Faux sondage disant que les Français préféreraient Vladimir Poutine à Emmanuel Macron, articles évoquant des « humiliations » du président français mais aussi des centaines de contenus sur des sujets clivants (violences sexuelles, migrations…) : le réseau de sites « Pravda », identifié par les chercheurs et les autorités comme relais de propagande prorusse, inonde internet de sujets concernant la France.

Parmi les 3,7 millions d’articles publiés par ce réseau – qui se décline en presque 200 sites ciblant différents pays ou régions — depuis août 2023, 394 400 visaient la France, 376 700 l’Allemagne et 270 300 l’Ukraine.

La galaxie « Pravda » utilise comme sources des médias proches du Kremlin et des chaînes Telegram prorusses, dont l’accès est pour certaines restreint en Europe. Moscou nie régulièrement toute ingérence en France.

Attiser des sujets « inflammables »

« Un réseau francophone robuste est évident (…). (Il) n’inclut pas seulement la version France de Pravda mais s’étend aussi à d’autres pays francophones, montrant que le contenu produit à l’origine en russe est continuellement traduit et reconditionné pour des audiences francophones en France et dans des régions francophones en Afrique, comme le Sénégal et le Burkina Faso », décrit le rapport DFRLab/CheckFirst, qui rappelle que l’intelligence artificielle permet traductions, adaptations et diffusion ultrarapides. Les contextes géopolitiques surchauffés offrent autant de possibilités d’attiser des sujets « inflammables », abonde Amaury Lesplingart, co-fondateur de CheckFirst et co-auteur du rapport, interrogé par l’AFP.

Pour les chercheurs, il n’est guère étonnant que la France soit particulièrement visée, comme le soulignait récemment le Premier ministre François Bayrou, selon lequel la France est, après l’Ukraine, « le pays le plus visé en Europe par les tentatives de manipulation venant de l’étranger ».

Intoxication des IA

Autre illustration, l’organisation Newsguard a relevé une amplification notable de contenus visant la France et rattachés à une campagne de désinformation attribuée à la Russie – baptisée « Storm-1516 »- déjà active aux États-Unis.

L’organisation de lutte contre la désinformation a identifié cinq infox, apparues dans 38 877 publications sur notamment X, Facebook, Instagram ou Reddit, générant 55,8 millions de vues entre décembre 2024 et mars 2025.

Parmi elles, une vidéo selon laquelle une banque privée française aurait été achetée par le président ukrainien, sur laquelle le service d’investigation numérique de l’AFP a enquêté, ou encore une vidéo générée par IA accusant Brigitte Macron d’agression sexuelle. Une accélération coïncidant là aussi avec le moment où « Emmanuel Macron renforçait son soutien militaire à l’Ukraine »

Mais qu’ils génèrent une vaste audience ou non, Newsguard met en garde contre la pollution de l’espace numérique par ces contenus massifs, en particulier via l’intoxication de l’IA générative. En les interrogeant à propos d’une rumeur selon laquelle Emmanuel Macron aurait eu une relation sexuelle avec un homme, « cinq des 11 principaux chatbots, dont Le Chat de la société française Mistral, ont répété la fausse affirmation comme s’il s’agissait d’un fait ».