sur le marché espérée pour le courant 2029 alors que contexte évolue rapidement puisque le principal concurrent tricolore, la start-up francilienne Corwave, a aussi annoncé en juillet dernier la première implantation réussie chez un patient australien de sa pompe cardiaque dotée d’une membrane ondulante permettant de réduire les complications opératoires. Du côté de Fineheart, les premières implantations chez des patients français auront lieu d’ici fin septembre à Bordeaux et Nantes. A terme, l’ambition est d’équiper chaque année 200 000 patients atteints d’insuffisance cardiaque avancée. Un premier marché potentiel évalué à plus de cinq milliards d’euros.