La sanction préfigure un long feuilleton judiciaire. Jean-Christophe Colombo a appris en août sa mise à pied pour quinze jours, après les événements du printemps dernier : en mai, à Villenave-d’Ornon, le conducteur de bus de TBM avait été insulté par un usager puis, se déplaçant vers lui, avait été roué de coups, lui occasionnant une ITT étendue à quarante-cinq jours. Passé en conseil disciplinaire en juillet, il lui est notamment reproché d’avoir quitté son poste de conduite et de ne pas avoir fait appel à la sûreté. Il risquait jusqu’à un licenciement. « Ils ont été très gentils, ils n’ont pas été jusque-là », livre-t-il aujourd’hui avec amertume et ironie. Le chauffeur d’une cinquantaine d’années, employé sur le réseau de transports en commun bordelais depuis 1997, compte aller aux prud’hommes ainsi que déposer plainte au pénal, pour « mise en danger de la vie d’autrui », contre Keolis, son employeur.

Jean-Christophe Colombo, qui n’a toujours pas repris le chemin du travail depuis l’altercation, estime vivre une profonde injustice et souffrir de problèmes psychologiques, évoquant notamment une « hospitalisation programmée » pour se soigner. « Les cinq pages qui m’ont été adressées pour me notifier la mise à pied, je n’arrive même pas à les lire en entier, explique-t-il. Cette décision me porte énormément préjudice. J’ai l’impression que ma direction a voulu se débarrasser d’un problème […] alors que j’étais un employé bien noté. »

« Signal extrêmement grave »

Le Syndicat national des transports urbains-CFDT, dont il fait partie, dénonce également dans un communiqué la sanction disciplinaire. « Une décision qui bafoue la justice et jette une nouvelle fois le discrédit sur les pratiques managériales du groupe Keolis. Cette sanction est non seulement injuste sur le fond, mais elle envoie un signal extrêmement grave à l’ensemble des salariés ! » estime le syndicat, selon qui « cette sanction injustifiée […] ne tiendra pas devant un tribunal ». Une rencontre entre Jean-Christophe Colombo et son syndicat doit se tenir dans les tout prochains jours pour envisager les différentes suites judiciaires.

De son côté, Keolis a indiqué sa position dans un long texte transmis à notre rédaction, ce vendredi 5 septembre. La société condamne en préambule « avec la plus grande fermeté l’agression dont a été victime notre collègue », martelant que « personne ne devrait subir d’incivilités ou être blessé dans l’exercice de ses fonctions. Mais ce drame nous rappelle la nécessité absolue de respecter les règles de sécurité pour protéger nos collaborateurs et nos passagers dans les situations sensibles, souligne également Keolis. Ces consignes sont claires : en cas d’agression ou de violence, ne pas quitter son poste, alerter immédiatement le PC sécurité et ne jamais intervenir physiquement. Malheureusement, M. Colombo a quitté son poste de conduite sans prévenir les équipés de sécurité, puis a expulsé l’agresseur du bus par la force, un geste formellement interdit qui l’a exposé, lui comme les passagers ».