Dans un avis rendu le 4 septembre, l’avocat général auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), Richard de la Tour, a estimé que les États membres de l’UE sont tenus de délivrer des documents d’identité conformes à l’identité de genre vécue des personnes transgenres.

L’affaire, transmise par la justice bulgare, concerne une femme trans qui, depuis 2017, se bat pour que son état civil reflète son identité. Les autorités bulgares avaient refusé de modifier son acte de naissance et son numéro d’identification personnel, faute de base légale claire dans le droit national.

Une atteinte aux droits fondamentaux

Dans ses conclusions, l’avocat général souligne qu’imposer des conditions médicales, comme une opération de réassignation sexuelle, contrevient au respect de la vie privée, à l’intégrité physique et à la dignité des personnes. Il estime également qu’un tel refus entrave des droits garantis par l’Union, en particulier la liberté de circulation et de séjour au sein du marché intérieur.

« Les documents d’identité doivent refléter l’identité de genre vécue par l’individu. Exiger des preuves chirurgicales pour en bénéficier n’est pas compatible avec les droits fondamentaux consacrés par l’UE », affirme Richard de la Tour dans son avis, qui s’inscrit aussi dans la continuité de la jurisprudence de la Cour européenne des droits humains.

Un enjeu concret pour les personnes trans

Pour les associations de défense des droits LGBT+, cette prise de position est historique. « Il s’agit d’une étape essentielle vers la reconnaissance pleine et entière des personnes transgenres en Europe. Sans papiers conformes à leur identité, elles restent exposées à des discriminations et des obstacles administratifs quotidiens », souligne un militant de l’ILGA-Europe.

L’enjeu est loin d’être théorique : voyager, travailler, signer un bail ou même effectuer une simple démarche bancaire devient un parcours du combattant lorsque les papiers ne correspondent pas à l’identité vécue.

Une décision attendue de la CJUE

L’avis de l’avocat général ne lie pas la Cour, mais il est suivi dans la majorité des cas. La décision de la CJUE, attendue dans les prochains mois, pourrait obliger la Bulgarie et d’autres États européens à adapter leurs législations pour mettre en place des procédures de reconnaissance de genre respectueuses des droits fondamentaux.

Alors que plusieurs pays de l’Union, dont la France, ont déjà assoupli leurs conditions de changement d’état civil, d’autres continuent d’imposer des critères médicaux stricts. Si la Cour confirme cette orientation, c’est l’ensemble des pratiques nationales qui devront évoluer.

Cet avis préfigure donc une avancée décisive : celle d’une Europe où les papiers d’identité ne seraient plus l’instrument d’une norme imposée à tous, mais le reflet de la vie réelle des personnes qu’ils désignent.