Une nouvelle sanction au montant colossal. La Commission européenne a infligé vendredi une amende de 2,95 milliards d’euros à Google pour avoir abusé de sa position dominante dans le secteur de la publicité en ligne.

Une décision que le géant américain de la tech a aussitôt annoncé vouloir contester et qui a été vivement fustigée par président américain Trump, lequel a promis des représailles.

Qu’est-ce qui est reproché à Google ?

La sanction était attendue puisque la Commission, gendarme de la concurrence de l’UE, enquêtait sur ce dossier depuis 2021. Dans sa décision, elle explique que Google « a enfreint les règles européennes en matière de pratiques anticoncurrentielles en faussant la concurrence dans le secteur des technologies publicitaires ».

Elle reproche précisément au groupe de Mountain View, dans la Silicon Valley, d’avoir « abusé de sa position dominante » sur le marché des technologies publicitaires pour « favoriser ses propres services de technologie d’affichage publicitaire en ligne au détriment des fournisseurs concurrents ». L’enquête a révélé que ces pratiques anticoncurrentielles ont débuté en 2014 et se poursuivraient encore aujourd’hui.

« Google vend la publicité sur ses propres sites, donc il fournit des espaces publicitaires, mais il agit aussi en tant qu’intermédiaire entre les annonceurs et les éditeurs », nous explique Me Aurélie Dellac, avocate de la concurrence et droit européen. Or, « ce que la Commission lui reproche, c’est d’avoir fait de l’auto-préférence, c’est-à-dire d’avoir favorisé sa propre bourse d’annonces, AdX, en lui disant à l’avance quelle offre elle devait présenter pour remporter l’espace publicitaire, qui se fait souvent aux enchères », développe l’avocate.

De fait, les bourses d’annonces publicitaires concurrentes avaient « peu de chance ». Autrement dit, « Google a préféré ses propres solutions à celles des concurrents, ce qui lui permettait de maintenir à la fois une position concurrentielle importante et des frais plus élevés pour son service que s’il y avait eu une réelle concurrence », note encore la spécialiste. Aux yeux de la Commission, « il y a conflit d’intérêts, car c’est non seulement anticoncurrentiel mais c’est aussi un abus de sa position dominante puisqu’il a faussé la concurrence », appuie Me Dellac.

Outre l’amende, la Commission a ordonné à Google de « mettre fin à ces pratiques d’auto-préférence » et de « mettre en œuvre des mesures pour cesser ses conflits d’intérêts inhérents tout au long de la chaîne d’approvisionnement ». Le régulateur européen a laissé 60 jours à Google pour l’informer des mesures qu’il compte proposer.

Comment est défini le montant de l’amende ?

L’amende a été fixée « sur la base des lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes de 2006 », explique dans un communiqué le régulateur européen. Pour fixer le montant, la Commission prend différents éléments en considération, « dont la durée et la gravité de l’infraction, ainsi que le chiffre d’affaires » de l’entreprise. En outre, la Commission explique qu’elle « a tenu compte du fait que Google avait déjà été sanctionné par le passé pour des abus de position dominante ».

« Dès qu’on touche aux GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple, NDLR), comme leur chiffre d’affaires est très élevé, ça fait tout de suite des amendes très élevées », relève Me Aurélie Dellac, qui précise que « le maximum que la Commission peut infliger à une société, c’est 10 % de son chiffre d’affaires mondial ». Pour une entreprise comme Google, « c’est une amende qui n’est pas négligeable, c’est quand même dissuasif, mais le but ce n’est pas non plus de la mettre en banqueroute ».

Que répond Google ?

Dans une déclaration à l’AFP, Google a qualifié la décision de la Commission européenne de « mauvaise » et a promis de « faire appel ». « Elle nous impose une amende injustifiée, et des changements qui vont nuire à des milliers d’entreprises européennes en leur compliquant la tâche pour gagner de l’argent », a déclaré Lee-Anne Mulholland, vice-présidente de Google chargée des affaires réglementaires.

Dans quel contexte intervient cette décision ?

Cette sanction intervient dans un contexte de tensions avec les États-Unis et l’administration Trump. Le 26 août, le président américain avait menacé les pays ou organisations régulant le secteur de la tech de leur imposer des droits de douane et des restrictions à l’exportation.

D’où sa furieuse réaction et ses menaces vendredi. Dans un message sur son réseau Truth Social, Donald Trump a assuré que si l’UE ne revient pas sur les amendes « injustes » infligées à Google, il serait « contraint » de déclencher un mécanisme de droits de douane punitifs.

Quelles sont les autres amendes infligées à Google ?

Il s’agit de la troisième sanction majeure prononcée contre Google en quelques jours. Le groupe a été condamné mercredi aux États-Unis à verser 425,7 millions de dollars de dommages à près de 100 millions d’utilisateurs pour atteinte à leur vie privée. Le même jour, il a écopé d’une amende, record en France, de 325 millions d’euros infligée par l’autorité française de contrôle du respect de la vie privée (Cnil) pour des manquements en matière de publicités et de cookies.

Bruxelles lui avait de son côté déjà infligé une amende de 4,3 milliards d’euros en 2018 pour abus de position dominante du système d’exploitation Android, (le montant de l’amende avait été ramené à 4,1 milliards d’euros en 2022), et une autre de 2,4 milliards d’euros en 2017 pour pratiques anticoncurrentielles sur les comparateurs de prix.