A peine revenu sur le devant de la scène, le voilà reparti sur les bancs des accusés. Ilan Magneron, plus connu par la jeune génération sous le pseudonyme d’« Amine Mojito » comparaissait ce vendredi 5 septembre après-midi pour ce que son avocat assure n’avoir été qu’une blague de mauvais goût.

Après neuf ans d’absence et un stage de sensibilisation à l’égalité hommes-femmes, l’influenceur venait tout juste de faire son retour sur les réseaux sociaux. En juin dernier, à l’approche de la Fête de la Musique, il publie des vidéos où on le voit simuler des piqûres à la seringue sur des passants pris par surprise. Après un signalement de la plateforme Pharos, il est interpellé et placé en détention provisoire le 26 juin, durant la période estivale, en attendant son procès.

Les réseaux sociaux et leur culture de l’absurde

Les images, elles, n’ont « pas inspiré l’ébauche d’un sourire » au président du tribunal. Lui, l’ancien « roi de Snapchat », était pourtant convaincu que « ça allait faire rire, pas peur ». Mais dans un contexte où des appels à piquer à la seringue circulaient avant la Fête de la musique, et alors que 145 personnes ont signalé de telles agressions après l’événement, la plaisanterie est mal passée.

Chemise bleu ciel impeccable, chino beige, l’influenceur de 27 ans aux 150 000 abonnés, poursuivi pour « violences avec arme n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail », affiche une image lissée, loin des excès qui l’ont rendu célèbre dans les années 2010. Condamné par le passé pour violences aggravées, agressions sexuelles et diffusion de haine en ligne — il se mettait alors en scène en frappant des femmes avec une ceinture et en les aspergeant de ketchup —, il assume aujourd’hui une posture de repenti. Mais l’expertise psychiatrique parle surtout d’une « grande immaturité ».

« Je voulais regagner ma communauté »

Devant les juges, il explique : « J’étais dans l’impasse. J’avais besoin de reprendre les réseaux, de voir si j’étais pas tombé dans l’oubli. » Son objectif ? « Me refaire connaître, vendre mon programme sportif. » Pour ça, il a copié ce qu’il voyait sur internet, sans réfléchir. « Je pensais que ça ferait rire. Je n’ai pas ressenti la peur des gens sur le moment. » Pourtant, les réactions ont été sans appel dans les commentaires : « T’es con », « c’est pas drôle », « c’est pas intéressant ». S’il assure ne pas avoir été au courant des appels à piquer des femmes en amont des festivités de juin, il avoue cependant qu’il connaissait la méthode de la seringue comme étant celle d’hommes mal intentionnés « dans les boîtes de nuit, ou les grands événements ».

Un seul témoignage de victime est venu étayer l’accusation : celui d’un homme de 58 ans qui a pris la fuite et traversé dangereusement un boulevard en hurlant après l’un de ses canulars. L’homme fragile et cardiaque s’est vu prescrire sept jours d’ITT. La vidéo, elle, a été vue 9,3 millions de fois. « Avec du recul, je me rends compte de la peur que j’ai pu provoquer », reconnaît-il, comme si, face au juge, il découvrait soudain l’évidence.

Malgré ses justifications, le procureur n’a pas tergiversé : « On ne peut pas tout accepter sur l’autel du divertissement et de la course aux likes. » Il requiert 15 mois d’emprisonnement, dont 5 avec sursis et 10 sous bracelet électronique, une amende de 1 500 euros, et l’interdiction de paraître à Paris. La partie civile réclame 7 000 euros pour préjudice moral. « J’ai fait des erreurs, mais c’est avec l’expérience qu’on apprend », murmure l’accusé, visiblement coaché par sa défense.

L’influenceur, ce nouveau bouffon du roi

L’affaire résume une réalité derrière laquelle se cache l’effrayante culture du vide, fléau d’une bien trop grande partie de la jeunesse : ces « canulars » ne sont que des vidéos sottes, créées par des gens tout aussi sots, dans une société virtuelle d’irresponsables. Amine Mojito, star autoproclamée d’un temps où Snapchat régnait en maître, incarne à lui seul cette génération d’influenceurs pour qui tout est bon à monnayer, surtout la bêtise. « Ma vie, c’est un échec », souffle-t-il – dans une dernière tentative d’apitoiement ? La décision tombera le 3 octobre.


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