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En cas de chute de François Bayrou, Emmanuel Macron devra nommer un nouveau Premier ministre.
POLITIQUE – Une main tendue aux socialistes, le pied sur le frein face à leur programme économique, et un œil ouvert sur de probables remous sociaux et financiers. Emmanuel Macron prépare l’après-Bayrou, en quête d’un Premier ministre ouvert sur sa gauche… Mais capable aussi de le protéger.
Lundi 8 septembre, tout le monde s’attend à ce que le gouvernement de François Bayrou soit renversé à l’Assemblée nationale. Dès le soir, les regards se tourneront vers l’Élysée. Le chef de l’État prendra-t-il la parole ? Recevra-t-il les partis ? Les questions, et le sentiment de déjà-vu, sont les mêmes à chaque épisode du feuilleton de l’instabilité politique née de la dissolution ratée de l’Assemblée nationale l’an dernier.
« Le président (Macron) proclame qu’il veut aller vite », rapporte un macroniste historique. « Il l’a déjà dit par le passé », tempère un autre proche, rappelant sa tendance à procrastiner lorsqu’il s’agit de nommer. Au final, « je n’ai pas l’impression qu’il ait tranché », assure un ministre. « Ce qui l’intéresse, c’est l’international, et il a besoin de stabilité pour ça », théorise un député socialiste.
Les stratèges présidentiels ont plusieurs échéances en tête qui devraient l’inciter à brusquer son naturel : le mouvement « Bloquons tout » mercredi 10, suivi le 18 septembre d’une mobilisation syndicale ; entre les deux, l’agence Fitch pourrait dégrader vendredi la note de la dette, envoyant un signal inquiétant aux marchés financiers. Puis, le 22 septembre, depuis la tribune de l’ONU à New York, Emmanuel Macron doit reconnaître l’État de Palestine, son grand rendez-vous diplomatique qu’il prépare depuis des mois.
Macron prépare la suite
D’autant que son impopularité bat des records depuis 2017 et que les appels de LFI et du RN à sa démission connaissent un écho croissant dans l’opinion : 64 % des Français la souhaitent, selon un sondage.
De fait, le président de la République s’est borné à invoquer la « responsabilité » et la « stabilité », prenant soin de ne pas devancer la chute de son allié historique. Mais dans le huis clos élyséen, il prépare la suite, et exhorte la coalition gouvernementale à « travailler avec les socialistes ».
Justement, leur patron, Olivier Faure, a fait acte de candidature pour Matignon, à la tête d’un gouvernement de gauche, sans LFI, mais aussi sans les macronistes, avec lesquels il serait seulement prêt à négocier des compromis. Sans qu’on en connaisse l’origine, l’idée a flotté ces derniers jours qu’Emmanuel Macron caresserait l’idée de le nommer. Pourtant, aucun des nombreux proches et interlocuteurs du président interrogés par l’AFP ne l’imaginent emprunter cette voie.
« Si Faure expliquait qu’il veut prendre le pouvoir avec nous », dans une nouvelle alliance entre les socialistes et la macronie, « ça pourrait avoir de la valeur », explique un cadre du camp présidentiel. « Mais ce n’est pas du tout ce qu’il dit. » Ce sera « difficile pour les gens du bloc central de concéder le soutien voire seulement la neutralité à ceux-là mêmes qui ont voté contre » l’équipe Bayrou, abonde un ministre.
Ces mêmes sources voient plutôt le locataire de l’Élysée se tourner, à nouveau, vers un profil de la droite ou du centre. « Quelqu’un dans le bloc central, plutôt proche du président, mais qui sait discuter avec le PS » pour négocier un pacte de non-censure plus durable que sous François Bayrou, résume un ténor du gouvernement.
Troisième Premier ministre en un an
Il s’agira du troisième Premier ministre en un an dans ce périmètre et les mêmes noms circulent que lors des précédentes nominations. Parmi eux, les ministres Sébastien Lecornu (Armées), Gérald Darmanin (Justice), Catherine Vautrin (Travail et Santé) et Éric Lombard (Économie). Ou encore le président LR des Hauts-de-France Xavier Bertrand.
Ces dernières heures, une source au fait de la réflexion présidentielle évoquait un pressing important auprès de l’ex-chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian, 78 ans et retiré de la politique active. Emmanuel Macron avait déjà tenté en décembre de convaincre son ami breton d’aller à Matignon, en vain. Aujourd’hui, l’ex-socialiste serait moins ferme dans son refus, selon cette source.
« En réalité, ça dépendra de ce que le PS accepte », glisse un proche du président. Tous préviennent que pour obtenir la non-censure du PS, il faudra lui « offrir de vraies victoires politiques ». Parmi les totems que les socialistes espèrent décrocher, un effort budgétaire revu à la baisse, mais aussi une remise en cause de la retraite à 64 ans et une taxation substantielle des plus riches. Or sur ces deux derniers points, Emmanuel Macron « n’acceptera jamais », prévient un fidèle de la première heure. C’est pour cela qu’il veut choisir un Premier ministre « dans sa zone de confort ».