« Travailler à la blanchisserie, c’est travailler dans un climat tropical »
Convoqué à un entretien disciplinaire pour avoir mis un tee-shirt blanc en coton et ne pas avoir fermé sa blouse de travail en pleine canicule alors que la température atteignait les 40°C. Invraisemblable, et pourtant : ce mardi 2 septembre, Nicolas Perez, secrétaire adjoint de la CGT blanchisserie du CHU de Bordeaux, s’est retrouvé devant sa direction pour se justifier du rapport adressé par son supérieur.
L’entretien a clairement été à charge : la direction a tenté d’isoler Nicolas, qui risque aujourd’hui une sanction de niveau 1, allant du blâme à la mise à pied. « Ils m’ont demandé pourquoi mes collègues supportaient la chaleur, contrairement à moi. C’est ridicule ! Nous avons justement lancé dès juillet une dizaine de fiches alertes venant de l’ensemble des services de la blanchisserie. Trois jours plus tard, on envoyait un droit d’alerte sur nos conditions de travail. Tous nos collègues nous disaient qu’ils n’en pouvaient plus », témoigne le syndicaliste.
Dans ce que beaucoup appellent « l’usine de l’hôpital », les conditions sont particulièrement éprouvantes : travail à la chaîne, gestes répétitifs, bruit constant et chaleur étouffante. « Travailler à la blanchisserie, c’est travailler dans un climat tropical, avec la chaleur et l’humidité dégagées par les machines. Aujourd’hui, nous avons des blouses lourdes et épaisses. Avec la transpiration qui colle, cela devient vite insupportable et dangereux de travailler » poursuit Nicolas.
Pour lui, cette convocation est une réponse directe à la mobilisation syndicale que la CGT blanchisserie a mené durant la canicule et qui permis d’obtenir quelques aménagements : « Nous avons obtenu un aménagement des horaires, de pouvoir commencer une heure plus tôt et finir une heure plus tôt pendant la canicule. »
De plus, « après le droit d’alerte de juillet, la direction a dû partiellement céder et nous fournir des polos un peu plus légers, que nous sommes autorisés à porter uniquement en cas de vigilance orange » ajoute Nicolas. « Nous demandons simplement une tenue plus légère et la possibilité de porter un tee-shirt en coton, qui absorbe mieux la transpiration. On est encore dans l’attente d’un protocole écrit pour qu’on n’ait pas à se battre chaque été sur la même question. »
Des acquis et des syndicalistes qui dérangent
La convocation de Nicolas Perez n’a rien d’un hasard, elle s’inscrit dans une longue série d’attaques contre la CGT blanchisserie et tout ce qu’elle incarne au sein du CHU. Pour cause, ce syndicat possède une histoire faite de victoires arrachées par les travailleurs : pauses de 15 minutes toutes les heures, maintien des effectifs, titularisations annuelles, reconnaissance du statut de buandier ouvrant droit à un départ anticipé à la retraite. Pendant la crise du Covid, c’est encore ce syndicat qui a imposé la fourniture de masques et de protections adaptées, ainsi que la prime de 1 500 € que la direction voulait refuser aux agents.
C’est précisément cette combativité que la direction cherche aujourd’hui à briser. En s’attaquant à Nicolas Perez – travailleur au CHU depuis 1996, d’abord aux cuisines, puis à la blanchisserie, syndiqué à la CGT depuis 2002, acteur et moteur de toutes ces luttes -, elle vise une figure centrale du syndicat.
Aux côtés de Marie-Laure Charchar, secrétaire générale de la section, Nicolas incarne une combativité qui reste un véritable caillou dans la chaussure du CHU de Bordeaux. La direction a d’ailleurs déjà tenté à deux reprises d’expulser la CGT de son local syndical afin de l’isoler des agents. Mais loin de se laisser intimider, le syndicat a su se défendre et faire reculer la direction sous la pression collective.
Surtout, la CGT blanchisserie ne se contente pas de défendre son périmètre. Elle s’efforce au contraire de dépasser le corporatisme, de construire des ponts avec d’autres secteurs en lutte et de rassembler la colère autour d’un véritable plan de bataille, capable de stopper les offensives réactionnaires et austéritaires.
C’est à toute cette histoire et cette pratique militante que la direction cherche à s’attaquer avec le projet assumé de revenir sur tous les acquis arraché à l’occasion de la construction de la nouvelle blanchisserie pour 2027. « On vit depuis plusieurs mois un véritable acharnement répressif au sein de la blanchisserie », explique Marie-Laure. « Chacun de nos mouvements est scruté, toutes nos démarches sont entravées, contestées, et les provocations de la direction sont quotidiennes. À chaque victoire, même partielle, ils répondent par la répression. Ils veulent nous faire abandonner et par-dessus faire peur à tous les agents »
Face au mépris des directions pour la santé au travail, face à la répression : solidarité
Le jour de la convocation de Nicolas, les travailleurs ont répondu par la solidarité dans un rassemblement de soutien. C’est donc accompagné qu’il s’est rendu à son entretien disciplinaire. Cette unité, il nous faut l’incarner systématiquement, car les offensives de ce type se multiplient : au Mans, c’est la mairie PS qui menace de poursuivre en justice un syndicaliste CGT Territoriaux qui a dénoncé des malaises d’agents pendant la canicule. Toutes ces attaques démontrent le mépris profond des directions pour la santé des travailleurs.
Face à l’amplification de la répression syndicale dans le secteur public comme privé, face à des directions qui cherchent à appliquer l’austérité et s’attaquer aux droits du travail sans opposition, nous devons nous saisir collectivement de la date du 10 septembre pour organiser la riposte. Pour peser face à une crise politique historique, il va falloir construire des assemblées générales unitaires et à la base, et imposer aux directions syndicales qu’elles mettent toutes leurs forces dans la bataille.