Alors qu’en collège les financements des manuels dépendent de l’État, en lycée ce sont les régions qui en assument les coûts. Au total, 230 000 élèves bénéficieront des aides régionales cette année, pour un montant de 65 M€. Une enveloppe importante, qui impose des arbitrages
Tournée des lycées, quelques jours après la rentrée scolaire pour Kamel Chibli et son staff. L’objectif est d’aller accompagner la distribution des manuels scolaires version « papier ». L’heure n’est pas encore au cartable (ni au livre) numérique au lycée Léonard de Vinci de Montpellier. Ici comme ailleurs, la tentative de fournir des manuels dématérialisés accessibles avec un ordinateur n’a jamais vraiment décollé. « Il y a eu un recul depuis l’initiative lancée en 2021, c’est le papier qui est plébiscité », affirme Kamel Chibli, vice-président délégué à l’éducation, à la jeunesse et aux sports de la Région.
Et c’est tant mieux, car dans ce lycée professionnel qui ne manque pas d’atouts, la fracture numérique est loin d’être réduite. En 2011, quand LoRdi rouge offert par la Région Occitanie rejoint les livres scolaires gratuits, instaurés en 2004, l’opération vise à lutter contre les inégalités, tous les parents n’ayant pas les moyens d’offrir un portable à leurs enfants.
Si les manuels des lycéens représentent environ 4,5 kg dans le sac, dans l’enseignement professionnel, c’est un peu marginal par rapport à la quantité de livres qui sont utilisés dans les lycées généraux. N’empêche, à Léonard de Vinci, il faut en distribuer 2 200 mais aussi répartir 1 956 équipements professionnels (160 000 sur toute la région Occitanie).
Les 729 apprenants sont formés aux métiers du bâtiment, de la métallerie, de la construction bois, de l’électricité… Comme l’explique le proviseur El-Houssine Moutaouadhia, les familles n’ont tout simplement pas les moyens de financer les équipements nécessaires à la scolarité de leurs enfants. « Dans certaines filières, les premiers équipements peuvent coûter entre 500 et 600 €. Si on ne leur fournit pas ce matériel, certains élèves risquent d’être exclus ».
Les 15 premiers jours de rentrée scolaire sont soumis à ce rituel immuable. En région, cette répartition cumule des dizaines de semaines puisées dans l’emploi du temps des enseignants et agents territoriaux de toutes catégories, sur le principe du volontariat. Une nouveauté 2025.
Garantir 800 € d’économies aux familles de lycéens
Jusqu’ici, des contractuels étaient dévolus à cette tâche, « pour un coût d’environ 2 M€ ». Si la gratuité a toujours un prix, faut-il le rappeler, c’est aussi qu’elle permet de tabler sur un budget constant de 65 M€, contribuant « cette année encore », à garantir 800 € d’économies en moyenne aux familles des 230 000 lycéens occitans. « Nous avons fait le choix fort de maintenir les aides aux familles pour que la jeunesse puisse rêver en grand et choisir son destin, et ce malgré la baisse de 400 M€ sur notre budget cette année et un budget incertain pour 2026 », avait déclaré Carole Delga, quelques jours plus tôt.
Quant à la participation du personnel à la distribution, il ne s’agit pas d’un effort imposé, mais bien d’un acte de solidarité. « Cela fait partie intégrante de nos missions, c’est normal, c’est pour nos élèves », signale ce professeur en CAP.
Une semaine au lycée Joffre à Montpellier, à Camus à Nîmes, quelques jours à Jean Lurçat à Perpignan, ça ne mange pas de pain, « on peut toujours s’inventer des problèmes, avant la gratuité des manuels, ce sont les fédérations de parents d’élèves qui s’y collaient, rappelez-vous de la bourse aux livres, mais c’est une époque lointaine, mais c’est toujours une bonne accroche pour faire revenir les parents dans les établissements », réagit Kamel Chibli. Dans ce lycée, il n’a aucun représentant des parents d’élèves au conseil d’administration, quand il devrait en compter entre 5 et 7.
« La distribution ne nécessite pas une mobilisation nombreuse, contrairement à la logistique. Sur un lycée de 2 500 élèves, ce sont 15 000 livres qui doivent être acheminés ! » Une équipe régionale est chargée de l’approvisionnement et du suivi logistique. Ensuite, au sein de chaque établissement, l’organisation est pilotée localement : généralement, ce sont les professeurs qui accompagnent les élèves lors de la distribution des manuels.
« Nous avons maintenu le réseau de 27 correspondants répartis dans tous les départements. » Ils sont en charge de la gestion globale : approvisionnement, réassort, et coordination avec chaque établissement. « Tout le monde a joué le jeu en cette rentrée. L’engagement de tous reste essentiel. »
Budget : « La vie en grand »
Malgré un contexte budgétaire tendu, marqué par une baisse de 400 millions d’euros des dotations de l’État ces dernières années, Carole Delga a tenu à défendre ce qu’elle qualifie de « défi budgétaire ». Garantir un égal accès à l’éducation, permettre à chaque jeune « de rêver sa vie en grand », quelle que soit son origine sociale, reste sa priorité C’est dans cet esprit que la Région a décidé de maintenir un budget de 65 millions d’€, représentant une économie moyenne de 800 € par famille pour les 230 000 lycéens d’Occitanie. Ce budget couvre un ensemble de dispositifs concrets : la gratuité du dispositif LoRdi, avec un ordinateur portable remis à 60 000 élèves de seconde ; la mise à disposition de 1,4 million de manuels scolaires ; le premier équipement professionnel offert aux élèves débutant une formation en apprentissage ; des aides à la lecture, à l’achat de licences sportives ou encore pour les activités culturelles. La Région a également renforcé ses actions sociales : 1,8 million d’€ ont été alloués à un fonds d’aide spécifique, en hausse de 10 %, pour faciliter l’accès à la restauration scolaire avec un engagement fort pour une alimentation locale, bio et de qualité, dont la part ne cesse de progresser dans les cantines. Enfin, la politique régionale s’étend aussi au sport scolaire. « Nous avons triplé le nombre de jeunes licenciés à l’UNSS (Union nationale du sport scolaire pour les collèges et lycées), atteignant désormais 35 000 élèves engagés dans les championnats scolaires », a précisé Kamel Chibli, vice-président en charge de l’Éducation et de la Jeunesse.