Encore trois semaines pour découvrir l’exposition “La cinquième essence”, de Jean-Marie Appriou, au MO.CO. Panacée, à Montpellier. Un “trip” physique et mental à travers les éléments absolument dément.
Il est une essence qui se résume à rien et pourtant concentre tut, qui inspire et pourtant ne se respire pas, qui est invisible et pourtant se contemple : la cinquième essence. De cette quintessence chère à l’alchimie depuis la nuit des temps, à tout le moins leur petit jour, Jean-Marie Appriou a fait le sujet, et le titre de sa fantastique exposition qui fait sensation depuis fin juin, et mérite assurément la revoyure exploratoire jusqu’au 28 septembre, au MO.CO. Panacée, à Montpellier (il ne faut pas se priver : le lieu est en entrée libre !).
« J’aime les lieux chargés d’histoire et je crois aux forces de l’esprit, confie l’artiste dans un entretien dans le catalogue de l’exposition, à propos de la Panacée, édifice qui abrita l’école de médecine puis l’école de pharmacie. J’ai voulu travailler sur l’alchimie, sur les éléments et sur cette cinquième essence, car ce furent des questions étudiées en ces murs. »
Le sculpteur breton qui travaille l’aluminium, le bronze, le verre et l’argile a créé spécifiquement trente-cinq des cinquante-deux pièces présentées à Montpelier, et pensé l’exposition « tel un fleuve, une déambulation circulaire » : le parcours est fluide mais pas filandreuse, la figuration spectaculaire sans être autoritaire et, puisque la fin n’y est qu’un commencement, on se plaît à y tourner en boucle, avec l’assurance de s’y trouver, ici ou là, à un moment, dans son élément.
Cinq éléments, cinq étapes
Des cinq, c’est par l’eau que s’ouvre La cinquième essence. Elle est concrétisée, littéralement, par Ressac, une grande vague hokusaïesque en aluminium saisie dans son bouillonnement mais aussi évoquée avec The lightouse keeper, un phare de forme humanoïde dont la lanterne est un visage de verre émeraude, mais encore sublimé par The vessel of life, une impressionnante barque d’inspiration égyptienne dont le batelier est un enfant, et la destination, un mystère : le large ? l’ailleurs ? la mort ? Une série de grottes pleines de stalactites et de mains (The cave of time) nous imerge dans l’étrange mais ce n’est rien en comparaison d’Event horizon primordial vessel), un bas-relief colossal et éloquent qui semble résumer tout l’univers plastique à la fois sensuel et cérébral de Jean-Marie Appriou qui, lui-même, paraît syncrétiser récits archaïques, mythes anciens, avancées scientifiques et imaginaires science-fictifs. Bref, gros risque de sidération !
Mais il faut avancer, l’éblouissement élémentaire est loin d’être terminé. L’élément terre, justement, réclame notre attention, qui se traduit, notamment, par Crossing the parallel world, comme une concrétion grise métallique d’une portion de champ de maïs au sein duquel se cache, survit, une présence humaine : la terre est nourricière, la culture salutaire mais l’homme locataire. Lui font écho The breath of the sun, parterre de maïs couchés d’où surgissent deux figures tournées vers le ciel et les deux Orphans of the sun, visages gigantesques portant lunettes à double optique. Que fixent-ils tous : une éclipse, une explosion thermonucléaire, une exoplanète ?
Douze signes zodiacaux
Un regard pour le feu évoqué par Bath of fire, un superbe barbecue de métal en forme de pétoncle que survolent des lucioles de bronze et verre soufflé.
L’air nous attire. On y va. On y est. L’air nous manque : la plus grande salle de la Panacée accueille douze gigantesques têtes d’animaux fantastiques (dragon, lapin, cheval, poisson, serpent…). Physique d’aluminium terrible, détail de bronze décalé, œil de verre halluciné, ces gueules astro-mythiques figurent un ciel symbolique au milieu duquel flotte en apesanteur, Mitosis (cellular being), sublime voyageur stellaire humanoïde de bronze patiné et de verre soufflé.
Et la cinquième essence, alors ? L’éther qui n’est pas une abstraction mais une dimension physique, une vibration tellurique, une réflexion – et pourquoi pas ? – quantique, se cache dans la contre-salle et prend, notamment, corps dans des pièces où le verre tient le premier rôle, à la fois translucide et opaque. Cristal qui songe. Regard qui décolle. Encore et encore !