Opinion

Livre –

Stéphanie des Horts reste sous le charme de «Gianni le magnifique»

Publié: 06.09.2025, 18h51Jacqueline Kennedy et Giovanni Agnelli marchant ensemble lors d’un événement à Ravello, sur la côte Amalfitaine, en 1962. Plusieurs personnes se trouvent autour d’eux.

Gianni avec Jackie Kennedy en 1962. Leur idylle a alors fait boom.

Photo illustrant la couverture du livre.

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Il y aura toujours des midinettes, même si leur fonction sociale a disparu. Il suffit pour s’en persuader de regarder celles qui lisent «Gala» ou «Point de vue». Ces femmes se révèlent aussi de grandes consommatrices de biographies pailletées. Elles leur donnent l’impression d’entrer chez les grands et les grandes de ce monde, voire parfois du suivant. Beaucoup de ces livres leur parlent en effet de morts et de mortes. Que voulez-vous? Le monde n’est plus aussi glamour qu’il le fut un temps.

Le goût des aventuriers

Parmi les auteurs et autrices ayant fait leur beurre dans ce genre d’ouvrages, Stéphanie des Horts a su tirer son épingle haute couture du jeu. Aujourd’hui sexagénaire, la femme reste comme il se doit en parallèle journaliste. Une position qui vous vaut de bonnes critiques en forme de renvois d’ascenseur. Notez qu’elle a collaboré dès 2004 à «Valeurs actuelles». Une publication qui sent le soufre. Il suffit de lire la liste des affaires où la publication, qualifiée par certains «d’extrême droite», s’est vue taxée de racisme, d’antisémitisme, d’antiféminisme et j’en passe. La troisième de ces accusations pourrait du reste avoir déteint sur les publications de Stéphanie chez Albin Michel. Il y est en général question de grandes aventurières. Si un ouvrage existe bien sur Rita Hayworth, il y en a surtout à propos de Pamela Churchill, des sœurs Livanos et des sœurs Bouvier Jackie Kennedy et Lee Radziwill.

Mariage avec mariée en robe blanche jetant son bouquet depuis un balcon, entourée de personnes souriantes.

Le mariage avec Marella Carracciolo, que Gianni allait tromper plus que de raison.

DR.

C’est un homme qui fait, ô surprise, aujourd’hui l’objet d’une nouvelle biographie caracolant en tête des ventes. Mais quel homme, nous rétorque l’autrice! Il s’agit ni plus ni moins de «Gianni Agnelli le magnifique». Un héritier connu en tant que play-boy (comme Porfiro Rubirosa, Ali Khan ou «Baby» Pignatari) dans la «dolce vita» des années 1950, puis sous le titre de grand industriel automobile. Soyons justes. La mémorialiste s’arrête en 1966, quand Gianni reprend l’empire familial. La femme n’allait pas embêter ses lectrices avec des chiffres, ni s’appesantir sur les compromissions de la Fiat avec la Libye du colonel Khadafi. Il lui fallait du champagne, des voitures de sport, des casinos et des filles. Beaucoup de filles. Stéphanie des Horts fonctionne en effet sur le binôme fric et cul.

Misogynie foncière

Saupoudré de psychologie comme on jette un peu de parmesan sur des rigatoni, «Gianni le magnifique» surprend par sa misogynie. L’auteure l’attribue chez son héros à la disparition précoce de Madame Agnelli mère en 1945, alors que le chérubin avait tout de même 24 ans. Toutes les femmes ont ensuite été traitées au mieux comme des êtres inférieurs, au pire en putes de bas étage. La chose s’étale dans des chapitres racoleurs où Stéphanie des Horts se permet d’imaginer des dialogues. Comme si elle avait passé sa vie sous des lits de palace! Voire dans le cerveau de Gianni, qui apparaît parfois comme un beau salaud! Mais c’est un Agnelli, nous explique la bouche en cœur sa biographe. Autrement dit un homme vivant sur une autre planète, où tout se révèle apparemment permis. Il me semble cependant surprenant que nos féministes, pourtant si actives, ne se soient pas manifestées. Elles ont mis des écrivains au pilori pour moins que cela. Il reste aussi vrai qu’on doit moins lire Stéphanie des Horts du côté de Saint Germain des Prés que dans le XVIe arrondissement.

La vraie enquête

Le livre en question m’a fait apprécier par comparaison les «vies» à l’anglo-saxonne, où toutes les sources et les témoins vivants ont été convoqués. Sur l’état actuel de la famille Agnelli, où le petit-fils de Gianni John Elkann dirige l’entreprise tout en se battant en Justice contre sa propre mère, je citerai ainsi l’exemplaire enquête de Jennifer Clark, parue en janvier dernier dans «Vanity Fair». Ça s’appelle vraiment du journalisme!

Pratique

«Gianni le magnifique», de Stéphanie des Horts, aux Editions Albin Michel, 301 pages. Ma «newsletter» hebdomadaire du vendredi semble voir disparu. Pour me suivre, tapez sur Google Bilan et Dumont.

Né en 1948, Etienne Dumont a fait à Genève des études qui lui ont été peu utiles. Latin, grec, droit. Juriste raté, il a bifurqué vers le journalisme. Le plus souvent aux rubriques culturelles, il a travaillé de mars 1974 à mai 2013 à la «Tribune de Genève», en commençant par parler de cinéma. Sont ensuite venus les beaux-arts et les livres. A part ça, comme vous pouvez le voir, rien à signaler.