Bruxelles estime que la firme a violé les règles de concurrence de l’UE en favorisant ses propres services de technologie publicitaires au détriment des autres acteurs de l’écosystème. Google annonce faire appel de cette décision.

La décision était scrutée comme un thermomètre de la Commission européenne face aux intimidations américaines sur la réglementation européenne du numérique. Bruxelles a, de nouveau, sanctionné Google en lui infligeant ce vendredi 5 septembre une amende de 2,95 milliards d’euros pour avoir violé les règles de concurrence de l’Union européenne avec ses technologies publicitaires («adtech»). Dans le détail, elle estime que «Google a agi en favorisant ses propres services de technologie d’affichage publicitaire en ligne au détriment des fournisseurs concurrents de services de technologie publicitaire, des annonceurs et des éditeurs en ligne».

Dans sa décision, la Commission européenne ordonne à la société de cesser ces pratiques d’auto-préférencement et de «mettre en œuvre des mesures pour mettre fin à ses conflits d’intérêts inhérents à la chaîne d’approvisionnement des adtech». Google dispose désormais de 60 jours pour présenter à Bruxelles ses remèdes.


Passer la publicité

L’UE n’est pas allée jusqu’à exiger la scission d’une partie des activités du groupe dans ce domaine de la publicité en ligne, ce qu’elle avait pourtant menacé de faire en 2023. De son côté, Google dénonce une «mauvaise» décision et annonce son intention de faire appel. Cette amende «nous impose une amende injustifiée et des changements qui affecteront des milliers d’entreprises européennes, puisqu’elles auront plus de mal à gagner de l’argent», a réagi Lee-Anne Mulholland, vice-présidente de Google chargée des affaires réglementaires.

Menaces de Trump

Contrairement à ce qu’avait avancé Reuters, les fortes tensions entre l’Europe et Donald Trump n’ont retardé que de quelques jours le jugement de la Commission, initialement attendu le 1er septembre. L’amende est également moins «modeste» que ce qu’avait laissé entendre le média anglophone. Ces derniers mois, le président américain a pourtant menacé de sanctions douanières ou de restrictions à l’export tous les pays qui attaqueraient les entreprises de technologie américaine.

Le 26 août, sur son réseau social Truth Social, il a mis en garde contre toutes «taxes, législation ou régulation conçues pour toucher ou discriminer la technologie américaine». Malgré ces menaces, Google a fait l’objet deux sanctions au cours de la dernière semaine des deux côtés de l’Atlantique : une amende de 325 millions, infligée par la Cnil pour pratiques publicitaires illégales et une autre de 425 millions, infligée par un tribunal californien pour atteinte à la vie privée, sans compter la décision rendue mardi dans le domaine de la recherche en ligne qui l’oblige désormais à partager certaines données avec ses concurrents.

Une épée de Damoclès aux États-Unis

La décision de Bruxelles portant sur la publicité en ligne était très attendue. Ce n’est en effet par la première fois que Google est épinglé à ce sujet. Le géant est actif à deux niveaux sur le marché de la publicité en ligne : d’une part, il vend de la publicité sur ses propres sites web et applications ; d’autre part, il sert d’intermédiaire entre les annonceurs souhaitant diffuser leurs annonces en ligne et les éditeurs qui peuvent fournir cet espace. La firme propose les services d’adtechs les plus utilisés d’Internet : deux outils d’achat d’annonces, «Google Ads» et «DV 360» ; le principal serveur publicitaire utilisé par les éditeurs pour gérer l’affichage de leurs annonces, «DoubleClick For Publishers » (DFP), ainsi que le système leader de mise en vente des espaces via des enchères, «AdX».

En avril, une cour fédérale américaine a jugé Google coupable de pratiques anticoncurrentielles pour avantager ses propres espaces publicitaires et créer un effet de verrouillage pénalisant les outils alternatifs. Elle accuse la firme d’avoir «sciemment entrepris une série d’actions anticoncurrentielles » et causé des «dommages importants» à ses clients, à commencer par les éditeurs. Ce jugement pourrait offrir une base suffisamment solide pour permettre aux autorités antitrust de forcer Google à céder certains de ses actifs publicitaires, comme AdX ou DoubleClick for Publishers. Le prononcé de la peine est attendu dans les prochaines semaines.


Passer la publicité

Google, de son côté, s’est toujours défendu en arguant que ses services sont choisis pour leur efficacité et non imposés par des pratiques abusives. Loin d’être anodine, la publicité demeure sa principale source de revenus : 264,6 milliards de dollars en 2024, soit 75% du chiffre d’affaires total d’Alphabet, sa maison mère.