L’appareil de mesure imaginé au XIXe siècle par l’ingénieur Marseillais avait pour but de populariser et vulgariser l’observation circumterrestre. Montpellier fut la première ville de province a en disposer.
Dans un ouvrage, le scientifique et astronome gardois Jean-Michel Faidit retrace cette singulière histoire.
« C’était en 1860. Tout au bout de l’esplanade, là où se trouve aujourd’hui le Corum », narre Jean-Michel Faidit dont le regard perçant trahit l’admiration des hommes pour le génie de leurs prédécesseurs. En l’occurrence, ici, celui de l’ingénieur marseillais François Ouvière. En surplomb de la route de Nîmes, avec son axe incliné à 43 ° 36 ‘, l’exacte latitude montpelliéraine.
Et le professeur, scientifique et exercé astronome de poursuivre plus avant : « Le cosmographe arrive à l’école d’agriculture en 1901. Mais avant, ici, il y avait énormément de vignes ». Préconisé par la commission des travaux publics, l’enlèvement de l’instrument est suivi de son transfert vers l’actuel Institut agro, sous la houlette sous d’André Crova « qui enseignait ici et versait dans l’astronomie ».
Depuis, l’instrument semble bien seul sur le minuscule giratoire de l’établissement de la place Viala. Où il a finalement atterri. Orienté « au pifomètre », semblant dériver, comme désamarré, tel un corps céleste flottant dans la noirceur et la froideur du néant galactique.
Loin de déclencher l’enthousiasme alors de mise à la fin du XIXe siècle. À l’Exposition universelle de Paris en 1855. Puis dans une dizaine d’autres villes, à l’issue de foires régionales où plusieurs municipalités (Nîmes, Aix, Nice, Bordeaux, Marseille, Carcassonne…). Un appareil oublié de quasiment tous alors que son but premier permettait la vulgarisation et l’accès au plus grand nombre l’observation de certains phénomènes aérospatiaux. Cela « en simplifiant la sphère armillaire », jusqu’alors utilisées mais d’abord plus complexe pour le profane.
Un patrimoine en jachère
En dehors de la Tour de la Babote qui peut tout de même se visiter sur réservation, le patrimoine industriel en général, ferroviaire ou aéronautique comme astronomique n’est pas en veine sur le Clapas. « À l’origine il est en bronze avec un lettrage doré. Aujourd’hui, il a été repeint en blanc. Au moins cela le protège », constate, fataliste, Jean-Michel Faidit. Qui verrait bien l’instrument (actuellement rendu inaccessible au quidam) à l’abri, dans un musée et une copie être installée à l’endroit originel.
« Là, ça interpellait les promeneurs
dans l’espace public »
Avec son invention, Ouvière permet tout un chacun « de se retrouver par rapport au ciel ». Et comprendre les notions élémentaires qui régissent rotation et révolution des astres circumterrestre comme solaire, comprendre la succession du jour et de la nuit, connaître l’heure en y ajoutant l’observation d’étoiles… Soit un singulier mais bigrement efficace mélange de boussole, sextant et astrolabe pour les moins éveillés aux sciences, domaine encore peu démocratisé à l’aube du siècle nouveau, le XXe.
« C’est également esthétique. Le génie d’Ouvière c’est d‘avoir mis les cosmographes sur des places publiques. Car, à l’époque, il fallait aller dans les bibliothèques, ouvrir les livres. Là, ça interpellait les promeneurs dans l’espace public ».
Un tiers est encore visible
inventaire
Sur la douzaine de cosmographes réalisée, seuls quatre sont encore visibles dans leur entièreté. Outre celui de Montpellier, trois autres se trouvent à Sorèze, (Tarn), au lycée Michelet (Vanves) et au lycée Henri-IV (Paris). Il est également acquis que des cosmographes portatifs ont été fabriqués. Seuls ont survécu ceux conservés à Nîmes et Draguignan.
ingénieur
L’on sait peu de choses de François Ouvière, présentant son cosmographe à Nîmes (à gauche, canne levée sur la photo). Sinon qu’il est né dans la cité phocéenne en 1807 et y est décédé soixante ans plus tard. Il fut diplômé de l’École nationale des ponts et chaussées, marié et père de deux enfants.
Livre
Les Cosmographes d’Ouvière, observatoires populaires est édité par Les Presses du Midi (208 p, 23 €). Actuellement, Jean-Michel Faidit, docteur en histoire de l’astronomie, rédacteur en chef de la revue Planétariums et prolifique auteur, achève son quinzième ouvrage consacré aux météorites dans l’Occitanie. De très nombreuses années, il a collaboré avec Midi Libre qui publiait ses pédagogiques cartes du ciel. Un procédé permettant, là encore, d’initier le plus grand nombre à la compréhension astronomique.
Une découverte faite, un jour,
par hasard, grâce à un ami
C’est tout cela que Jean-Michel Faidit a donc un jour décidé de rapporter dans un ouvrage. Mais entre cette révélation, « par un ami quand j’habitais à 250 m d’ici, rue de Louvain » et la signature du bon à tirer pour l’imprimerie, des décennies se sont écoulées. « Puis j’en ai retrouvé un à Nîmes au Mont Duplan. Il a disparu depuis. Seuls restent ses cerceaux au planétarium. À l’époque, en 81, je m’étais dit : “S’il y en a un à Montpellier et Nîmes, il doit y en avoir d’autres !”. C’était le cas. Mais je n’ai pas donné suite. Pendant vingt, trente ans. Puis j’ai navigué sur internet, récolté plein d’infos, mené des enquêtes dans les services d’archives, bibliothèques… » Un opiniâtre labeur ayant finalement conduit le professeur de mathématiques, docteur et maître de conférences à commettre un quatorzième ouvrage.